— Alors, dit Wendel, le détecteur neuronique de Blankowitz aurait repéré la présence d’êtres humains sous la surface de la planète.
— Oui. Pourquoi pas ? C’est l’épaisseur du sol entre leurs cavernes et la surface qui affaiblit la réaction que mesure le détecteur neuronique.
— Mais, objecta le capitaine, Blankowitz a plus ou moins la même réaction en provenance de la terre et de la mer.
— De la planète entière. Très régulièrement, dit celle-ci.
— Bon, répliqua Fisher. De la vie indigène sous la mer, des Rotoriens sous terre. Pourquoi pas ?
— Attendez, intervint Jarlow. Vous avez une réaction positive partout, Blankowitz. C’est bien ça ?
— Partout. J’ai détecté de légères augmentations et diminutions, mais la réponse est si minime que je n’en suis pas vraiment sûre. Ce qui est certain, c’est qu’il y a de l’intelligence partout sur la planète.
— Je pense, poursuivit Jarlow, que c’est possible dans la mer, mais sous terre ? Vous supposez que les Rotoriens, en treize années, treize seulement, ont creusé un réseau de tunnels sous toute la surface de la planète ? Si vous aviez une réaction dans un secteur, ou même deux — de petites surfaces, occupant une minuscule fraction de celle de ce monde — j’envisagerais la possibilité d’un terrier rotorien. Mais sous toute la surface ? Je vous en prie ! Un peu de sérieux.
— Dois-je en déduire, Henry, que vous suggérez qu’il y a une intelligence extra-terrestre souterraine sur toute la planète ? demanda Wu.
— Je ne vois pas d’autre conclusion, à moins de décider que l’appareil de Blankowitz est complètement dénué de valeur.
— Dans ce cas, dit Wendel, je me demande s’il n’y a pas du danger à atterrir. Une intelligence extra-terrestre ne se montre pas nécessairement amicale, et le Supraluminal n’est pas équipé pour faire la guerre.
— Je ne pense pas qu’il faille renoncer, s’entêta Wu. Nous devons découvrir quelle sorte de vie c’est, et en quoi elle peut interférer avec les plans que nous pourrions faire pour évacuer la Terre et nous installer ici.
— Il y a un seul endroit où la minuscule réponse est plus intense que partout ailleurs, dit Blankowitz. Pas de beaucoup. Est-ce que je dois tenter de le retrouver ?
— Allez-y. Essayez, répondit Wendel. Nous étudierons soigneusement les environs et déciderons s’il faut atterrir ou non.
— Je suis sûr qu’il n’y a aucun danger », affirma Wu avec un sourire un peu narquois.
Wendel se contenta de froncer les sourcils d’un air malheureux.
Ce qu’il y avait de bizarre chez Saltade Leverett (pensait Janus Pitt), c’est qu’il se plaisait dans la ceinture d’astéroïdes. Apparemment, il y avait des gens qui aimait vraiment le vide, l’inanimé.
— Ce n’est pas que je déteste les gens, expliquait Leverett. Je peux communiquer avec eux par holovision … parler avec eux, les écouter, rire avec eux. Je peux tout faire, sauf les toucher et sentir leur odeur … et qui en a envie ? En outre, on est en train de construire cinq stations spatiales dans la ceinture d’astéroïdes ; je peux les visiter et avoir mon content d’êtres humains … et les sentir aussi, si c’est bon pour moi. »
Quand il venait sur Rotor — la « métropole », comme il tenait à l’appeler — il ne cessait de regarder de côté et d’autre, comme s’il s’attendait à ce que les gens se précipitent sur lui.
Il jetait les mêmes coups d’œil soupçonneux sur les sièges et s’asseyait en s’y glissant obliquement, dans l’espoir, peut-être, d’essuyer l’aura que le précédent postérieur y aurait laissé.
Janus Pitt avait estimé que son ami serait le gouverneur idéal du Projet Astéroïde. Cette situation lui avait, en effet, donné carte blanche pour tout ce qui concernait la partie extérieure du système némésien. Ce qui comprenait non seulement les colonies en construction, mais aussi le Service de Balayage.
Ils avaient fini de déjeuner dans l’intimité de l’appartement de Pitt, car Saltade aurait préféré mourir de faim que de se rendre dans une salle à manger où le public était admis (ou simplement une troisième personne qu’il ne connaissait pas). Pitt était même étonné que Leverett ait accepté de manger avec lui.
Le Gouverneur l’étudiait avec désinvolture. Leverett était si maigre, si parcheminé, qu’on avait l’impression qu’il n’avait jamais été jeune et ne serait jamais vieux. Ses yeux étaient d’un bleu délavé et ses cheveux jaunâtres.
« Quand est-ce que tu es venu pour la dernière fois sur Rotor ?
— Cela fait presque deux ans, Janus, et je trouve cela peu aimable de ta part de m’obliger à subir cela.
— Pourquoi, Saltade, qu’est-ce que j’ai fait ? Je ne t’ai pas convoqué, mais je suis content que tu sois là, mon vieil ami.
— Tu m’aurais convoqué que ce serait pareil. C’est ce message que tu as envoyé pour dire que tu ne voulais plus qu’on te dérange pour des vétilles. Es-tu devenu si important que tu ne veux plus t’occuper que de grandes choses ? »
Le sourire de Pitt devint un peu tendu. « Je ne sais pas de quoi tu parles, Saltade.
— Je parle du rapport qu’ils ont reçu de toi. Ils ont détecté une petite radiation en provenance de l’espace. Ils t’ont prévenu et tu leur as envoyé un de tes fameux mémo pour leur dire qu’il ne fallait plus t’importuner.
— Oh, ça ! » (Pitt se souvint. C’était le jour où il s’était apitoyé sur lui-même et tellement énervé. Il avait tout de même le droit de s’énerver de temps en temps, non ?) « Eh bien, tes techniciens sont là pour guetter l’arrivée des colonies. Ils n’ont pas besoin de me raser avec des problèmes mineurs.
— Si c’est ton attitude, d’accord. Mais il s’avère qu’ils ont trouvé quelque chose qui n’est pas une colonie et ils n’osent pas t’en parler. Ils se sont adressés à moi et m’ont demandé de te transmettre la nouvelle, en dépit de ton ordre de ne plus te déranger pour des vétilles. Ils s’imaginent que je sais m’y prendre avec toi, mais je ne m’en crois pas capable, Janus. Vas-tu devenir acariâtre dans ton âge mûr ?
— Ne jacasse pas comme cela, Saltade. Qu’est-ce qu’ils ont capté ? dit Pitt d’un air qui était bien revêche.
— Ils ont repéré un vaisseau spatial.
— Que dis-tu … un vaisseau ? Et pas une colonie ? »
Leverett leva une main noueuse. « Pas une colonie. J’ai dit un vaisseau.
— Je ne comprends pas.
— Qu’y a-t-il à comprendre ? Il te faut un ordinateur ? Dans ce cas, le tien est là. Un vaisseau spatial, un navire qui se déplace dans l’espace, avec un équipage à bord.
— Grand comment ?
— Il pourrait abriter une demi-douzaine de personnes, je pense.
— Alors, ce doit être un des nôtres.
— Non. Nous avons pris en compte chacun des nôtres. Il n’est pas de fabrication rotorienne. Le Service de Balayage n’a peut-être pas osé t’en parler, mais il a bien travaillé. Aucun ordinateur, nulle part dans le système, n’a participé à la construction d’un navire semblable à ce vaisseau spatial, et personne n’aurait pu le faire sans l’aide d’un ordinateur.
— Alors, tu en conclus ?
— Que ce n’est pas un vaisseau rotorien. Il vient d’ailleurs. Tant qu’il est resté la moindre chance qu’il ait pu être fabriqué par nous, mes techniciens se sont tus et ne t’ont pas dérangé, selon tes instructions. Quand il s’est avéré, définitivement, que ce n’était pas un des nôtres, ils se sont adressés à moi pour dire qu’il fallait t’en parler, mais qu’ils ne le feraient pas. Tu sais, Janus, passé un certain point, bafouer le personnel, cela entrave la productivité.
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