Jeff Lindsay - Les démons de Dexter

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Les démons de Dexter: краткое содержание, описание и аннотация

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Le jour, Dexter Morgan est expert judiciaire à la police de Miami; la nuit, il se transforme en tueur en série. Pas n’importe lequel, notez bien: un serial-killer justicier qui ne tue que ceux qui le méritent. Un double meurtre particulièrement sordide laisse pourtant notre cher Dexter fort perplexe: serait-il confronté à plus fort que lui?

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Je fermai les yeux et prêtai attention aux émotions inédites qui gargouillaient en moi. Des sentiments… Ah ! ce que c’était amusant d’être humain… Bientôt je m’inscrirais dans un club de bowling. Je chercherais un forum en ligne afin de parler de philosophie New Age et de médecine alternative pour les hémorroïdes. Bienvenue, Dexter, dans l’espèce humaine, l’éternellement futile et vaine espèce humaine. Nous espérons que vous apprécierez votre court et douloureux séjour.

J’ouvris les yeux. Je pouvais très bien laisser tomber, accepter d’en rester là. Ou alors je pouvais aller jusqu’au bout, malgré les risques, et réaffirmer ce qui avait toujours été ma véritable nature. Prendre des mesures qui, si elles ne ramenaient pas le Passager, me permettraient au moins de commencer à vivre sans lui. Starzak n’était peut-être pas une certitude absolue, mais il s’en approchait, j’étais là, et il s’agissait d’une urgence.

Au moins mon choix était clair, quelque chose que je n’avais pas expérimenté depuis longtemps. Je pris une profonde inspiration, puis aussi silencieusement que je pus je franchis la haie et pénétrai dans le jardin de Starzak.

Me déplaçant à travers l’obscurité, je parvins à une porte latérale qui donnait sur le garage. Elle était fermée, mais ce n’est jamais un problème pour Dexter, et je n’eus pas besoin de l’aide du Passager pour ouvrir cette serrure, puis pénétrer dans le garage sombre, avant de refermer doucement la porte derrière moi. Il y avait une bicyclette le long du mur du fond, ainsi qu’un établi avec une très jolie panoplie d’outils suspendue au-dessus. J’en pris note mentalement, puis traversai le garage jusqu’à la porte qui menait à l’intérieur et m’immobilisai un long moment, l’oreille plaquée contre le bois.

Par-dessus le ronflement de la climatisation, j’entendais une télévision, et rien d’autre. J’écoutai encore un instant afin d’en être sûr, puis abaissai prudemment la poignée. La porte, qui n’était pas fermée à clé, s’ouvrit facilement, sans un bruit ; je me faufilai dans la maison de Starzak, aussi silencieux qu’une ombre.

Je longeai un couloir en direction de la lueur mauve du téléviseur, plaqué contre le mur, conscient que s’il se trouvait derrière moi pour une raison ou une autre j’étais parfaitement éclairé par l’arrière. Mais lorsque j’arrivai en vue de la télé, j’aperçus une tête au-dessus du canapé, et je sus que je le tenais.

J’avais préparé le nœud coulant d’une ligne de pêche ultrarésistante et je m’approchai lentement. Une publicité survint, et la tête remua légèrement ; je me figeai, mais il ramena sa tête au centre, et je fus aussitôt sur lui, le lien sifflant pour aller enserrer son cou juste au-dessus de la pomme d’Adam.

Durant un instant, il se débattit violemment de façon fort gratifiante, ne réussissant qu’à resserrer un peu plus le nœud. Je le regardai s’agiter et se tenir la gorge, et bien que ce fût un spectacle plaisant, je ne ressentis pas la jubilation féroce à laquelle j’étais habitué. Mais c’était tout de même mieux que de regarder la pub, alors je le laissai faire jusqu’à ce que son visage devienne violet et que ses battements de jambes et de bras ne soient plus que des tremblements désespérés.

— Restez calme, lui dis-je, et je vous permettrai de respirer.

Il eut le mérite de comprendre immédiatement et de cesser illico ses faibles mouvements de protestation. Je relâchai un peu le lien et l’écoutai prendre une pénible inspiration, une seule, puis je serrai de nouveau et tirai pour le mettre debout.

— Venez, lui ordonnai-je, et il obéit.

Je me plaçai derrière lui, maintenant la pression sur la ligne de telle sorte qu’il ne réussisse à respirer qu’au prix de gros efforts, et le conduisis à l’arrière de la maison, dans le garage. Alors que je le poussais vers l’établi, il tomba sur un genou, soit parce qu’il trébucha, soit parce qu’il voulut tenter de s’enfuir. Dans tous les cas, je n’étais pas d’humeur, et je tirai si fort que ses yeux sortirent de leurs orbites et que son visage changea de couleur ; je le regardai s’avachir sur le sol, inconscient.

Beaucoup plus facile pour moi comme ça. Je hissai son corps inerte sur la table et l’y arrimai solidement avec du ruban adhésif tandis qu’il se laissait faire, bouche ouverte. Un filet de bave s’écoulait du coin de ses lèvres et sa respiration était très irrégulière, alors même que j’avais desserré le lien. Je le considérai, ligoté ainsi, avec cette horrible trogne, et je pensai pour la première fois que telle était notre nature à tous. Voilà ce que nous étions : un sac de viande qui respire et, à la fin, plus que de la chair putride.

Starzak se mit à tousser, et du flegme dégoulina de sa bouche. Il se raidit contre le ruban adhésif, s’aperçut qu’il ne pouvait pas bouger et ouvrit les yeux en battant des paupières. Il prononça quelques mots incompréhensibles, composés d’innombrables consonnes, puis regarda en arrière et me vit. Bien sûr, il ne pouvait pas distinguer mon visage à travers le masque, mais j’eus l’impression perturbante qu’il me reconnaissait malgré tout. Il remua les lèvres plusieurs fois mais ne dit rien, jusqu’à ce qu’il dirige son regard de nouveau vers le bas et prononce d’une voix sèche et rauque avec un accent d’Europe centrale, étonnamment dénuée d’émotion :

— Vous êtes en train de commettre une énorme erreur.

Je cherchai une réponse cinglante mais n’en trouvai aucune.

— Vous verrez, reprit-il de sa terrible voix plate et éraillée. Il vous aura de toute façon, même sans moi. Il est trop tard pour vous.

Et voilà. C’était bien l’aveu qu’il m’avait suivi avec de sinistres intentions. La seule réponse qui me vint, cependant, fut :

— Mais qui ?

Il oublia qu’il était attaché et essaya de secouer la tête. Il n’y parvint pas, mais cela ne parut pas vraiment le déranger.

— Ils vous trouveront, poursuivit-il. Très vite.

Il remua légèrement, comme s’il cherchait à agiter la main, avant d’ajouter :

— Allez-y. Tuez-moi. Ils vous trouveront.

Je l’observai, passivement entravé, prêt à subir mes attentions spéciales, et j’aurais dû être rempli d’une joie glacée à cette perspective, mais je ne l’étais pas. Je n’étais rempli que du même sentiment de futilité désespérée qui m’avait assailli alors que je me tenais dans la haie.

Je sortis de ma torpeur et scotchai la bouche de Starzak. Il tressaillit un peu, mais continua à regarder droit devant lui sans manifester la moindre émotion.

Je levai le couteau et considérai ma proie immobile et indifférente. J’entendais toujours son horrible souffle mouillé qui entrait et sortait par ses narines en chuintant, et j’avais envie de l’arrêter, stopper cette vie, bousiller ce truc nocif, le découper en morceaux puis les fourrer dans des sacs poubelle bien propres, des tas de compost inoffensifs qui ne mangeraient et n’excréteraient plus, qui n’erreraient plus dans le labyrinthe de la vie humaine…

… Mais je ne pouvais pas.

Je demandai en silence que les ailes sombres familières se déploient et éclairent ma lame de la lueur cruelle des desseins funestes, mais rien ne vint. Rien ne bougea en moi à la perspective de cet acte si nécessaire que j’avais accompli auparavant avec tant de joie. Il n’y avait plus en moi que vacuité.

J’abaissai le couteau, me détournai puis sortis dans la nuit.

Chapitre 24

Je réussis tant bien que mal à m’extraire du lit et à me traîner jusqu’au bureau le lendemain, en dépit du sentiment de désespoir qui me rongeait. J’évoluais dans un brouillard, et je trouvais parfaitement vain d’exécuter les gestes vides du quotidien : le petit déjeuner, la longue route jusqu’au travail ; aucune raison de les effectuer en dehors de l’habitude tyrannique. Mais je m’y pliai, confiant à la mémoire de mes muscles le soin de me guider, jusqu’à ce que je me retrouve assis dans mon fauteuil, face à l’ordinateur ; je l’allumai, puis laissai le train-train fastidieux de la journée m’emporter.

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