Frédéric Dard - La vérité en salade

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La vérité en salade: краткое содержание, описание и аннотация

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Le maquillage de la mémère se craquelle comme une terre trop cuite.
Elle a trois tours de perlouzes sur le goitre, deux suspensions avec éclairage indirect aux étiquettes et une dizaine de bagues qui la font scintiller comme l'autoroute de l'Ouest au soir d'un lundi de Pâques.
Figurez-vous que ce monticule aurifié et horrifiant s'envoie un jules de vingt… carats !
Seulement, ce petit téméraire vient de se faire allonger…, du moins tout le donne à penser…
« Fouette dents de scie », comme dit Bérurier, cet angliciste distingué !

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Je le laisse débloquer en me demandant comment je vais pouvoir orienter à nouveau la conversation sur la mère Bisemont. Il me reste pas mal de choses à apprendre sur la digne personne. Mon petit doigt me chuchote que ses histoires d’œuvre de bienfaisance n’ont pour but que de lui servir de façade. Elle peut, arguant d’elles, jouir d’une liberté de mouvements ; si vous voyez ce que je veux dire.

Comme Hector est en train de nous démontrer que seul un dirigisme biconvexe et une refonte unilatérale peuvent nous sortir de l’ornière dans lesquelles les roues de l’État se sont embourbées, le bigophone se met à carillonner.

Félicie me jette un regard éploré. Elle n’aime pas le téléphone. À ses yeux, c’est le starter qui me donne le départ.

Je me lève et vais décrocher. La voix haletante de Mme Bisemont me fouille les trompes d’Eustache.

— Monsieur San-Antonio ?

— Oui.

— Je m’excuse de vous harceler jusque chez vous, mais… Il vient de se passer quelque chose… C’est très grave… Pouvez-vous… Je…

Elle perd les pédales, la chère madame.

— J’arrive, où êtes-vous ?

— Chez moi… Non, ne venez pas… Je… Je vais descendre. Voulez-vous que nous nous trouvions dans une demi-heure à l’endroit où vous m’avez déposée tout à l’heure ?

— Entendu…

Je raccroche. Que lui est-il encore arrivé, à cette peau aurifiée ?

— Qu’est-ce que c’est ? bredouille Félicie en posant sur moi ses étranges yeux bleus.

— Bérurier… Il a besoin d’une explication au sujet d’un travail que je lui ai confié…

— Il va venir ?

— Non, j’y vais…

— Quand ?

— Tout de suite, ça urge… Mais rassure-toi, je n’en ai pas pour longtemps… Mangez en m’attendant, je vous rattraperai.

— C’est à cause des paupiettes, tu comprends ?

— Je les aime froides, M’man… Avec de la moutarde, c’est fantastique, tu le sais bien !

* * *

Une ombre bat la galoche place Victor-Hugo. Je reconnais Mme Bisemont et je stoppe à sa hauteur. Elle se jette dans ma voiture et presse à deux mains les deux sales blagues qui lui servent de flotteurs.

— Alors, que vous arrive-t-il ?

— Une chose effroyable ! Je crois que je deviens folle, monsieur le commissaire ! De grâce, sauvez-moi !

La voilà qui se précipite sur moi, cherchant un refuge, pauvre oisillon meurtri, sur mon altier poitrail !

Elle se parfume trop, cette dame. Si encore c’était à l’anti-mite ! Mais non, elle est allée choisir un truc insensé, oriental. On dirait qu’on a cassé un flacon d’eau de Cologne dans la cuisine d’un restaurant chinois.

Je la repousse, doucement, calmement… en faisant gaffe de ne pas me blesser avec ses morceaux d’or.

— Allons, allons, madame Bisemont, restez calme et expliquez-moi…

Elle reprend un peu son self-contrôle, comme on dit dans les contributions, et sort de son sac en peau de caïman une photographie qu’elle me tend.

Je zieute l’image. Une joli travail. Elle représente Mme Bisemont inclinée au-dessus du cadavre de son amant, dans la chambrette où elle me conduisit tantôt.

Je me tourne vers la présidente de la chorale d’Hector.

— Qu’est-ce que ça signifie ?

— On m’a photographiée au moment où j’ai découvert le corps d’Hervé…

— Voyons, madame Bisemont, pour vous photographier dans cette chambre il a fallu un flash ; la qualité de l’image en fait foi !

Mais elle n’a d’yeux que pour ce rectangle de papier glacé, encore humide. Il y a pas longtemps qu’il faisait trempette dans le bain d’hyposulfite.

— C’est affreux, affreux, psalmodie-t-elle en larmoyant et en français.

— Vous étiez inclinée au-dessus de lui… On vous a prise de trois quarts, vraisemblablement depuis la porte… Vous n’avez pas perçu l’éclair du flash ?

— Non !

— Mais c’est impossible, voyons !

— Je ne me suis rendu compte de rien. Il est vrai que j’étais terrifiée… Je ne pensais à rien…

Le fait est que, sur la photo, elle a l’air plutôt lessivée, la mère Bisemont. Néanmoins, je persiste à croire qu’elle aurait réagi à l’éclat d’un flash… Voici un nouveau mystère à inscrire sur mes tablettes.

— Qui a pris cette photographie ? soupire-t-elle.

— L’assassin, vraisemblablement. Il savait que vous aviez rendez-vous avec Suquet et il s’est préparé à vous recevoir.

— Mais pourquoi me photographier ?

Ma réponse est nette, sans bavure, parce que dictée par la plus élémentaire logique.

— Pour pouvoir vous faire chanter, madame Bisemont.

— Me faire chanter ?

— Certainement. Je puis vous assurer que d’ici peu de temps vous recevrez une demande d’argent…

— Seigneur Jésus !

V’là que je lui arrache le cœur, le gésier et la vésicule biliaire ! Elle est délabrée, la pauvrette ! Elle va faire une conclusion intestinale, sa tranchée arrière va péter et son pylône lui donnera de la tension !

— Avez-vous conservé l’enveloppe qui contenait la photographie ?

— Je ne sais pas… Oui… Attendez…

Elle explore son sac. Elle ramène un rectangle de papier blanc, tout froissé. L’adresse a été rédigée au stylo-bille, en caractères bâtons. Le cachet indique qu’elle a été postée rue du Four.

— Vous permettez ? dis-je en empochant l’enveloppe et la photo…

— Que vais-je devenir ? s’inquiète-t-elle.

— Lorsqu’on vous tapera, acquiescez. Promettez tout et prévenez-moi aussitôt. Autre chose, lorsque vous êtes entrée dans la chambre, cet après-midi, avez-vous remarqué si la lumière électrique brillait ?

— Eh bien…

Elle gamberge un instant, les lampions perdus dans une louche extase.

— Oui, je crois…

— Pourtant il faisait jour ?

— Il faisait jour, mais les rideaux étaient tirés…

— Rentrez chez vous et gardez confiance…

— Vraiment ?

— Je ferai l’impossible…

La voilà qui me rebiche la pogne et qui me la malaxe.

— Merci, merci, merci…

Pas d’erreur, c’est une frénétique ; cette bonne femme ne détellera jamais. Faudra toujours qu’elle trouve un gars qui lui fasse la vitrine ! Y a plein de rombières commak dans le monde.

CHAPITRE V

Dans lequel je fais appel à mes cellules grises, lesquelles répondent « présent » !

L’ayant larguée, je prends la direction de la Grande Crèche. Maintenant, bien que le mystère s’épaississe à vue d’œil, j’ai du tangible à me foutre sous le derme. Nous avons dépassé le stade de la relation — toujours sujette à caution — d’une vieille cinglée pour pénétrer, pavillon haut, dans le domaine du positif. J’espère que vous apprécierez la façon magistrale dont je viens de résumer la situation.

Il y a encore du monde au labo lorsque j’en pousse la porte.

Magnin, l’assistant du diro, est aux prises avec Bérurier qui lui raconte une histoire drôle en rigolant avant la chute.

— C’est une dame qu’est en train de laver son linge, fait-il ; v’là le facteur qui se pointe par-derrière, qui lui retrousse ses jupes… et qui, tu me suis ? Bon ! Il se la farcit… Après, il veut voir la gueule qu’elle a : il lui tape sur l’épaule, et la laveuse sursaute en criant : « Bhoû ! vous m’avez fait peur ! »

Et Béru s’étouffe ; son rire est une chose énorme, grasse, visqueuse, déferlante, torrentielle, cascadeuse, puissante ! Mon estimable collègue devient violet, il s’étrangle, il bat l’air de ses bras, il dénoue sa cravate, il tousse et s’arrête aux limites de l’apoplexie.

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