Perdus
pour
Toujours
Nuno Morais
Trafic Inhumain
Volume I
Traduction
de
Charlène de Almeida
Titre :
Perdus pour Toujours
Trafic Inhumain 1
Auteur :
Nuno Morais
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© 2007 Nuno Morais
Tous droits réservés.
Traduction : © 2021 Charlène de Almeida
Couverture : © 2021 B. B. Olshin
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Au Sphinx
Parce qu’il aurait sûrement aimé
Œuvres de Nuno Morais
Romans :
Trafic Inhumain:
Perdus pour Toujours
Destins Croisés
Guerre Occulte
Nouvelles :
J’aimerais que tu sois là
Portails
Un Passage Tourmenté
REMERCIEMENTS
À Mário Santos Nogueira, Luísa Martinez Azevedo et Paulo Cordeiro de Sousa qui m’ont supporté plus que ce que l’amitié exige, durant les longs limbes entre l’écriture et la publication de ce livre.
À António Lobo Antunes et Marcelo Rebelo de Sousa, dont les critiques et les encouragements m’ont aidé à faire avancer ce projet.
À ma famille.
À Ben Olshin, pour cette magnifique couverture.
Il s’agit d’une œuvre de fiction.
Les personnages et leurs noms, autant que les noms de lieux et les évènements relatés dans ce livre sont des inventions de l’auteur ou sont utilisés de manière fictive et ne doivent pas être considérés comme réels. Toute ressemblance avec des évènements, des lieux, des entités, des organisations ou des personnes, vivantes ou mortes est une entière coïncidence ou fruit de l’imagination du lecteur – de laquelle l’auteur n’est pas responsable.
UN
Lundi, cinq heures du matin. Je me réveille, je sors doucement du lit afin de ne pas réveiller Becca qui dort profondément à côté de moi. La pauvre, il faut qu’elle se repose, elle n’a pas eu une nuit facile. Les cauchemars continuent de lui causer des tourments. Je sors de la chambre, qui était celle de mes parents, pour aller dans la cuisine, où je me presse un jus d’orange. Ensuite, je vais sous le porche. Je change mon pyjama en coton pour un survêtement en éponge et mes chaussons pour des tennis et je monte sur ma machine Nordtrack, je mets les écouteurs au maximum et fais mes quarante minutes habituelles. J’ai réussi à faire un bon temps et à maintenir un effort constant au son de U2, Smashing ou Texas, des nombreuses publicités et d’une ou deux blagues des animateurs de l’émission de nuit. Il fait encore nuit noire, le ciel ne va s’éclaircir que vers sept heures et demie, et le panorama à travers les vitres n’est pas très réconfortant. Il pleut énormément, une de ces averses qui rend Lisbonne précisément abominable. Ces averses où il pleut à torrents et qui vous laissent trempés jusqu’aux os en quelques secondes. La circulation sur la Segunda Circular n’est pas encore dense, les embouteillages dans cette zone commencent toujours après huit heures moins le quart. C’est incroyable la manière donc tout le monde semble arriver en même temps presque tous les jours. Quelques minutes avant tout va pour le mieux, mais à partir de cette heure nous avançons tels des escargots. Et alors aujourd’hui, ça va être beau si la pluie continue. Maintenant on aperçoit même des éclairs et on entend le tonnerre tellement l’orage doit être proche. J’espère que cela ne va pas réveiller la petite, à voir si elle dort jusqu’à que je sois prêt pour compenser sa mauvaise nuit.
Je transpire déjà pas mal quand je passe du Nordtrack au banc d’abdo. Je fais quatre séries de cinquante avec torsion à quarante-cinq degrés pour commencer puis je passe aux parallèles pour travailler les abdominaux inférieurs. Encore trois séries de quarante avec lever de jambes à soixante degrés, ce qui sans équilibre n’est pas du tout agréable. Je passe ensuite à la poulie, je m’agenouille sur le sol, je prends une corde et imite le sonneur d’une cathédrale pendant quatre séries de quarante, avec des inclinaisons de chaque côté pour exercer les obliques. Quand je me lève, je sens mon torse tendu. Je fais quelques mouvements de relaxation et je continue avec les pectoraux, les épaules et les bras. Aujourd’hui je ne fais pas les jambes ni le dos.
Je termine ma séance avec quelques étirements et vais à la salle de bains qui se trouve loin de la chambre de mes parents. Je m’y rends afin d’être sûr de ne pas réveiller Becca avec le bruit de la douche. Sur le chemin je passe par le balcon de derrière et j’étends mon survêtement sur la corde à linge afin de le faire sécher – ça ne vaut pas la peine de le laver tant qu’il n’est pas assez sale pour au moins tenir debout tout seul.
Je ferme la porte de la salle de bains et tombe sur mon reflet, dans le miroir qui revêt entièrement le mur. À première vue je ne me reconnais pas, je n’ai pas la même tête que d’habitude, je parais plus vieux, fatigué, alors que je ne le ressens pas. Les cauchemars de Becca doivent commencer à m’affecter plus que ce que je pense. Un deuxième coup d’œil sur mon reflet dans le miroir et je me retrouve déjà en terrain connu – à l’exception de la barbe de trois jours qui ne fait pas partie de mes habitudes, mais que, pour l’instant, je pense laisser pousser – et ce que je vois ne me dérange pas.
Les efforts pour s’entraîner dur tous les jours durant ces dix-huit derniers mois commencent à porter leurs fruits ; mes épaules sont plus larges, mes pectoraux plus saillants, mes bras plus forts, mes abdominaux plus définis, et mes jambes ainsi que mes fessiers plus dessinés. On ne peut pas dire que j’ai mauvaise mine ; les cheveux châtains et les yeux gris, la barbe et le poil roux, je suis grand et bien proportionné. Je ne suis peut-être pas mannequin mais je ne suis quand même pas à jeter à la poubelle.
Même si ces derniers temps, malheureusement, je n’ai pas grand-chose à raconter en matière d’amour ou de sexe pur et simple. Je ressens le manque – et d’ailleurs qui ne le ressentirait pas. Et depuis qu’Isabel m’a dit qu’elle avait besoin de s’éloigner de moi car elle ne voulait pas assumer la responsabilité de Becca, ce qui étant donné les circonstances m’a paru un peu égoïste, je me sens seul. Il est vrai que j’aurais peu de temps à consacrer à une petite amie ou à avoir des aventures. Prendre soin de Becca est un travail à temps plein que je ne me vois pas déléguer à quelqu’un d’autre même si cela me pèse. Et il y a des moments où cela me pèse vraiment. Même si maintenant ça se passe mieux à la maternelle, je vais la chercher tous les jours et jamais après dix-sept heures.
Les moments que nous passons ensemble sont très importants pour moi, et je crois que pour elle aussi. Selon la psychothérapeute qui nous suis depuis quelques temps, c’est ce que je peux faire de mieux pour l’aider à arrêter ses cauchemars et sortir du traumatisme causé par l’accident. Rien que d’y penser j’ai les larmes aux yeux. Évidemment, moi non plus je ne me sens pas bien, je ne sais même pas si un jour je me sentirai mieux. Tous ces mois après l’accident, je viens parfois encore à penser qu’ils sont toujours vivants et qu’ils m’attendent à la maison. Mais je ne peux pas laisser Becca s’apercevoir que moi aussi je me sens perdu au milieu de toute cette tristesse. En dépit du principe que partager son chagrin le fait disparaître plus vite, je pense que quelqu’un se doit de tenir le coup, et dans notre cas je ne peux pas laisser cette tâche à une petite fille d’à peine quatre ans.
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