— Quoi ? »
Jarlow regarda les quatre autres d’un air résolu, et dit : « Diriez-vous qu’un monde est habitable s’il est effectivement habité ?
— Oui, je pense que je me résoudrais à le dire, répondit calmement Wu.
— Vous prétendez que vous avez vu, à cette distance, qu’il était habité ? demanda sèchement Wendel.
— Oui, c’est exactement ce que je dis, capitaine. Il y a de l’oxygène libre dans l’atmosphère … et en grande quantité. Comment serait-ce possible sans photosynthèse ? Comment pourrait-il y avoir photosynthèse en l’absence de vie ? Et comment une planète serait-elle inhabitable, si elle abrite de la vie productrice d’oxygène ? Dites-le moi. »
Un profond silence tomba sur regroupe, puis Wendel répliqua : « C’est tellement improbable, Jarlow. Êtes-vous sûr de ne pas avoir semé la pagaille dans la programmation ? »
Blankowitz haussa les sourcils en regardant Wu, comme pour dire : « Vous voyez ? »
Jarlow répondit froidement : « Je n’ai jamais semé la pagaille, comme vous dites, dans une programmation, pourtant je suis prêt à me soumettre au contrôle de quelqu’un d’autre qui en saurait plus long que moi sur l’analyse des infrarouges atmosphériques. Ce n’est pas mon domaine, mais je me suis consciencieusement servi du livre de Blanc et Nkrumah sur ce sujet. »
Crile Fisher, qui avait pris de l’assurance depuis l’incident avec Wu, n’hésita pas à énoncer son point de vue.
— Écoutez, dit-il, ce fait sera confirmé ou infirmé lorsque nous nous rapprocherons, mais pourquoi ne pas présumer que l’analyse du Dr Jarlow est correcte et voir où cela nous mène ? S’il y a de l’oxygène dans l’atmosphère de cette planète, pourquoi ne pas supposer qu’on pourrait la terraformer ? »
Tous les yeux se tournèrent vers lui.
« La terraformer ? répéta Jarlow d’un air ébahi.
— Oui, la terraformer. Pourquoi pas ? Prenons une planète qui pourrait être habitable, sauf qu’elle possède l’atmosphère de gaz carbonique et d’azote de mondes sans vie comme Mars et Vénus ; vous jetez des algues dans ses océans et bientôt, on peut dire : ‘‘Adieu, gaz carbonique’’ et ‘‘Salut, oxygène.’’ Ou peut-être faire autre chose. Je ne suis pas un expert. »
Ils le regardaient tous fixement.
« Si je suggère cela, poursuivit-il, c’est que je me souviens d’en avoir entendu parler dans les fermes de Rotor. Il y avait même des séminaires sur le terraforming, auxquels j’ai assisté parce que je croyais que cela avait quelque chose à voir avec le programme de l’hyper-assistance. Hélas non, mais j’ai entendu pas mal de choses là-dessus.
— Dans tout ce que vous avez entendu sur le terraforming, dit enfin Jarlow, vous souvenez-vous du temps que cela prend ?
— Je n’en sais rien. Cela en gagne, j’en suis sûr.
— D’accord. Il a fallu deux ans à Rotor pour arriver là … s’ils y sont. Cela veut dire qu’ils sont ici depuis treize ans. Supposons que ceux de Rotor soient des algues solides jetées dans les océans, qu’elles aient survécu et qu’elles se soient multipliées en produisant de l’oxygène ; eh bien pour arriver au niveau actuel, c’est-à-dire à dix-huit pour cent d’oxygène pour quelques traces de gaz carbonique, j’estime qu’il aurait fallu plusieurs milliers d’années. Peut-être quelques centaines seulement … si les conditions étaient extraordinairement favorables. Cela prendrait certainement plus de treize ans. Et puis, les algues de la Terre sont adaptées aux conditions terrestres. D’autre part, les algues peuvent ne pas se reproduire, ou le faire très lentement, jusqu’à ce qu’elles se soient adaptées. Treize ans n’auraient rien changé. »
Fisher ne semblait pas découragé. « Ah, mais il y a beaucoup d’oxygène et pas de gaz carbonique, et si cela n’est pas le résultat de l’action de Rotor, d’où cela provient-il ? Ne croyez-vous pas qu’il faut supposer l’existence d’une vie extra-terrestre sur ce monde ?
— C’est ce que j’ai supposé, dit Jarlow.
— C’est peut-être le cas, intervint Wendel. Une végétation indigène effectue la photosynthèse. Cela ne veut pas dire, pour le moment, que les Rotoriens sont sur ce monde, ou qu’ils ont jamais atteint ce système. »
Fisher avait l’air agacé. « Eh bien, capitaine, dit-il en accentuant cette nomination formelle, je dois dire que cela ne signifie pas non plus que les Rotoriens ne sont pas sur ce monde, ni qu’ils n’ont pas atteint le système. Si la planète a une végétation propre, il n’est pas nécessaire de la terraformer et les Rotoriens ont pu s’y installer tout de suite.
— Je ne sais pas, dit Blankowitz. J’aurais tendance à penser que toute végétation évoluant sur une planète étrangère ne pourrait guère nourrir des êtres humains. Je doute qu’ils puissent la digérer ; ou même l’assimiler, s’ils pouvaient la digérer. Je parierais plutôt sur sa toxicité. Et s’il y a une vie végétale, il y a aussi une vie animale, et nous savons ce que cela entraîne.
— Même dans ce cas, s’entêta Fisher, il est possible que les Rotoriens aient clôturé un morceau de terrain, tué la vie indigène à l’intérieur du périmètre et semé leurs propres plantes. J’imagine que cette plantation étrangère — si vous voulez l’appeler ainsi — s’étendrait avec les années.
— Rien que des suppositions, murmura Wendel.
— En tout cas, continua Fisher, cela ne sert à rien de rester là à bâtir des scénarios alors qu’il serait logique d’étudier cette planète — et d’aussi près que possible. Même de l’explorer … si cela paraît faisable. »
Et Wu dit avec une force surprenante : « Je suis tout à fait d’accord.
— Je suis biophysicienne, intervint Blankowitz, et s’il y a de la vie sur la planète, nous devons l’explorer, quelles que soient ses autres caractéristiques. »
Wendel les regarda l’un après l’autre et, rougissant légèrement, conclut : « Je suppose qu’il le faut. »
« Plus nous nous rapprochons, dit Tessa Wendel, plus nous recueillons d’informations, plus tout cela est troublant. Serait-ce un monde mort ? Il n’y a aucun éclairage sur l’hémisphère obscur ; aucun signe de végétation ou d’une autre forme de vie.
— Aucun signe flagrant, fit remarquer froidement Wu, mais il faut bien qu’il y ait quelque chose pour maintenir de l’oxygène dans l’air. N’étant pas chimiste, je ne trouve pas de processus chimique qui puisse faire cela. Quelqu’un a une idée ? »
Il attendit à peine la réponse.
— En fait, je me demande si un chimiste pourrait trouver une explication chimique. Si oxygène il y a, il doit être produit par un processus biologique. Nous ne connaissons rien d’autre.
— En disant cela, intervint Wendel, nous nous basons sur notre expérience, qui est celle d’une atmosphère contenant de l’oxygène … celle de la Terre. Un jour, on se moquera peut-être de nous. Peut-être que la Galaxie est jonchée de planètes dont l’atmosphère est pleine d’oxygène sans relation avec la vie et on retiendra de nous que nous nous sommes retrouvés dans une impasse uniquement parce que nous venions d’une planète qui est une anomalie, avec son oxygène issu de la vie.
— Non, dit Jarlow en colère. Vous ne pouvez pas vous en tirer comme cela, capitaine. Vous pouvez imaginer toutes sortes de scénarios, mais vous ne pouvez pas attendre des lois de la nature qu’elles changent pour votre commodité. Si vous voulez trouver une source non biologique à une atmosphère contenant de l’oxygène, il faut nous proposer un mécanisme.
— Mais, il n’y a aucun signe de chlorophylle dans la lumière réfléchie par ce monde.
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