Les garçons modérèrent leur joie quelques instants pour aider M. Rice à remettre tout son matériel dans la jeep. Ceci fait, on se posa la question de l’emploi du temps. Hay et Malmstrom voulaient retourner pour travailler à l’aquarium, alors que Bob et Rice souhaitaient profiter immédiatement de l’ouverture du passage pour aller explorer les récifs du sud. Comme d’habitude Colby n’émit pas d’opinion. Aucun d’eux ne songea un instant à abandonner ses camarades et Hay emporta la décision en faisant remarquer que l’après-midi était déjà avancé et que mieux valait revenir le matin pour avoir toute la journée à passer sur les récifs.
Normalement, Bob aurait insisté davantage afin de permettre au Chasseur d’examiner un autre secteur des récifs, mais celui-ci lui avait révélé la veille au soir la nature du morceau de métal, cause indirecte de l’accident de Rice.
« C’était l’enveloppe d’un générateur appartenant à un engin similaire au mien, avait dit le Chasseur. Je suis absolument certain que cela ne vient pas de mon appareil. Si je l’avais seulement vu j’aurais évidemment pu me tromper, car il y a de grandes chances pour que vos semblables possèdent des objets ayant la même allure vus de loin, mais je l’ai senti pendant que vous tiriez dessus avec la main. Des petites marques étaient gravées dans le métal et j’ai reconnu des lettres de mon propre alphabet.
— Comment a-t-il pu venir là puisqu’il n’y avait pas d’autres débris aux alentours ?
— Je vous ai déjà dit que notre fugitif était un lâche. Il a dû détacher cette partie de son appareil et l’emmener avec lui pour se protéger, malgré le poids. Je reconnais que c’était une armure solide, car je n’imagine pas de moyen de percer ce métal. D’autre part, le fugitif devait se maintenir tout au fond de la petite coquille qu’aucun poisson ne pouvait naturellement avaler. Le stratagème était habile bien qu’en agissant ainsi il nous ait fourni la preuve qu’il avait effectivement atterri sur cette île et de plus nous savons à présent où il a pris pied sur la côte.
— Pouvez-vous imaginer ce qu’il a pu faire alors ?
— Exactement ce que je vous ai déjà dit : il a dû prendre un hôte pour se cacher à la première occasion et je crois pouvoir avancer qu’il ne s’est pas montré difficile dans son choix. Vous voyez que nous avions raison de soupçonner tous vos amis, y compris le jeune homme qui allait dormir près des rochers dans un bateau plein d’explosifs. »
Sachant cela, Bob acceptait volontiers de remettre à plus tard l’exploration des récifs, car il aurait ainsi le temps de réfléchir aux nouveaux problèmes qui se posaient. Il était donc tout prêt à aider ses camarades dans ce travail qui ne l’enchantait guère. Au cours de l’après-midi il eut une idée mais ne put s’écarter suffisamment des autres pour l’exposer au Chasseur. Il décida donc de remettre à plus tard la conversation et s’attela avec les autres à enlever les morceaux de ciment restant.
Lorsque le moment fut venu de rentrer chez eux pour le dîner, les garçons avaient réussi à entamer le bouchon de ciment. Ils avaient pu ouvrir une ouverture suffisante pour y faire passer entièrement une des barres à mine. Le trajet du retour leur parut très court, car ils étaient lancés dans une discussion passionnée pour savoir si l’ouverture ainsi pratiquée serait assez grande pour permettre à l’eau de l’aquarium de se renouveler assez vite. Lorsqu’ils se séparèrent, ils n’étaient pas encore d’accord sur l’importance du résultat acquis.
Dès qu’il fut seul, Bob soumit aussitôt son idée au Chasseur.
« Vous m’avez dit à plusieurs reprises que vous ne voudriez jamais quitter ou entrer dans mon corps sans que je sois endormi, car vous ne voulez absolument pas que je vous voie. Je ne crois pas que cela ait beaucoup d’importance, mais enfin je ne veux pas discuter encore une fois cette question. Mais imaginez que je pose un récipient dans ma chambre durant la nuit, une boîte ou tout autre objet suffisamment grand. Dès que je serai endormi, et vous êtes à même mieux que quiconque de vous en rendre compte, vous pourriez facilement sortir pour passer dans la boîte. Si vous le désirez je puis vous donner ma parole de ne pas regarder à l’intérieur. Je pourrais alors vous transporter près de la maison de chacun de mes camarades à tour de rôle et vous y laisser pour une nuit. Vous auriez toute latitude pour vous rendre compte par vous-même de ce qui se passe chez chacun d’eux et de vous réfugier dans la boîte le matin. Je ferais un signe quelconque que vous modifiriez à votre guise afin de m’indiquer si vous voulez revenir chez moi ou être transporté ailleurs. »
Le Chasseur ne répondit pas immédiatement, puis déclara :
« L’idée est bonne en elle-même, mais dès à présent, j’entrevois deux inconvénients sérieux. Tout d’abord je ne pourrais visiter qu’une maison par nuit et demeurerais absolument sans protection au cours de la journée, en outre vous seriez abandonné à vous-même pendant que je me livrerais à ces recherches. En temps normal il n’y aurait aucun inconvénient à cela mais vous ne devez pas oublier qu’à présent nous avons de bonnes raisons de croire que notre criminel vous a identifié comme étant mon hôte. S’il vous tendait un piège en mon absence, les résultats risqueraient d’être graves.
— Cela pourrait peut-être le convaincre que je ne suis pas votre hôte, ou du moins que je ne le suis plus, fit remarquer Bob.
— Supposez-vous vraiment que cela pourrait nous être d’une utilité quelconque à vous ou à moi ? »
Comme à l’ordinaire le sens profond que le Chasseur voulait donner à ses paroles n’était que trop compréhensible.
Bob fut assez surpris en rentrant chez lui de voir que son père était déjà à table.
« Je suis donc si en retard ? demanda-t-il un peu inquiet, en pénétrant dans la salle à manger.
— Non, mon petit, tu es à l’heure, c’est très bien, mais je suis rentré plus tôt pour manger un morceau en vitesse. Il faut que je retourne au réservoir. Nous voulons absolument terminer ce soir la paroi du fond et je dois assister à la coulée du béton. Comme cela, tout aura le temps de sécher durant la journée de dimanche.
— Je peux venir avec toi, papa ?
— On ne fera rien avant minuit de toute façon. Et si cela t’amuse tu peux venir nous retrouver. Avec un peu de chance et si tu demandes poliment la permission à ta mère, elle te laissera partir et ira même jusqu’à doubler la ration de sandwiches qu’elle prépare en ce moment. »
Bob se précipita en trombe vers la cuisine mais fût arrêté net en route par la voix de sa mère qui déclarait :
« Ça va encore pour cette fois, mais dès que tu seras de nouveau en classe, ces petites plaisanteries seront terminées.
— D’accord ! »
Bob s’installa en face de son père et l’interrogea pour avoir d’autres détails sur ce qui allait se passer. Entre deux bouchées, M. Kinnaird s’efforçait de satisfaire la curiosité de son fils. Bob n’avait pas songé à demander où se trouvait la Jeep et il y pensa brusquement en entendant des appels répétés de klaxon. Ils sortirent ensemble, mais une seule place était encore disponible dans la voiture où avaient déjà pris place les pères de Hay, de Colby, de Rice et de Malmstrom. M. Kinnaird se tourna alors vers son fils :
« J’ai oublié de te dire que tu seras obligé d’aller là-bas à vélo. Et puis il faudra que tu reviennes à pied, car ton éclairage ne marche pas et je suppose que tu ne l’a pas encore réparé. Tu viens quand même ?
— Et comment ! »
Bob courut vers le petit appentis où il rangeait sa bicyclette.
Читать дальше