« Quelqu’un a-t-il vu Charlie Teroa aujourd’hui ? demanda Bob.
— Non, répondit Malmstrom, il vient deux jours par semaine à l’école pour ses cours de navigation et c’est tout. Tu crois que cela lui servira à quelque chose un jour ?
— Sûrement pas avec quelqu’un qui le connaît bien, déclara Rice d’un air méprisant. Personnellement j’aimerais mieux engager un type qui puisse au moins rester éveillé durant le jour.
— Pourtant il a l’air de faire pas mal de travail dans son jardin, remarqua Bob avec un sourire.
— Tu penses ! avec sa mère qui le surveille et sa sœur qui l’aide. Tu ne sais pas que lorsqu’on a voulu approfondir la passe est l’automne dernier il s’est endormi sur une charge de dynamite ?
— Tu es complètement fou !
— Pas du tout. On l’avait envoyé porter une caisse dans un bateau au cas où on aurait eu besoin de plus d’explosifs et vingt minutes plus tard mon père a trouvé l’embarcation amarrée au rocher et Teroa profondément endormi la tête sur la caisse de dynamite. Il a eu de la chance qu’il n’y ai pas eu de détonateur dessus et que les vagues n’aient pas été assez fortes pour faire cogner l’embarcation sur les rochers.
— Ce n’était peut-être pas uniquement de la chance, fit remarquer Bob, car il savait très bien qu’il n’y avait pas de détonateur, donc aucun danger.
— Possible, en tout cas je n’aurais pas pu le supporter longtemps dans mes parages », lança Rice d’un air mauvais.
Bob regarda le garçon roux qui n’était pas très grand pour son âge et lui dit :
« Si tu continues à l’embêter, il te balancera à la flotte un de ces jours. De plus est-ce que cette histoire de passager clandestin ne venait pas de toi ? »
À juste titre, Rice aurait pu demander ce que la tentative de fuite sur le navire avait à faire avec la question, mais il baissa la tête et ne dit rien. Quelques instants plus tard le fond du bateau raclait le sable de la plage.
En rentrant chez lui, Bob s’aperçut qu’il avait oublié de demander le livre du docteur à Hay, mais à la réflexion ce n’était pas d’une urgence extrême et il aurait le temps de le réclamer le lendemain. Selon toute vraisemblance ce volume ne lui serait pas d’un grand secours. Pour changer un peu, il passa la soirée avec ses parents à lire et à discuter. Le Chasseur ne se manifesta pas et se contenta sans doute d’écouter et de réfléchir. Du point de vue du Détective la matinée suivante s’ouvrit sous de meilleurs auspices. Bob travailla dans le jardin au début de la matinée pendant que ses amis étaient encore à l’école et ne réussit à trouver aucun moyen, pas plus que le Chasseur, d’approcher d’assez près Teroa afin de pouvoir l’analyser. Bob avait proposé au Chasseur de le laisser un soir tout près de la maison de Teroa et de revenir le prendre le lendemain matin de très bonne heure. Le Chasseur avait refusé, déclarant que pour rien au monde il ne permettrait à Bob de le voir entrer ou sortir de lui. Il savait trop bien ce que donnerait l’émotion ressentie. Bob ne comprenait pas très bien, mais s’estima néanmoins convaincu lorsque le Chasseur lui fit remarquer qu’il n’y avait aucun moyen de s’assurer que la masse de gelée qui devrait réintégrer son corps, serait effectivement le Détective. Le jeune garçon d’autre part n’avait aucune envie de courir le risque de faire entrer le criminel fugitif dans son corps.
Au début de l’après-midi Bob rencontra ses camarades comme prévu et ils se dirigèrent immédiatement vers le bateau. La question réparation ne se posant plus ils mirent aussitôt le cap au nord-ouest, suivant la côte à quelque distance. Hay et Colby étaient aux environs. La nouvelle planche avait gonflé et il était à peu près inutile d’écoper. Plus d’un kilomètre les séparait de leur but et ils avaient déjà parcouru une bonne partie du trajet avant que le Chasseur ne comprît exactement quelle était la structure géographique dont il n’avait jusqu’à présent que des données assez vagues, surprises au hasard des conversations. La petite île sur laquelle Hay avait installé son aquarium se trouvait assez près de la côte. Elle occupait la première partie du récif qui s’éloignait en s’inclinant vers le nord en partant de la petite plage ou les garçons avaient l’habitude de se baigner. Une étendue d’eau large à peine de vingt-cinq mètres séparait cette langue de sable de la côte elle-même. Un étroit chenal protégé des brisants par d’autres dépôts coralliens permettait de gagner la mer libre.
La petite île était faite de coraux sur lesquels un peu de terre était venue s’accumuler au cours des ans. Il y en avait assez pour que quelques buissons puissent y pousser. Le lagon presque circulaire avait six à huit mètres dans sa plus grande largeur. Aucune communication ne devait exister avec la mer qui venait se briser à quelques pas de là. Norman expliqua qu’il avait bouché deux ou trois passages sous-marins avec du ciment et que les vagues se chargeaient de remplir le lagon à la marée haute. Comme il l’avait dit la veille, son aquarium ne le satisfaisait pas. Un poisson-lune flottait le ventre en l’air et aucune trace de vie n’apparaissait sur les coraux qui formaient la base du récif.
« Ce doit être une sorte de maladie, déclara-t-il, mais je n’ai jamais entendu parler d’une épidémie qui s’attaque à toutes les espèces.
— Moi non plus », déclara Bob qui ajouta : « C’est sans doute pour cela que tu as emprunté un livre au médecin ? »
Norman lui lança un regard surpris.
« Oui, mais comment le sais-tu ?
— Le docteur m’en a parlé. Je voulais avoir des précisions sur certains virus et il m’a dit t’avoir prêté le meilleur livre qu’il possédait sur le sujet. En as-tu encore besoin ?
— Je ne crois pas. Qu’est-ce qui t’intéresse dans les virus ? J’ai lu les chapitres qui en parlaient et je n’ai pas appris grand-chose.
— Ce n’est pas un intérêt précis, répondit Bob, mais j’en parlais avec quelqu’un l’autre jour et l’on ne savait pas s’ils étaient réellement vivants ou non. Au fond, la question semble inutile. Si le virus mange et se développe, il doit être en vie.
— Je me souviens justement d’un paragraphe où il en était question et… »
La conversation fut alors interrompue et Bob n’eut plus à chercher d’autres prétextes pour expliquer son intérêt.
« Je t’en prie, Norm, donne-lui le bouquin lorsque tu rentreras chez toi et revenez un peu sur terre tous les deux. Si cela vous amuse, exercez vos facultés à trouver ce qui ne va pas dans cet aquarium ou alors continuons à nous balader sur les récifs pour voir ce qu’on pourra découvrir. »
Malmstrom venait de rappeler sa présence avec l’accord tacite de Rice qui n’aimait pas demeurer à l’écart. Comme d’habitude, Colby restait au second plan et gardait le silence.
« Vous avez raison ! » Hay se tourna de nouveau vers le petit lagon. « Je n’ai aucune idée de ce qu’il faut faire ; voilà deux ou trois mois que j’essaie vainement de découvrir quelque chose. J’espérais que Bob aurait une idée.
— Je ne connais pas grand-chose en biologie, répondit Robert. À part ce que j’ai appris en classe… Tu n’as pas eu la curiosité de descendre au fond pour rapporter un morceau de corail et examiner de près ces polypes ?
— Je ne me suis jamais baigné ici. Au début je ne voulais pas déranger les poissons et après leur mort j’ai craint d’attraper à mon tour la maladie.
— C’est possible, mais tu as certainement touché l’eau de nombreuses fois et rien ne t’est arrivé. Je vais y aller si tu veux. » Une fois de plus le Chasseur se sentit près de la colère. « Que veux-tu que je te remonte ? » demanda Bob.
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