— Bien !.. Oui !.. Bravo, mon joli !.. C'est ça… Ça va viendre ! Ça vient !.. Voilà !.. Oh, qu'il est chou !.. Oh, qu'il est abondant le fripon !.. Quelle merveille ! Si jeune ! Si gros ! Si fougueux ! Si brute ! Un âne !
Un âne ! Comme le député, pour l'inaugurance du groupe escolaire ! Un âne ! Le nombre de fois que j'm'l'ai entendu dire, celle-là !
Un âne ! C'est mon destin.
Dans un sens, s'tu réfléchis, c'est plutôt flatteur, non ?
C't'aventure, pour t'indiquer la saloperie des genss. Tout l'monde il est salingue, peu z'ou prou. Tout l'monde il est tourmenté par sa p'tite affaire, d'une manière ou l'autre. Tout l'monde il a l'vice dans la peau, toi, moi, Berthy, le Vieux, Sana, les hommes, les femmes, jeunots ou vioquards. Le coin salaud, fallait qu'tu le susses, il existe en chacun-chacune. Y'a une zone foutreuse chez tout gonzier, chez toute gonzière. La part du cul ! N'oublille jamais, gamine, que les plus sérieux, vénérab', notables, adulés, graves, pédants ; tous : les décorés, les âgés, les réputés, y'a fatalement un coinceteau d'eux qui tatarle dans les dégueulasseries culières, les mesquines envies, les besoins z'honteux. Tomatiquement, le môssieur ou la dadame qui te cause, a b'soin dans ses profondeurs internes de lécher un paf, ou une moule, de bouffer d'la merde, de s'placer une boutanche de Perrier dans le dargeot, de regarder s'palucher un garnement, ou d's'faire courir su' l'bout du gland une mouche qu'il lui a arraché les z'ailes. On dit : le jardin secret… C'est le chiotte secret, plutôt. Tout le monde. Le chiotte secret. Les individus qui chercheront à t'dominancer, pense à leur part de cul, moustique, et tu verras que tu les verras z'autrement. Le denier du cul, oublille jamais !
— Caisse y vous fait rire ? elle m'a d'mandé, la Martin, inquiète d'mon ire alitée.
— Un souvenir ; c'serait pas très corréque de vous le faire part, chère maâme.
Mais elle espérait que ça f'rait disvertion si je lu raconterais. Alors elle insiste, comme quoi, dans sa peine et ses tracasseries, le moind' rayon de joie y f rait comme le miel d'là vie dont j'sais plus très bien… Elle esprimait littéreusement, par rédaction cont' son vieux qui d'vait déballer à tout va les formules dégamogiques z'usuelles.
Moi, tu m'connais comme si j't'aurais faite, Marie-Marie : j'sus pas le bonhomme à passer l'outre de son tempérament pour se fignoler une altitude de méchant inquisitionneur. Pisqu'elle avait envie de distractions, j'y sus z'été d'mon récit. Av'c tacte, j'précise. Ç'a eu l'air d'l'amuser. Son regard s'écartait, d'venait plus clair. A la fin, elle a dit :
— Alors, j'ai l'air d'une femme de notaire, mon cher ami ?
— Pas espécial'ment, maâme. Et d'ailleurs ça n'a rien de préjoractif d'êt' une femme d'notaire. C'que il y a dans cette eau curence, c'est qu'vous y donnez d'l'air à maâme Bugnazet. En jeune et jolie, bien sûr.
— Et vous m'croyez perturbée sexuellement, au point de prier un adolescent de se soulager d'vant moi ?
— Je dis pas que ça soye ça précisément qui vous intéresse, mais y'a nécessairement aut' chose. Tout l'monde à son quéqu' chose qui lui tourmente la viande.
« J'connais personne qu'en réchappe : les réclamations d'là bidoche. Vie d'amant, pouvez pas m'le dire ; où y'a du plaisir, y'a d'la gêne contrairement à ce qu'est prétendu. Chacun, il garde ses saloperies pour soye. Si on irait s'les déballer en place publique, vous parlez d'une foire au zob, sauf vot' respecte ; ça tournerait vite t'à la bigue partouze générale.
Elle avait l'air pensif, la veuve Martin. Un peu chose, quoi ; bitatif, comme qui dirait.
— Et selon vous, c'serait quoi, mon quelque chose ?
J'la matais façon Nostramadus, mage Machinchouette, Miroska v's'êtes z'avec moué ? Branché su'le sub', quand tu voyes rien d'aut' que l'fond d'œil d'ton terlocuteur ou trice.
— Selon moi ? je murmure.
— Oui ?
— Selon moi ?
— Dites !
— S'lon moi, maâme Martin, c'est pas le julot vot' gadejette. Les matous, pour vous, c't'un moyen, mais pas l'bonheur. C't'une échelle, mais pas le pied. Vot' fade, y niche z'ailleurs. T'nez : vous goûteriez au gigot à l'ail qu'ça m'surprendrait pas. Non que vous fassiez gougne, pourtant c'est dans c't'horizon que j'situererais vot' grenier à cul. P't'être qu'vous n'allez pas carrément t'au frifri, à la dégustance en « V » majuscule. Mais c'est quand même côté gonzesse qu'elle s'opère, votre pothéose sensuelle. Écoutez, puisqu'on discutaille à bâton qu'veux-tu, ent' quat' z'yeux, sans chichis ni savasalmeks, je vous esprime mon idée d'arrière la tronche. J'y vais rectal, sans baragouiner : vot' embellie, elle est très discrète, je parierais. Une combine genre se faire tapoter les miches av'c une cravatche ; ou bien qu'on v'gratte le bas du dos à pleins ongu' en vous débitant des cochonneries. J'me gourre-t-il ?
Elle a pas répondu. Elle a sourié. Et puis, m'a d'mandé, à voix basse :
— Et vous ?
— Moi ?
— Vous n'osez pas me dire ?
Pas oser ! C'que j'oserais pas dire, mécolle, à part du mal de la mémoire de ma mère dont j'plaisante jamais avec ce sujet, c'que j'oserais pas dire, y'a pas encor' d'mots pour l'dire !
— Moi, maâme Martin, mon n'hobby culier, comme on dit dans les r'vues sciencifiées, c'est d'être un trop fort fourreur. Un terrible du goumi, pour mieux m'faire comprendre. J'charge à tort et traverses, dès qu'un pétard s'présente, zou, à la tringle ! Le monstre coup de verge, si vous verriez. J'frénétise du paf, j'avoue. Stantanément. Un cul ? Boum, v'là Popaul qui met baïonnette au canon. T'nez, rien qu'd'vous causer d'ça et de voir vos miches, la godanche me prend. Dans mon néminence, c'est jamais la brise d'printemps, mais toujours la tempête. Mon vice, en somme, c'est la brutalerie de mon ardeur. Au manche, tout d'suite. Au braque ! Tchlac, tchlac ! j'fourre en danseuse les mains z'en haut du guidon. Chaque fois c'est comme si je partirerais au lasso du Galibier. Faut dire qu'chez nous, à la ferme, on t'nait le taureau ; j'voudrais pas vous offusquencer, mais on l'avait baptisé Martin, c't'animal. Bon, y'a pas d'mal, c'est pas comme si qu'on vous aurait connue au prélavable, hein ? Le Martin, ce chibre ! Oh, pardon ! Et pas feignant, j'vous jure. Sitôt qu'on lu présentait maâme la vaqua, y's'mettait sur les arpions d'derrière, comme un caniche d'cirque. Et l'avait une manière d'faire le beau, avec tout son outillage, le salaud ! Ah, bandit de Dieu, c'te lance d'incendie ! Mon dabe, c't'à peine s'il avait besoin d'le guider, Martin, vers l'orifesse. Y l'eusse trouvé son ch'min seulâbre, ce voyou ! Notez qu'dans les temps antiques, les taureaux, fallait bien qu'y se débrouillent sans la main d'l'homme, pisque l'homme s'accrochait z'encore aux branches des arbres par la queue. J'vous en reviens à Martin, maâme Martin. D'l'avoir vu en action d'puis mon plus jeune âge et même avant, j'suppose qu'ça m'a trhumatisé. D'autant qu'du côté membrure j'avais rien à y envier. Pour moi, sauf la galantine qui v's'est due, toutes les femmes sont des vaches. J'viens, je renif et j'm'dresse sur les patounes de derrière, quoi. Comme un taureau, maâme Martin, comme un taureau, dont d'ailleurs j'sus du signe. Et j'm'en dédis point, j'aime mieux être du signe du taureau que du signe de Saint- Saëns. On bat pas la m'sure d'là même façon ! Bien, puisqu'on s'dit tout, v's'allez me dire pourquoi qu'v's'êtes pas grimpée dans la bagnole de vot' mari, l'aut' soir…
Et toc ! T'imagines la renversée, fifille ?
Attends…
J'conviens parfaitement que tout ça : le cul, ma manière d'comporter, puisse te choquer, Minouche. Que c'sont pas des conversations d'tonton à nièce. J'mourirais pas d'un moment t'à l'autre, j'surveillerais mes espressions. Mais c'que j'te débite, là, à gros flocons, comprends que c'est surtout pour plus tard. Si j'parviens à tout t'déballer : ma vie d'homme, mes pensées, mes saloperies, mes espoirs, p't'être que ça constutiera un gros buisson de vie, av'c des ronces, mais aussi des fleurs. Une sorte d'espèce de livre de recettes capab' de t'aider à l'occasion, Mamourette. On n'peut pas savoir d'avance ce qui sera utile et c'qui n'le sera point. J'te déverse mon grenier, si y'aura des machins capables de t'servir encore, tant mieux. C'est s'lon les b'soins et on n'peut pas envisager les besoins d'une gamine d'à présent qui va s'éloigner dans la vie nouvelle comme un n'avion dans le ciel. C'est kif-kif une caisse à outils : faut avoir de tout d'dans pour dénicher la visse qui convient à l'instant qu'elle te nécessite.
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