Alicia Bartlett - Rites de mort

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Rites de mort: краткое содержание, описание и аннотация

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Après son deuxième divorce, Petra Delicado, la petite quarantaine, s'achète une maison avec jardin pour
oublier qu'elle végète au service de documentation de son commissariat, et surtout échapper à ses ex-maris
qui ne cessent de débouler dans sa vie au moindre prétexte. Un soir, contre toute attente, on l'appelle pour la
charger d'une affaire : une jeune fille des quartiers périphériques de Barcelone a été violée et marquée au
bras d'un étrange sceau évoquant une fleur. Petra comprend que seul le manque d'effectifs explique qu'on lui
confie cette enquête. Surtout quand elle voit qu'on lui désigne un collaborateur apparemment aussi terne que
l'inspecteur adjoint Garzón.
C'est pourtant cet improbable tandem qui, derrière les murs de l'hypocrisie, découvrira une vérité au goût amer.
Nouvelle recrue du polar espagnol, Alicia Giménez Bartlett met en scène un duo de personnages attachants
dans une première enquête où s'affirment sa finesse d'observation et son sens de l'humour
Alicia Gimenez Bartlett est née le 10 juin 1951 à Almansa, Albacete.
Elle est docteur en littérature de l'université de Barcelone et l'auteur des précédentes aventures de Petra
Delicado. Cette série lui a valu le prix Raymond Chandler. Elle est l'un des auteurs policiers espagnols les plus
lus dans le monde.

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Je lui demandai en quoi consistait son travail. Elle était employée dans une usine de confection, corsets et lingerie. Elle cousait à la machine l’armature du soutien-gorge. Huit heures par jour. Elle ne faisait rien d’autre ; elle assemblait juste les pièces qui acquéraient sous sa main la forme de demi-globe. C’était très dur. Après l’atelier, sa mère devait lui donner des pommes de terre à éplucher pour le dîner. Bien sûr, laver des têtes n’était pas tellement plus drôle, ou aider à faire la vaisselle une mère despotique et vulgaire qui arrive fatiguée du travail. Aucune, aucune des trois victimes n’avait pu tuer le violeur ; il y avait longtemps qu’on leur avait ôté l’orgueil nécessaire pour ça, l’individualisme indispensable pour tuer. Et la quatrième victime était également écartée puisqu’elle se trouvait à New York, peut-être aussi prisonnière de sa vie quotidienne que les autres. Pourtant, le récit impassible de Salomé conservait encore une minuscule trace de rébellion intérieure qui aurait peut-être raison d’elle. Sa révolte passive consistait dans ce « ça m’est égal » obstiné qu’elle avait également utilisé en guise d’adieu.

– Si tu ne peux pas prouver que tu te promenais à l’heure du meurtre, je ne te garantis pas que tu ne subiras pas d’autres interrogatoires. Il va probablement falloir te déférer devant le juge.

– Ça m’est égal, répondit-elle.

Garzón était parvenu à la même conclusion que moi après les interrogatoires de Sonia et de Patricia ; aucune des deux ne pouvait être coupable. Dans leur cas, ce fut plus facile à évaluer, elles avaient toutes les deux des alibis qui pouvaient être vérifiés, et il était insensé de penser qu’elles aient pu engager un tueur. Un ami aurait-il fait le travail pour elles ? C’était un acte trop lourd de conséquences pour en faire un service rendu par amitié. L’inspecteur adjoint écouta ce que j’avais à lui dire sur Salomé et, malgré la faiblesse de sa déposition, il fut d’accord avec moi sur le fait qu’elle n’était pas l’assassin. Je remarquai avec surprise qu’il évitait de me reprocher ma subjectivité, peut-être parce que, dans le fond, il se laissait lui aussi conduire par l’absence de méthode. Mais sa subjectivité et la mienne avaient bien peu de choses à voir. Je brandissais la dignité féminine bafouée pendant des siècles pour démontrer l’impossibilité d’une réaction violente, et il revenait à la charge avec le piédestal et la fleur. Comment une femme, un être éthéré, hors du substrat obscur de ce monde, serait-elle capable d’assassiner par vengeance ? Il s’obstinait toujours à chercher son homme, le violeur fantôme dont Jardiel avait été le seul complice et finalement le jouet brisé.

– J’ai appris qu’on l’avait vu avec un ami non identifié les derniers temps, un type plus ou moins du même âge, peut-être un peu plus jeune.

– Ça pouvait être n’importe qui.

– Il n’avait pas beaucoup d’amis, aucun, en fait.

– Mais parler avec quelqu’un ne signifie pas grand-chose.

– J’interroge absolument tous les types avec qui il a eu le moindre rapport.

– Mais, et Masderius ?

– Ne vous inquiétez pas, je ne l’ai pas oublié. Mais quand il s’agit de détectives privés, les recherches sont beaucoup plus compliquées. Ils nous glissent entre les doigts comme des anguilles dans un filet. Mais, s’il en a engagé un, on le saura. Faites-moi confiance. Rappelez-vous que j’ai l’expérience de cette sorte de recherches dans les rues.

– Vous travaillez toujours avec la Guardia Civil ?

– J’ai presque résolu l’affaire. La cargaison va bientôt apparaître.

– Où prenez-vous le temps pour tout faire ?

– Ce n’est pas très agréable de rester à la pension. Et vous voulez m’envoyer dans un appartement ! Si je m’installais correctement, le travail s’en ressentirait.

Garzón, qui pouvait le comprendre ? Si content tout d’un coup. Content de sa vie désordonnée, majestueux comme Henri VIII devant un poulet, et qui, la main grasse, envoyait les contrebandiers de Chesterfield à la tour de Londres. Je ne voulus pas lui ôter ses illusions, mais j’avais parlé avec le commissaire. Il m’avait conseillé la prudence dans tous nos agissements. Nous avions toujours sa confiance, mais, si une demande lui parvenait des instances supérieures pour que nous soyons relevés de l’affaire, il n’aurait pas d’autre solution que d’obéir. Est-ce que je le comprenais ? Je lui dis que oui, nous n’étions plus en position de continuer à exiger des choses. À ce rythme, notre tête aurait bientôt plus de prix que celle de Jack l’Éventreur. Nous étions sur le point de gagner quelque chose d’absolu : l’inimitié profonde et totale du monde entier. Dans cette histoire où victimes et bourreaux se confondaient, nous ne comptions pas un seul appui. Je me rappelais juste le geste réconfortant de cette femme qui m’avait servi un cognac au bar, quand j’avais reçu le coup de poing de Juan Jardiel. Il allait peut-être falloir tendre l’autre joue, ou passer une fois pour toutes à la télévision, en jurant que, nous aussi les policiers, nous savions pleurer et nous repentir. À cet instant de mes tristes pensées, ma cigarette sans filtre se désagrégea en partie dans ma bouche, ce qui me donna une parfaite excuse pour cracher.

11

Les faits tels qu’ils se présentaient en apparence ne me laissaient pas d’autre choix que d’ordonner l’arrestation de Salomé. Elle avait un alibi trop faible par rapport à la taille du doigt accusateur. Les rapports du psychologue et de l’assistante sociale jouaient également contre elle. Ces derniers avaient estimé que Salomé avait un caractère fuyant, une attitude peu coopérative et qu’elle se drapait dans une indifférence fataliste peu courante à son âge. D’après le rapport, son profil ne permettait pas d’écarter l’éventualité d’un acte de violence dans ses réactions. L’isolement dans lequel elle se repliait avec fierté était considéré comme un trait de cynisme, une méfiance générique envers la société. Ce que je trouvais cynique, moi, c’étaient toutes ces circonlocutions abondant en concepts abstraits, qui ressemblaient trop à des conversations de café. Évidemment, elle se méfiait de la société ! C’était une attitude saine, logique. Tout, depuis sa naissance, avait constitué une machine qui la serrait entre ses tenailles. Elle était limitée dans sa liberté, dans ses possibilités de réalisation, elle faisait le ménage, cousait des soutiens-gorge, devait supporter une famille qui ne voyait en elle que deux mains travailleuses. En pleine jeunesse, elle avait été violée et, sous les pressions, exhibée à la télévision avec impudeur. Elle avait été la seule à se montrer réticente et à ne pas participer de bon gré à ce cirque immonde. Son attitude était en fait la seule possible, la seule élégante, elle avait tenu sa douleur cachée et éprouvait du mépris pour tous, de l’agressivité, qui n’est pas encore interdite par la loi. Mais une chose était mon explication personnelle des faits, et une autre bien différente les impératifs généraux de l’enquête.

De toute façon, il allait être difficile de passer du soupçon technique à une accusation réelle pour peu que la théorie policière s’impose. Comment pensions-nous prouver que Salomé avait pu localiser Juan Jardiel ? La théorie de l’ami ou du fiancé interposé qui évolue au milieu des jeunes avec plus d’aisance que la police et permet de trouver une piste qui mène au violeur revenait de temps en temps. Et puis il y avait Garzón, qui s’entêtait avec son fantôme, à sortir de ce qui avait jusqu’alors constitué les frontières de l’affaire. Moi, cependant, je m’enfonçais obstinément dans le sentiment que les pièces du puzzle se trouvaient toutes sous nos yeux et que nous regardions avec les yeux d’un enfant pas très dégourdi cet ensemble que nous ne savions tout simplement pas monter. Il manquait peut-être une pièce, peut-être deux, mais il y avait suffisamment d’éléments pour que le dessin commence à prendre forme. Une tache du test de Rorschach qui attendait l’interprétation judicieuse dont nous étions incapables.

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