Robert Silverberg - Ciel brûlant de minuit

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Ciel brûlant de minuit: краткое содержание, описание и аннотация

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XXIVe siècle. Effet de serre. Plus de couche d'ozone. La Terre a basculé dans les bouleversements climatiques, et le ciel brûlant de minuit ne laisse jamais filtrer la moindre fraîcheur.Tandis que Paul Carpenter remorque un iceberg monstrueux afin d'alimenter Los Angeles en eau potable, Nick Rhodes, biologiste, cherche à adapter l'humanité à une atmosphère pauvre en oxygène, pour le compte d'un conglomérat japonais. Isabelle cherche l'amour, et Jolanda le dépassement de l'art.Ils sont tous pris au piège de ce monde dégradé, de leurs vies bancales et de leurs amours furtives, aussi déboussolés que la Terre brûlante qui les porte.Et tous, ils cherchent la sortie.Dans les étoiles…
Robert Silverberg, consacré par quatre prix Hugo et cinq prix Nebula, dresse ici le tableau d'un avenir plausible, terrifiant et fascinant.

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— Je n’ai rien contre cette idée, fit Carpenter. Comme tu l’as si élégamment dit, Nick, pourquoi pas, bordel ?

Carpenter était arrivé dans le courant de la journée, après un voyage de retour bizarre, dont il n’avait conservé que des souvenirs indistincts. La voiture était restée en conduite automatique pendant tout le trajet, programmée pour chercher l’itinéraire le plus court entre l’Illinois et la Californie, ne s’arrêtant que lorsqu’il lui était nécessaire de se recharger, tenant à peine compte des limites de vitesse. Carpenter avait passé le plus clair du temps à dormir, recroquevillé sur la banquette arrière comme un paquet de vieux habits. Il se rappelait qu’il y avait eu un problème quand la voiture, tombant sur une extension récente du périmètre de quarantaine, avait dû faire un grand détour par le nord ; il se souvenait d’un coucher du soleil, dans l’ouest du Nebraska, où il avait vu une boule de feu plonger au-dessous de l’horizon ; il avait le souvenir vague, sujet à caution, de la traversée, à l’aube du jour suivant, d’une large et mystérieuse plaine noire de cendres entassées et de matières volcaniques vitrifiées. À cela se limitaient pour lui les réminiscences du voyage.

Les souvenirs de Chicago étaient plus vifs.

Jeanne haletant dans ses bras, surprise par le plaisir dans le courant d’une longue nuit d’étreintes avides. Jeanne éclatant aussi brusquement en sanglots convulsifs, un peu plus avant dans cette même nuit, et refusant de lui dire pourquoi. Jeanne avouant qu’elle était devenue catholique et proposant de prier pour lui. Jeanne, enfin, le repoussant à l’approche de l’aube et lui disant qu’elle avait perdu l’habitude de l’amour et avait eu son content.

Tous deux, le masque sur le visage, le corps bourré d’Écran, déambulant en plein midi, la main dans la main, par une chaleur à faire regretter son royaume à Satan, sous un ciel barbouillé de vert, évoquant une cuvette de vomi renversée. Percevant, malgré le masque, l’odeur d’œuf pourri de l’acide sulfhydrique. Les yeux levés vers les énormes immeubles anciens dont les hautes façades de pierre, soumises à la virulence de l’air corrosif, sculptées par les pluies acides, offraient une composition fantasmagorique de style gothique, parapets et tourelles, clochetons et fléchés asymétriques.

Jeanne, dans la même journée, le corps enfoui dans un ample peignoir, affirmant qu’elle était trop laide pour se montrer avec la lumière, se mettant en colère quand il avait dit qu’elle était folle, qu’elle avait un corps réellement magnifique.

Jeanne, enfin, s’adressant à lui avec gravité.

— C’est merveilleux de t’avoir eu ici, Paul. Je le pense sincèrement, tu sais. D’avoir vraiment vécu cela, après avoir fait semblant si longtemps. Mais, maintenant… Si tu crois pouvoir trouver la force de te remettre en route…

Épuiser ensuite les maigres réserves d’alcool de Jeanne, à une allure soutenue, consciencieusement, à la manière de Nick Rhodes. Essayer d’appeler Jolanda à Berkeley, en espérant que Jeanne ne serait pas trop blessée de le voir se tourner aussi rapidement vers une autre femme, mais n’obtenant à son numéro qu’un message enregistré, pas une indication pour faire suivre son appel. Puis appeler Nick. S’inviter chez lui. Annoncer à Jeanne qu’il reprenait sans délai la route de la Californie, voir une expression égarée se peindre sur son visage et se demander si, en l’incitant à partir, elle attendait réellement de lui qu’il prenne ses paroles au pied de la lettre.

— C’est le milieu de la nuit, Paul.

— Ça ne fait rien. La route est longue ; je ferais mieux de partir tout de suite.

Les yeux brillants de Jeanne. Larmes de tristesse ? De soulagement ? Les signaux qu’elle envoyait étaient toujours contradictoires.

— Appelle-moi, Paul. Reviens me voir dès que tu en auras envie.

— Oui. Oui.

— C’était merveilleux de te voir.

— Oui. Oui. Oui.

— Je t’aime, Paul.

— Je t’aime, Jeannie. C’est vrai.

Monter en voiture. Prendre la route. Les yeux bouffis de fatigue, la langue alourdie par l’alcool, les joues mangées par une barbe de plusieurs jours. Le périmètre de quarantaine. Le soleil dilaté, tombant comme une pierre. Les cendres et les matières volcaniques ; et puis, une éternité plus tard, les formes arrondies des collines fauves de la région de la baie, le tunnel menant à Berkeley, l’appartement de Nick Rhodes, perché à flanc de coteau, la vue stupéfiante.

— Isabelle ne va pas tarder, déclara Rhodes. Nous irons tous dîner ensemble. Jolanda veut se joindre à nous. À moins que tu n’aies pas envie de la voir, bien sûr. Elle est avec Enron, tu sais. Je te l’ai dit, quand tu as appelé, non ?

— Oui, tu me l’as dit. Je m’en fiche. Plus on est de fous, plus on rit.

Un drôle de dîner. Isabelle terriblement douce, gentille, tendre, exprimant à plusieurs reprises sa profonde compassion pour toutes les épreuves que Carpenter venait de traverser – Isabelle la thérapeute, celle que Carpenter n’avait jamais connue, la femme bienveillante dont Nick Rhodes était éperdument amoureux. Ce soir-là, au restaurant, on les eût dits mari et femme, épris l’un de l’autre, plus des adversaires, un vrai couple. Jolanda aussi affirma à Carpenter qu’elle était navrée de tous ses ennuis et, en manière de consolation, lui offrit une étreinte torride, plaquant ses seins contre sa poitrine, dardant la langue pour la glisser entre ses lèvres, ce qui, venant de n’importe qui d’autre, eût semblé une invitation à se mettre au lit sans perdre un instant n’était, de la part de Jolanda, qu’une démonstration d’amitié tout à fait ordinaire. Enron ne parut pas s’en formaliser. Il regardait à peine Jolanda, ne manifestait pas le moindre intérêt pour elle. L’Israélien demeurait étrangement distant, privé de la véhémence frénétique dont il avait fait montre au cours du dîner, déjà si lointain, à Sausalito, ouvrant à peine la bouche ; il était présent physiquement, mais son esprit semblait ailleurs.

Le dîner de ce soir-là, pris de bonne heure dans un restaurant d’Oakland inconnu de Carpenter, vit se déverser des quantités de vin, des quantités de bavardages superficiels, vraiment pas grand-chose d’autre. Jolanda, à l’évidence bourrée d’hyperdex, discourut interminablement sur les merveilles de la station L-5 qu’Enron et elle venaient de quitter.

— Quel était le motif de ce voyage ? lui demanda Carpenter.

— Vacances, répondit Enron à sa place, un peu trop rapidement, un peu trop fougueusement. Rien d’autre que des vacances.

Curieux.

Quelque chose tracassait Nick Rhodes aussi. Silencieux, maussade, il buvait encore plus que de coutume. Il est vrai, se dit Carpenter, qu’il y a toujours quelque chose qui tracasse Nick.

— Demain, annonça Jolanda, vous dînez tous chez moi, Nick, Paul, Isabelle et Marty. Il faut terminer tout ce que j’ai au congélateur.

Elle repartait déjà, avec Enron, à Los Angeles cette fois. Curieux de les voir faire tous ces voyages ensemble, alors qu’ils paraissaient s’occuper si peu l’un de l’autre.

— Il y aura un autre invité, demain soir, ajouta Jolanda à l’attention de Carpenter, un homme que nous avons rencontré sur Valparaiso Nuevo. Il s’appelle Victor Farkas. Il peut vous être utile de parler avec lui, Paul. Il travaille pour Kyocera, à un échelon assez élevé, et je lui ai déjà touché un mot de vos difficultés récentes. Il pourrait peut-être vous trouver quelque chose chez Kyocera. Quoi qu’il en soit, vous le trouverez intéressant. C’est un homme comme on en voit peu, tout à fait fascinant, même s’il donne le frisson.

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