Gérard De Villiers - L’or de la rivière Kwaï
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- Название:L’or de la rivière Kwaï
- Автор:
- Издательство:Presses de la Cité
- Жанр:
- Год:1968
- Город:Paris
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La déesse Siva aux douze bras.
Malko eut un sursaut et la repoussa à bout de bras, essoufflé. Une fois de plus, il ne comprenait pas. Si cette fille couchait avec lui uniquement pour lui faire oublier pourquoi il était venu, c’était naïf.
— Qu’est-ce qui vous prend ? grogna-t-il brutalement. Pourquoi cette comédie ?
Mais Kim-Lang continuait à le déshabiller. Sa main heurta le pistolet et elle poussa un petit cri. Elle l’ôta de la ceinture de Malko et le posa à côté de la bouteille de J and B.
Puis, lâchant Malko, elle fit glisser par-dessus sa tête son filet doré et apparut torse nu, les seins cambrés.
La tentation de saint Antoine.
Malko avait beau réfléchir à se faire bouillir le cerveau, il ne comprenait pas. Ce n’était pas le désir qui poussait Kim-Lang à effectuer cette brillante démonstration. Pour en avoir le cœur net, il laissa glisser sa main vers son ventre. Aussitôt elle se renversa en arrière, gémissant des mots sans suite. Mais ses réactions physiologiques n’étaient pas à la mesure de sa comédie.
Dès cette seconde, le ventre glacé, Malko sut que quelque chose allait arriver. Après tout, cela ferait peut-être avancer l’histoire. Il décida alors déjouer le jeu. Un œil sur son pistolet à trois mètres de lui.
— Pourquoi voulez-vous faire l’amour avec moi ? demanda-t-il d’un ton beaucoup plus serein.
À genoux, nue, les mains sur les hanches, elle lui jeta :
— Parce que je veux avoir tous les hommes qui m’approchent. Pour qu’ils se souviennent de moi toute leur vie.
Les yeux étincelants, elle était l’image même du désir. Décidément, l’Oscar du mensonge allait être difficile à attribuer à Bangkok…
Au lieu de chanter, Kim-Lang aurait mieux fait de fréquenter le Conservatoire d’art dramatique.
— Et Jim ? fit-il pour qu’elle ne se méfiât pas trop.
— Tout à l’heure, fit-elle avec un sourire mystérieux. Je vous ai dit dans deux heures.
Elle se rependit à son cou. Cette fois, Malko se laissa faire. Quelle que soit l’idée qu’elle avait derrière la tête, il fallait en passer par là. Mais il n’avait vraiment pas l’esprit à la bagatelle. Etendu sur le lit, il la vit se lever en mettant un doigt sur les lèvres et aller éteindre l’électrophone.
Elle revint en ondulant jusqu’au lit et, d’un seul geste, s’allongea sur le corps nu de Malko, joignant ses mains aux siennes, en riant, comme pour le clouer au lit, par jeu.
La sonnette d’alarme s’alluma dans le cerveau de Malko. Le peu de désir qu’il avait éprouvé, disparut instantanément en dépit du corps de la Chinoise ondulant sur le sien.
D’un coup de rein, il tenta de se dégager, mais Kim-Lang pesait de tout son poids sur lui. Malko croisa son regard et comprit instantanément que ce n’était plus du désir.
La porte de la chambre s’ouvrit brutalement. D’un effort désespéré il fit rouler Kim-Lang par terre et plongea vers le plateau où se trouvait son pistolet.
Trop tard. Dans une mêlée confuse plusieurs hommes foncèrent sur lui. Il reçut un coup sur la tête et perdit connaissance quelques secondes. Quand il revint à lui, quatre Asiatiques au visage impassible, tous habillés de la même façon, chemise blanche et pantalon, le maintenaient par les poignets et les chevilles sur le lit. Kim-Lang, drapée dans son kimono bleu le fixait avec un rictus de mépris.
L’un d’eux enfonçait son genou dans la gorge de Malko, l’autre s’était assis sur son ventre. Il tenta de bouger et parvint tout juste à remuer le bout des doigts. Alors, il se laissa aller en arrière, réservant ses forces pour plus tard. Il ne comprenait pas pourquoi Kim-Lang avait joué cette comédie pour en arriver là.
Encore un mystère.
Pas pour longtemps. La Chinoise se pencha sur Malko un mauvais sourire aux lèvres. Un objet brillant dans sa main droite.
Lorsqu’il reconnut un rasoir, Malko sentit un frisson d’horreur parcourir son épine dorsale. Il avait souvent pensé à la mort, au cours de ses missions. Il l’avait vue de très près sous une forme affreuse, parfois [35] Voir: Opération Apocalypse .
, mais la perspective d’être découpé vif à coups de rasoir, à la mode sud-coréenne, c’était autre chose.
Kim-Lang dit une phrase en chinois et l’un des hommes qui maintenaient Malko s’écarta pour permettre à la jeune femme d’approcher du lit.
— Alors, monsieur l’agent américain, fit méchamment Kim-Lang, vous n’aurez même pas eu la joie de faire l’amour avec moi avant de mourir…
Les yeux de Malko avaient viré au vert.
— Je ne sais pas pourquoi vous voulez me tuer, dit-il, mais vous ne l’emporterez pas au paradis…
— Imbécile, fît-elle. Je vais vous tuer et personne n’en saura jamais rien. Demain j’aurai quitté la Thaïlande et je n’y reviendrai jamais. Quant à vous, on trouvera votre corps d’ici quelques jours, dans le canal. Châtré. Personne ne se posera aucune question. On pensera seulement que vous avez été la victime d’un drame passionnel.
Elle s’approcha encore, se pencha sur lui et sa main gauche s’abaissa sur son ventre, tandis que la droite ouvrait le rasoir avec un petit crissement horrible.
— Vous m’avez fait perdre la face, à Kuala Lumpur, cracha-t-elle. C’est moi qui ai demandé à vous exécuter, à ma manière. Mais vous seriez mort de toute façon.
— Et Jim Stanford ? demanda Malko.
À la fois pour gagner du temps et aussi pour satisfaire sa curiosité. Il allait la payer assez cher.
— Ne vous occupez plus de Jim Stanford, répliqua-t-elle d’un ton sec.
Il sentit l’acier sur sa peau et laissa échapper un cri étranglé sans réfléchir, dans un réflexe viscéral, son corps tendu en arc de cercle, la chair de poule hérissant sa peau.
Cette fois, il crut que le typhon Dora entrait dans la chambre. Une silhouette passa à travers la fenêtre et atterrit sur le dos d’un des Chinois qui immobilisait les jambes de Malko. Une seconde plus tard celui-ci portait la main à sa gorge pour essayer de recoller sa carotide. Un jet de sang arrosa le disque sur l’électrophone. Trois hommes franchirent la porte et se jetèrent sur les autres Chinois dans une mêlée confuse. Malko vit le bras droit de Kim-Lang armé du rasoir se lever, et il cria. Le Chinois le plus près de sa tête le frappa à toute volée sur la gorge et tout devint noir. Il eut le temps de penser qu’il ne saurait jamais s’il mourait intact ou non…
Lorsqu’il rouvrit les yeux, il était toujours étendu sur le même lit. Il voulut se lever et sentit que ses poignets et ses chevilles étaient étroitement attachés par de fines cordelettes.
Un visage était penché sur lui : Thépin.
Mais pas la Thépin qu’il connaissait. Le visage lisse était froid comme celui d’une statue, les cheveux tirés en arrière et attachés par un élastique accentuaient encore la rigidité des traits. Aucun maquillage n’adoucissait les yeux.
C’en était trop pour Malko. Il referma les yeux. Cela tournait au cauchemar. Mais Thépin lui demanda :
— Tu es blessé ?
La voix était infiniment moins dure que le regard. Il rouvrit les yeux et éprouva le troisième choc de la soirée. Deux hommes étaient dans la chambre, en train de déménager les corps inertes des amis de Kim-Lang. Celui qui lui faisait face et donnait des ordres était l’un des inconnus qu’il avait surpris en train de torturer Mme Stanford.
Thépin vit l’expression de Malko et dit en désignant l’homme :
— Je te présente le capitaine Patpong des Services de sécurité intérieure et extérieure.
Le Thaï inclina poliment la tête avant de quitter la pièce, en remorquant un cadavre. Thépin parla à l’autre, employant le même ton autoritaire qu’avec le barman du Vénus-Bar.
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