Stuart Neville - Le silence pour toujours

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Après avoir été grièvement blessé dans une fusillade, l’inspecteur Jack Lennon voit sa vie partir à la dérive. Un jour, Rea Carlisle, une ex-petite amie, lui demande de l’aide. Rea, fille d’un politicien influent, a hérité de la maison d’un oncle qu’elle n’a jamais vraiment connu. En triant les affaires du défunt, elle tombe sur un album relié en cuir. Son contenu la remplit d’effroi. Page après page, elle découvre un catalogue de meurtres avec mèches de cheveux, ongles et autres souvenirs macabres. Impossible pour elle d’aller trouver la police vu la position de son père ; mais au moment où elle s’apprête à rencontrer Jack Lennon, l’album disparaît…
Les terribles fantômes de Belfast n’ont pas fini de hanter les vivants.
STUART NEVILLE
Les Fantômes de Belfast « Il n’oublie jamais le cœur humain qui bat derrière la plus grande noirceur. » Val McDermid « Le thriller psychologique et la procédure policière se combinent en un roman haletant signé par un maître du genre. » Publishers Weekly

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Pourquoi cet homme avait-il un pistolet ? Était-ce un policier ?

« Howard Monaghan. »

Il cligna des yeux. Son propre nom avait toujours résonné étrangement à ses oreilles. Pourquoi le prononçait-on ici ? Avait-il bien entendu ? Ou était-ce l’un des spectres qui hantaient les méandres de son cerveau ?

« Howard Monaghan, posez votre arme. »

Une voix de femme. Il tourna la tête dans sa direction.

La femme inspecteur qu’il avait vue à la télévision. Elle serrait à deux mains un pistolet braqué sur lui. La police l’attendait. Mais pourquoi ? Comment ?

Il mit les mains en l’air, sans lâcher le pistolet qui menaçait à présent les étages supérieurs, le doigt à l’extérieur du pontet.

Elle s’approcha. « Howard, posez votre arme, sinon je tire. »

L’autre policier derrière elle. L’Étincelle sourit, une larme tiède roula sur sa joue.

« Bonjour, Jack. »

Lennon n’était pas armé. Il se tenait les bras écartés, mains loin du corps, prêt.

Un autre homme se détacha de la foule, pistolet au poing. L’Étincelle remarqua le fil qui pendait à son oreille et se glissait sous sa veste comme un serpent.

Encore la voix de la femme inspecteur. Elle voulait qu’il pose son arme, sinon… Comment s’appelait-elle ? Ah oui, Flanagan.

« D’accord, dit-il. Mais avant, je voudrais vous raconter quelque chose.

— Je vais tirer, répéta Flanagan.

— Non, vous ne tirerez pas. Vous ne pouvez pas. On n’est pas en Amérique. Je ne vise personne. Je n’ai pas le doigt sur la détente.

— Posez votre arme immédiatement.

— Oui, mais je veux d’abord vous livrer un secret. Sur Graham Carlisle.

— Graham Carlisle est mort. » Flanagan n’était plus qu’à trois mètres.

« Quoi ?

— Il a été tué par sa femme hier soir. »

L’Étincelle se tourna vers Lennon. « C’est vrai, Jack ? Il est mort ?

— Oui, c’est vrai. Comment vous aurait-on trouvé ici, autrement ?

— Il vous a dit qu’il avait été très vilain ?

— On sait tout. Allez, ne soyez pas stupide. Posez le pistolet. »

Une rage cuisante dans son ventre. Comme un enfant qui n’aurait pas pu souffler les bougies de son gâteau d’anniversaire.

L’Étincelle haussa les épaules. « Tant pis. Alors, c’est fini, hein Jack ? »

Lennon remonta le long de la rambarde, du côté des ascenseurs. Plus près. « Oui, c’est terminé. Posez le pistolet, pour qu’il n’y ait pas d’autres blessés.

— J’aurais dû en tuer plus. Maintenant, c’est fini, et je n’en ai pas eu assez. Je voulais plus. »

Lennon devant l’escalier, à moins de deux mètres. Flanagan en face, le pistolet dans ses mains qui ne tremblaient pas.

« C’est largement suffisant, dit Lennon. Arrêtons-nous là.

— D’accord… Mais juste un dernier. »

C’était l’heure de laisser sortir l’éclair. D’araser le monde, de tout niveler. L’heure des flammes.

L’Étincelle appuya le canon contre sa tempe.

58

« Non ! » Lennon se jeta instinctivement en avant.

Au moment où son épaule heurtait l’Étincelle, il entendit le coup de feu, perçut la brûlure de l’explosion sur sa joue. Le corps de l’Étincelle s’abattit contre la rambarde, et s’il n’y avait eu le vrombissement strident que lui laissait la détonation dans l’oreille, Lennon aurait entendu le soupir de l’homme plus petit et plus frêle qu’il écrasait sous son poids.

Le pistolet glissa sur le sol en tournoyant. Des mains cherchèrent à agripper sa gorge. Il colla fermement son menton à sa poitrine, enveloppa dans ses bras le torse de l’Étincelle, et serra. C’était comme se débattre avec un chien effrayé qui tentait de mordre et de griffer.

« Écartez-vous, Jack ! »

La voix de Flanagan, à des kilomètres de là, qui parvenait faiblement à son oreille dévastée, assaillie par des coups de dent. Aucune force, aucune stabilité, il n’avait que sa masse. Il s’en servit pour maintenir l’Étincelle contre la rambarde. Mais cela ne suffisait pas.

L’Étincelle retrouva ses appuis et le repoussa. Lennon ne résista pas longtemps. Déstabilisé, il recula vers l’escalier, les pieds de l’Étincelle pris dans les siens. Ses doigts essayèrent d’accrocher un vêtement lorsque le sol se déroba sous lui. Le monde virevolta, rien que l’air autour d’eux, avant l’impact du rebord des marches contre son dos. Il raidit le cou et les épaules, mais ne put s’éviter le choc derrière le crâne.

Tout devint noir pendant un instant, puis ce fut la descente, nuque, omoplates, genoux fracassés, tandis que l’Étincelle tourbillonnait avec lui dans la spirale de verre.

Ils s’arrêtèrent entre les deux niveaux, Lennon sur le dos, tête en bas, pieds battant l’air, étoiles noires devant les yeux. L’Étincelle, haletant, couché en travers de sa poitrine, se mit à plat ventre sur lui pour l’immobiliser et approcha sa bouche au point qu’il percevait sa respiration.

En essayant de redresser la tête, il vit les dents de l’Étincelle. Un filet tiède coulait sur son cuir chevelu. Des poings empoignaient ses cheveux, son cou ne lui obéissait plus, tiré vers le haut et retombant brutalement, une décharge dans son crâne. Encore une. Le monde bascula, tout devenait flou. Il leva les mains, chercha à tâtons le visage de l’Étincelle, enfonça les pouces dans ses yeux.

L’Étincelle se libéra et frappa du front la pommette de Lennon. L’orbite noyée de sang, Lennon distingua encore une fois, de son œil valide, les dents prêtes à s’enfoncer dans sa chair. Une pression dans sa joue de l’autre côté, la douleur d’une déchirure.

Sa conscience clignota, pareille à un signal radio qui faiblit. Tandis que les mains de l’Étincelle se refermaient sur sa gorge, aveuglé par le sang, il enregistra à peine la présence de Flanagan dans son champ de vision.

Elle devait crier quelque chose car ses lèvres bougeaient.

Si l’Étincelle entendit, il n’en laissa rien paraître. Les muscles de sa mâchoire se contractèrent, et il serra plus fort.

Le tonnerre s’ajouta au vrombissement dans les oreilles de Lennon. Il vit les lèvres de Flanagan remuer à nouveau. Il vit Beattie la bousculer pour s’approcher, un bâton télescopique à la main. Il vit la tête de l’Étincelle valser sous un premier coup, suivi d’un deuxième, et ses paupières qui s’affolaient. C’est alors seulement que les doigts se desserrèrent autour de sa gorge.

Ils demeurèrent joue contre joue, le poids de ce corps mince sur la poitrine du policier, les yeux et la bouche du meurtrier, ouverts, et un rire enfantin que Lennon sentit résonner contre lui.

59

Flanagan trouva Lennon dans un box fermé par un rideau près de l’accueil des urgences, étendu sur un lit. L’œil tuméfié, un pansement sur la pommette, son visage, un patchwork de contusions et d’entailles.

« Combien de points de suture ?

— Cinq sur la joue, répondit Lennon, les lèvres crispées. Deux derrière la tête. J’ai connu pire.

— On vous a donné quelque chose contre la douleur ? »

Il parut ne pas comprendre. Pointa un doigt sur son oreille.

Elle répéta la question, plus fort.

« Je ne préfère pas, dit Lennon.

— Quand pourrez-vous partir ?

— D’après les radios, mon crâne est entier, mais ils veulent me garder une nuit. Si jamais il y avait un traumatisme. »

Elle tira le rideau pour éloigner le brouhaha et les voix qui fusaient dans le couloir. Il la suivit des yeux, sans bouger la tête, quand elle s’approcha.

« Qu’est-ce que vous allez faire, maintenant ? demanda-t-elle.

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