Auguste Le Breton - Du rififi chez les femmes

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Du rififi chez les femmes: краткое содержание, описание и аннотация

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« Vicky de Berlin », la belle michetonneuse, tient le
, bar à filles de Bruxelles.
Les frères Napos, propriétaires du
décidé de racketter tous les bars de la ville.
Affrontement entre tenancières et tapineuses, entre caïds et faussaires. Le « beau Marcel », chargé de l'affaire des faux talbins, devra orchestrer les rivalités entre deux clans, les affaires de filles, de territoires qui ne font pas bon ménage.
Le grand classique de référence : Rififi entre nanas et malfrats qui jaspinent, argot pour des talbins, les polkas ou un territoire et vous avez la recette du grand polar à la française !
A la fin, un glossaire d'argot.
Né en 1913, Auguste Monfort vit une enfance perdue. Du monde ouvrier qui est le sien, il observe les élites avec curiosité. Naturellement, en autodidacte, il devient romancier décrivant les bas-fonds de Paris et des grandes capitales.
Biographie de l'auteur

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— Berthe !

Son arrivée brutale, son cri de détresse, le coup de flingue firent se lever toutes les têtes. Elle fonça vers le fond. Sans un mot, les cloches s’écartèrent devant elle. Rapide, la vieille Berthe contourna son comptoir. Elle ne réclama pas d’explications. Inutile. Les deux Napos, fous furieux, s’encadraient dans la porte, seringue au poing. D’un pas rude, la vieille se porta au-devant d’eux. Sa voix crépita :

— Jockey ! L’Aristo ! Le Dingue ! Professeur ! Tous !

Comme par miracle, un mur de haillons se dressa entre l’entrée et la salle du fond. Les gueules les plus invraisemblables que les Napos aient jamais vues s’interposaient entre eux et Vicky. Hommes et femmes mélangés, toute la crasse de la ville, toute la pouillerie leur barraient le chemin. Et ça, sans un murmure, sans un geste. Rien que de l’immobilité. Une immobilité agressive, haineuse, malfaisante, qui collait froid dans le dos.

— Qu’est-ce que vous voulez ? gronda la vieille, se plantant devant les Napos. Pas votre place ici ! Foutez le camp !

Louis, décomposé, essaya un sourire.

— Pas à vous qu’on en a, mais…

— Foutez le camp ! répéta la vieille durement. Sinon, j’réponds pas de vous !

Les minces narines du Bug se pincèrent. Une étincelle éclaira son œil glauque. Sa main gauche eut deux, trois contractions. Sa droite, qui tenait le Colt, se leva lentement, menaçant le ventre de la vieille taulière.

— Laisse-nous passer, dit-il d’une voix sans timbre. Et dis à tes cloches de s’effacer. Et ne tarde pas.

La vieille l’affronta du regard. Une moue méprisante retroussa ses lèvres. Elle jeta doucement :

— Manchouillard !

Au comptoir, un clochard s’anima. Nouée dans le bas par une ficelle, la manche droite de son veston rapiécé pendait à vide. Soudain, un bras nu jaillit de l’intérieur du veston. Un geste brusque. Un sifflement. Alerté, le Bug tourna la tranche et plongea par réflexe. Rasant son manteau clair, la lame d’un cran d’arrêt trouva une autre cible : le flanc de son aîné, trop long à la parade. Dans un cri, le truand lâcha son flingue, porta les pognes à son flanc. Vif, le Bug chercha le manchot de son calibre, mais il n’était déjà plus visible. Une horde de guenilles le protégeait. Le Bug blasphéma, refit face à la vieille. Toutes les cloches avancèrent lentement, en masse compacte, comme pour un encerclement. Dans les gueules grimaçantes, les yeux noyés d’alcool lançaient des éclairs farouches. À certains poings brillaient des lames de rasoir et le bout effilé de pique-glace.

La frousse, la sale frousse s’empara du Bug. Il recula. La vieille avança. Les cloches aussi.

— Vas-y ! défia-t-elle. Qu’est-ce que t’attends ? Tire !

Un reflet de panique enlaidit la face du tueur. Il agita la tête. La vieille insista.

— Allez, vas-y ! Montre ce que tu sais faire ! Tire donc !

Une deuxième fois, la tête du tueur s’agita dans un refus. Dans sa main, le Colt trembla.

— Alors, fous le camp ! aboya subitement la vieille. Embarque ton frère et revenez plus ici ! Et arrangez-vous pour que j’revoie plus jamais vos sales gueules ! Allez, dehors !

Le Bug recula encore, sentit l’air de la nuit lui hérisser la nuque. Il frissonna. Une main entourant avec précaution le cran d’arrêt qu’il n’osait pas arracher, son aîné, le front inondé de sueur s’agrippa à lui.

La vieille, brutalement, les repoussa dans la rue. Elle menaça, de son seuil, d’une voix cinglante :

— Et laissez Vicky en paix ! Autrement, j’me charge de vous !

Le Bug entraîna son aîné. La vieille fit un pas en arrière et, d’un coup de pompe, reboucla la lourde. Elle se retourna. La plupart de ses clodos regagnaient leurs bancs ou leurs tables pour y reprendre leur roupillon. Le Jockey, lui, l’attendait, le flingue de Louis le Napo dans la main.

— Donne ça, dit-elle, le lui prenant. Et va te poivrer la gueule si t’en as envie.

Elle marcha vers le fond. Il fila vers le rade en jubilant. Devant celui-ci, le manchouillard éclusait un demi de la main gauche. Sa droite, par déformation professionnelle de mendigot, était relogée dans le veston, du côté où pendait la manche vide.

En apercevant Berthe, Vicky alla au-devant d’elle.

— J’ai eu les flubes, confessa-t-elle en l’accostant. J’ai bien cru que ça y était.

— J’comprends ça, opina la vieille. Avoir deux mecs comme eux sur les endosses, ça n’a rien de marrant…

Vicky la dévisagea à travers la fumée de sa Camel, secoua la tête.

— C’est pas ce que tu crois, dit-elle. J’avais seulement peur qu’ils me repassent avant de faire ce que j’ai décidé. Quand ils m’ont pris en chasse, j’venais justement ici…

Un sourire sans joie erra sur ses lèvres.

— … Pour te réclamer un calibre… encore une fois.

La vieille, qui contemplait pensivement l’arme de Louis le Napo, releva le front.

— Ils m’ont flingué mon homme, précisa Vicky. Dans la soirée.

La vieille la fixa en silence puis murmura :

— Tu peux pas attendre et me laisser m’en occuper ? En douceur… Sans que personne sache d’où ça vient ?

Vicky détourna le regard.

— C’était le premier homme que j’aimais…

Elle avança la main. La vieille y déposa le calibre du Napo.

— Tu veux boire un coup de gnole avant de te barrer ?

Vicky glissa la seringue dans la fouille de son manteau.

— Non merci, Berthe. Pas la peine. Et merci encore. Bonsoir.

— Bonsoir Vie, fit la vieille dans un frémissement de lèvres… Bonsoir.

Pour se donner une contenance, elle décarra du percale et des feuilles à cigarettes de sa poche de blouse. Vicky lui tapota le bras et, après un dernier regard, se dirigea vers la sortie. Tout en roulant sa cigarette, la vieille l’accompagna des yeux jusqu’à la porte. Celle-ci claqua dans le dos de Vicky. Laissant choir la cigarette commencée, la vieille renifla et décarra son mouchoir.

* * *

La neige tombait plus dur, s’épaississait au sol. On n’y voyait que fifre à quelques mètres. Vicky ouvrit la portière de sa Ford. Elle levait la jambe pour y grimper quand un craquement sur la neige la fit se retourner, vite fait. Une masse sombre lui arrivait dessus en bolide. Elle fit face, chercha à éviter le choc. Impossible. La masse était sur elle. Elle retapissa les traits de Yoko, ses yeux noirs étincelants, ses dents blanches que découvrait un rictus de haine.

Elle voulut la repousser. La Jap abattit son bras dans un reflet d’acier. Perforant les fringues, la lame d’un cran d’arrêt se ficha dans le sein droit de Vicky et y resta, presque à la verticale.

Insensible à tout Vicky ne s’en occupa même pas. Dans un grondement rauque, elle se lança à la poursuite de la Jap qui détalait. Fallait pas qu’elle la paume de vue, qu’elle la laisse se perdre dans la nuit ! Trois, quatre mètres les séparaient… Tout juste si elle la distinguait encore. Fallait pas la perdre, bon Dieu ! Fallait pas ! Bandant ses muscles, elle fit un bond en avant, gagna un peu, en profita pour se soulager de ses hauts talons et refonça. La Jap ne mollit pas. Son souffle précipité parvenait jusqu’à Vicky, qui mit tout ce qu’elle avait dans le baquet. La distance diminua. Un mètre à peine… Sans ralentir, d’un coup, d’un seul, Vicky arracha la rapière de sa poitrine et, dents plantées dans sa lèvre du bas, elle s’enleva d’une détente sauvage.

Un cri. Un bruit mou. La Jap s’abattit face contre terre, bras en avant. De son manteau de fourrure, à la hauteur des omoplates, le manche du cran d’arrêt émergeait.

Vicky reprit son souffle, abaissa un regard morne sur le corps de la Jap et, lentement, en comprimant sa blessure, retourna à la Ford, sans s’inquiéter de ses chaussures. Elle ne s’étonnait pas de la disparition des Napos. Le Bug avait dû emmener son frère blessé et laisser la Jap pour lui régler son compte. À moins que ce soit la Jap elle-même… Les fumiers ! Les putains de fumiers !

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