Frédéric Dard - À prendre ou à lécher

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À prendre ou à lécher: краткое содержание, описание и аннотация

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On navet jamais vu ça.
Ben maint'nant on l'a.
Et croye-moi, on a eu chaud aux plumes.
L'péril jaune, merci bien : j'sais à présent d'quoi t'il retoume !
Quant aux p'tites gonzesses de Bangkroche, tu r'passeras ! Pas une seule qui fusse t'à ma pointure !
C't'un monde ! Comme j'dis : « Quand on veut faire pute professionnelle, faut s'assurer au prélavable qu't'es capab' d'héberger l'aillent ; même quand y l'est monté comm' un seigneur, dont c'est mon cas ; qu'autrement sinon ça d'vient d'l'abusement d'confiance, moi j'trouve.
Enfin, viens quand même av'c nous en Taillelande ; si t'aimes pas le bouddha, on t'fera faire des massages. Alexandre-Benoît Bérurier.

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« A votre place, je provoquerais, cette nuit même, un conseil au plus haut niveau, et je m’arrangerais pour que votre marchand de cercueils termine la nuit dans l’un d’eux. Je connais les grands princeps de votre religion. Le sacrilège relatif au divin Bouddha d’Or est inexpiable. Bien que catholique, je sens que Bouddha m’a à la chouette. Je viens de faire quelque chose pour lui, il fera je n’en doute pas quelque chose pour moi, car tous les Dieux renvoient l’ascenseur. Cela dit, je souhaiterais rentrer à Paris dans les meilleurs délais.

Raï Duku continue de réfléchir. Son subordonné attend qu’il traduise.

On nous apporte le champagne, je le sers moi-même, avec assez de verve.

— Vous pensez que M. Chakri Spân a tué personnellement cet Allemand, dans l’hôtel ? finit par murmurer mon terlocuteur.

— Naturellement. Il avait rendez-vous avec lui et, pour des raisons X, Brandt s’est fâché, a menacé de révéler le pot aux roses concernant les safaris humains. L’autre a pris peur et s’est débarrassé séance tenante de ce fâcheux client.

— Mais pourquoi l’Allemand se serait-il mis en colère ?

— Je l’ignore. Pendant que j’y pense, il tenait quelque chose dans le creux de sa main. Mon zélé collaborateur ici présent…

Courbette, assortie d’un pet, du collaborateur auquel la cuisine locale occasionne des flatulences.

— … a aperçu ce petit objet…

Je vide mes vagues l’une après l’autre, retrouve le petit disque de jade et le propose à Raï Duku.

Mais il ne s’en saisit pas.

Tu sais quoi ?

Alors là, je vais t’en boucher une drôle de surface portante…

Ayant considéré la rondelle de jade, Raï Duku se jette à genoux devant moi et se prosterne à toute vibure, des chiées de fois ; on le brancherait sur une dynamo, il dégagerait de l’électricité.

Son auxiliaire (être) s’hâte de l’imiter.

Comme leur manège se prolonge pendant un bout de moment, je finis par choper le tournis.

— Voyons, repos ! Le champagne va chauffer ! leur dis-je.

Ils continuent de marionnetter un instant sur leur aire, enfin ils reprennent la position verticale, puis la position assise.

Raï Duku sort sa pochette de soie et l’ayant développée, la dépose sur le disque que je tiens dans ma paume. Ensuite il m’oblige le poignet à un mouvement rotatif de manière à recueillir sa capsule.

— De quoi s’agit-il, patron ? questionné-je.

Il balbutie :

— C’est la clé sacrée du Bouddha d’Émeraude de Wat Phra Keo, celle qui livre accès au vestiaire où sont déposés les vêtements d’or et de diamant qu’on met à la statue selon les saisons. Mais, sacré bon Bouddha, on allait donc piller toutes les richesses religieuses de mon pays ! Cet Allemand n’était pas un chasseur d’hommes — ou alors occasionnel — mais un chasseur de joyaux ! Et ce Chakri Spân livrait le patrimoine thaïlandais à l’étranger ! Ah, merci, valeureux commissaire San-Antonio. Sa Majesté sera mise au courant de votre héroïque conduite et il est probable qu’elle vous décorera de l’Ordre de la Blhé Nô Ragi pour services rendus à la nation.

Il me donne l’accolade, en guise d’acompte, et sort, suivi de Wat Chié, en tenant à bout de bras le disque de jade dans sa pochette.

Je lis l’édition anglaise du Bangkokien Libéré au bord de la piscine, en éclusant un jus de noix de coco. Very good . Le fruit est encore dans sa cangue verte, on y a percé deux trous et je pompe le douceâtre breuvage à l’aide d’un chalumeau (oxhydrique).

Sur le siège voisin, Béru en fait autant, sauf qu’il a prié le barman d’injecter cinquante centilitres de calva dans le lait de coco pour « le muscler » Magloire.

— Les nouvelles sont fraîches ? interroge le Gros, avec le ton d’un qui s’en fout.

— Plutôt brûlantes, mon Gros !

Je lui présente la une du baveux. Sur quatre colonnes, on peut y voir la photo d’une grosse bagnole consumée. Titre : « Tragique accident de la circulation, cette nuit : le célèbre industriel Chakri Spân meurt carbonisé dans sa légendaire Rolls. »

L’article qui accompagne, je m’en torchonne. Littérature. J’en fais de la pareille à longueur de matinée. Mais, bon, tout est well qui finit well , aurait dit ce pauvre Timothée.

A cet instant, le haut-parleur de l’hôtel :

— Monsieur San-Antonio est demandé à la réception.

Allons, bon, quoi encore ? On ne va pas me casser les claouis jusqu’au départ de l’avion !

En maugréant, je me rends dans le hall. Et qui vois-je, gigantesque, massive, pipe aux lèvres, près de la caisse ? Tu viens de le deviner in extremis , en chaud latin que tu es : Mrs. Goodyeard, en effet. Saboulée en officier de commando pendant la guerre contre le Japon : tout en kaki, avec des épaulettes, des poches poitrine et pas de poitrine dessous.

— Hello ! me lance-t-elle.

Pas contrariant, je lui réponds « hello ».

— Vous n’étiez pas ici, hier ? m’annonce la virago.

— Je sais, fais-je, on m’avait convié à une partie de chasse.

— Quelle horreur ! Ce sont les chasseurs qu’il faudrait abattre !

— Aussi, est-ce bien ce que j’ai fait, certifié-je. Vous aviez quelque chose à me dire, chère madame ?

Elle ouvre la rude giberne qui lui tient lieu de sac à main. Y puise une coupure de journal.

— C’est rapport à votre annonce dans Bangkok Soir , concernant ce type avec qui j’ai voyagé à deux reprises, paraît-il.

— Ah ! bon, alors [10] Je te prie d’admirer l’originalité de la réplique ; son sens du raccourci. C’est à des phrases de ce tonneau qu’on reconnaît le grand styliste. Merci. ?

— Je l’ai retrouvé, grâce à la photo.

Mon cœur saute l’obstacle. Ma gorge prend feu.

— Etes-vous bien certaine qu’il s’agit de lui ?

— Dites, l’ami, j’ai l’œil.

Et où se trouve cet oiseau migrateur ?

Elle ôte sa pipe, garde le trou du tuyau entre ses lèvres, puis se racle puissamment la corgnole et va glavioter dans un porte-parapluies de cuivre tout proche.

— Bon, venez avec moi, je vais vous le montrer !

* * *

Elle pilote une jeep avec maestria dans ce bordel ambulant qu’est la circulation bangkokienne, n’hésitant pas à « mordre » les trottoirs, à bousculer les cyclomotoristes, à tamponner les taxis branlants ni à donner des coups de cul aux piétons aventureux.

Elle ne parle plus. J’ai essayé de lui poser quelques questions, mais elle a maugréé :

— Soyez patient, mister flic ! Et dites-vous bien que je n’ai pas pour habitude de servir d’indicateur à la police. Je le fais uniquement pour dissiper votre bon Dieu de suspicion que je sentais peser sur moi depuis votre visite.

Nous nous séparons de la ville.

On roule de plus en plus démentement par des voies encombrées de camions qui ressemblent à des baraques foraines, tant ils sont décorés d’autocollants à la gloire de l’Univers Walt Disney, de franfreluches, de fanions. Les routiers thaïlandais raffolent de ce genre de gadjets. C’est jaune et ça ne sait pas.

Enfin, voilà la vraie cambrousse…

On trouve, clairsemées, des propriétés presque luxueuses. Des vallonnements sagement cultivés et bordés d’arbres.

Je consulte ma montre avec inquiétude.

— Pressé ? finit par jeter la fumeuse de bouffarde.

— Mon vol pour Paris est dans trois heures…

— Nous serons de retour à temps.

Bientôt, nous parvenons à l’orée d’un golf immense, au green parfaitement entretenu, où des Occidentaux s’escriment, assistés de caddies orientaux ; parce que c’est ainsi et que ça le restera un bon moment encore. Et puis quoi, c’est pas parce qu’on est blanc de la tête aux pieds qu’on n’a plus le droit de jouer au golf, merde !

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