Pierre Pouchairet - Mortels trafics

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À croire qu’il est plus important d’intercepter des « go fast » de cannabis que d’arrêter des tueurs… Si la marchandise est perdue, rien ne vous protègera plus, même pas les barreaux d’une prison… Une rumeur assassine s’en prend à l’innocence d’une famille.
La violence des trafics mobilise Stups et Crim’ au-delà des frontières, dans le secret d’enquêtes mettant à l’honneur des tempéraments policiers percutants, parfois rebelles, toujours passionnés.
En France et à l’étranger, Pierre Pouchairet a vécu les procédures, les ambiances et les « milieux » qui inspirent ses romans. Dans ses livres éclate une vérité qui dépasse l’imagination, la vérité d’une vie engagée… En France et à l'étranger, Pierre Pouchairet a vécu les procédures, les ambiances et les « milieux » qui inspirent ses romans. Dans ses livres éclate une vérité qui dépasse l'imagination, la vérité d'une vie engagée…
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— Oui, madame Ben Hamid ! Son fils est à l’hôpital et elle a donné votre adresse pour l’hébergement, mais rassurez-vous, elle est en règle, nous ne venons pas pour un problème de « séjour ».

Plusieurs secondes de flottement…, Badoumi hésita :

— Ah ! oui… Anissa… c’est une cousine… son fils est malade, il est à l’hôpital… Et pendant ce temps, je l’héberge… Pour rendre service, rien de plus.

— Nous devons la voir.

Nouveau temps de réflexion. Cette fois, Legal décida d’accélérer les choses :

— Un problème très grave qui ne vous concerne pas, son fils…

L’homme n’était pas stupide, et il fit rapidement le rapprochement avec les meurtres de l’hôpital Necker et le gosse d’Anissa Ben Hamid.

— Ouallah, mon dieu, le fils, il est… ! Elle est au cinquième, c’est un petit logement.

— Vous pouvez venir avec nous, on gagnera du temps.

Le commerçant devint soudain très coopératif.

— Bien sûr. J’ai les clés.

Et sous l’œil vigilant des policiers, il se lança au pas de course vers le comptoir de sa boutique.

Arrivé devant l’immeuble, il remarqua que les deux flics n’étaient plus seuls. Un couple ça va encore, mais huit policiers dont quatre en tenue d’intervention…

— Ne vous inquiétez pas. Depuis les attentats, on est obligé de prendre des mesures de précaution… Comme on ne vous connaît pas… Vous comprenez ?

Non, il ne comprenait pas. Ses yeux allaient d’un policier à l’autre, le visage stupéfait. Legal le rassura d’une légère tape sur l’épaule.

— Allez, on se dépêche, s’il vous plaît.

D’un pas lent, Badoumi s’attaqua aux cinq étages, alors que le capitaine s’impatientait.

— L’avantage, avec le « 36 », c’est que tous les autres escaliers paraissent faciles quand on a grimpé les nôtres plusieurs fois par jour.

— Tu faisais moins le malin, cette nuit, ricana la jeune commissaire.

Étage après étage, ils constatèrent que l’immeuble se dégradait. L’entrée, correcte, laissait rapidement place à des couloirs décrépits, une rampe d’escalier pourrie, des marches branlantes. Ils croisèrent deux jeunes Maghrébins et un couple de Blacks, avec, à chaque fois, la même réaction : surprise, hésitation, envie de se planquer, mais trop tard… Et puis, soulagement de voir que le déploiement de forces ne les concernait pas. Ils finirent dans un couloir étroit, en soupente, des chambres de part et d’autre.

— C’est là, fit l’épicier, on est arrivé.

Désireux de garder l’initiative, il frappa de lui-même plusieurs fois à une des portes. Habitude professionnelle, les deux membres de la BRI prirent position de chaque côté, la main sur la crosse de leur arme. Pas de réponse… Badoumi tambourina une seconde fois… Des bruits de serrures, des portes voisines s’ouvrirent… La vue des uniformes d’intervention encouragea les curieux à ne pas l’être trop longtemps. Legal s’y mit à son tour. Rien ! Le flic se tourna vers l’épicier :

— Vous l’avez vue quand, la dernière fois ?

— Avant-hier, je crois. Oui, avant-hier, on est jeudi… c’était mardi. Elle a pris des fruits, c’est le jour où je suis livré… Elle devait en porter à son fils à l’hôpital.

Legal frappa de plus belle en faisant claquer sa main bien à plat contre le bois.

— Police !

Rien…

— Tu veux qu’on la force ? demanda un policier de la BRI.

Le capitaine lui renvoya un petit sourire entendu pour réfréner ses envies d’action.

— Merci, on a les clés, et s’adressant à Badoumi :

— Allez-y !

C’est en tremblant d’émotion que l’épicier parvint à introduire les clés dans la serrure et à ouvrir la porte d’une pièce meublée d’une douzaine de mètres carrés, …vide. Pas de madame Ben Hamid. Après un bref regard pour la commissaire, le capitaine s’adressa à nouveau à l’épicier :

— Vous connaissez un autre endroit où elle pourrait être ?

— Non, je vous jure, elle n’a qu’ici.

Devant l’embarras de Badoumi, l’enquêteur ne douta pas de la sincérité de sa réponse.

— On va devoir faire une perquisition, mais avant il faut faire passer l’IJ pour examiner la pièce. On ne sait jamais…

La BRI n’ayant plus d’utilité, Legal décida de continuer avec Isabelle, inutile de rester en sureffectif. La commissaire s’occupa de rendre compte et de passer les appels prioritaires. Un groupe de permanence de la police technique ne tarderait pas à les rejoindre. Comme le prévoyait le code de procédure pénale, dans le cas d’une perquisition effectuée sans l’occupant en titre des lieux, deux témoins étaient nécessaires pour assister la police. L’épicier serait le premier. Parmi les voisins, la plupart étaient sans-papiers… situation pas forcément incompatible, mais mieux valait ne pas chercher les ennuis… Ils frappèrent à la porte d’une chambre aux émanations peu discrètes de cannabis. Un jeune leur ouvrit et plongea dans un long moment de solitude avant de comprendre qu’on ne venait pas pour lui.

— Je suis obligé d’être témoin ?

— Non, mais vous allez le faire par civisme, ironisa la commissaire. Et nous, on va faire comme si on n’avait rien vu ni rien senti.

Les techniciens débutèrent leurs opérations, et plusieurs dizaines d’écouvillons remplirent un nouveau sachet en plastique, plus des relevés papillaires… Pour utiliser ensuite le blue star, la fenêtre fut opacifiée de manière à assombrir suffisamment la chambre. Quelques vaporisations, murs, plancher… Rien ! Aucune fluorescence.

— Pas de sang ici, si on y a tué quelqu’un, ça s’est fait proprement, conclut l’IJ.

Début d’une perquisition qui n’apporta que peu d’éléments susceptibles d’intéresser l’enquête en cours : un carnet, des numéros de téléphone au Maroc, peu en France, des vêtements de femme et une valise.

— Si elle a disparu, c’est apparemment sans prendre ses affaires, releva la commissaire.

— Vous n’avez vraiment aucune idée de l’endroit où elle a pu aller ? insista encore le capitaine en accrochant le regard de Badoumi.

Celui-ci répondit la main sur le cœur :

— Non, je te… je vous le jure, c’est une cousine, son fils il est malade, j’ai voulu l’aider, c’est tout. Je ne sais pas où elle est passée, elle ne m’a rien dit. Moi, quand je l’ai vue la dernière fois, elle était bien, les fruits qui sont là, c’est ceux qu’elle m’a achetés, et puis les dattes, fit-il en désignant le sachet.

Avant d’ajouter d’un air inquiet :

— Je l’ai touché aussi, vous allez trouver le truc que vous cherchez, l’ADN, comme vous dites, ce sera le mien…

Legal s’adressa en souriant aux techniciens avant qu’ils ne quittent les lieux :

— Faudra prélever monsieur de manière à l’éliminer des suspects.

Se tournant à nouveau vers l’épicier :

— Elle a des amis à Paris ?

— Non, elle connaît que ma femme et moi. Personne d’autre. Mais, ça me revient, il y a un couple, des jeunes, ils sont venus, ils la cherchaient pour lui dire bonjour. Ils disaient qu’ils venaient du bled. Je leur ai dit où elle était.

— Elle les a vus ?

— Je ne sais pas.

— Vous pourriez reconnaître ce couple ?

Tout en haussant les épaules, et en grimaçant :

— Vraiment, monsieur le commissaire, je voudrais bien, je vous jure, mais je crois pas…

Les deux flics échangèrent un regard. Cet homme ne mentait pas.

4

De retour au service, Isabelle Hervier décida de mettre à contribution d’autres équipes. La commissaire et le capitaine retrouvèrent le commandant assis dans son bureau. Après une nuit blanche, à presque cinquante-cinq ans, ce genre d’exercice passait moins bien qu’à trente. Mais l’importance et l’horreur de tels meurtres justifiaient les efforts déployés, et il se mobilisait entièrement sur cette affaire. Des procès-verbaux encombraient le bureau de Girard. Il travaillait à l’ancienne, il lui fallait la version papier en pognes pour s’imprégner des textes. Il releva ses lunettes et envoya un air interrogateur aux deux arrivants.

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