Frédéric Dard - Va donc m'attendre chez Plumeau

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Va donc m'attendre chez Plumeau: краткое содержание, описание и аннотация

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Je n'ai, jusqu'à ce jour, reçu que deux lettres de Sa Majesté britannique Elisabeth II. La première date de plusieurs années et concerne mon livre « BAISE-BALL À LA BAULE ». La chère souveraine m'y faisait quelques remontrances parce que j'y avais assez lourdement brocardé un membre de sa royale family. L'envoi de deux douzaines de roses rouges (nous n'étions pas encore en régime socialiste), accompagnant un billet d'excuses, me valut son absolution. Mais voici que la cousine récidive, ayant entendu parler du présent ouvrage. Grâce à une indiscrétion de ma femme de ménage, elle me pria, par l'intermédiaire de l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Berne, de lui adresser une copie de mon manuscrit. Je le fis. Ce qui motiva la seconde lettre royale. Madame Deux s'y déclare indignée de la manière dont je traite l'Intelligence Service dans ces pages et me somme de ne pas publier cette œuvrette. Passant outre cet interdit, mon éditeur et moi avons décidé de la faire paraître tout de même. Nous verrons bien.
SAN-ANTONIO

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Puis, à l’Indien :

— Va dire aux autres de remettre cette foutue pierre tombale en place, je veux du travail impec.

Docile, le gorille cuivré descend de ma tire et se dirige à grandes enjambées vers une haie, derrière laquelle, je m’en aperçois seulement, stationne l’une des Rolls du barbu.

— Vous pouvez démarrer, me dit ce dernier.

— Où allons-nous ?

Il a un geste de prélat.

— Peu importe, puisque vous refusez mon hospitalité. A vous de décider.

Je mets le jus et décarre. De fréquents regards dans le rétroviseur m’informent que nous ne sommes pas suivis. Est-il décidé à jouer franc jeu ? Je suis dans l’équivoque (que d’autres nomment aussi l’expectative, mais c’est un peu plus cher et je ne voudrais pas te pousser à la consommation). Que ces gens m’aient surveillé, cela va de soi, compte tenu de tout ce qui précède. Qu’ils veuillent s’assurer que j’ai fait chou noir en explorant le cadavre, c’est la moindre des choses ; mais qu’ils engagent un dialogue, voilà qui me paraît plus aléatoire, car celui-ci s’opérerait à sens unique. En effet, ils savent à peu près tout de moi et moi j’ignore à peu près tout d’eux ; il n’y a donc aucune raison pour qu’ils me fassent des confidences, à moi, flic français parachuté dans leurs manigances. Mais ces deux grosses pédales oseraient-elles s’attaquer toutes seules à superman Tonio, alors qu’il est au volant de la bagnole ? Lui laisseraient-elles l’initiative de la direction à prendre ?

Je surveille le gros petit ami de P. J. France, redoutant de ce vilain soufflé quelque arnaque vicieuse. Il est tranquille pour l’instant.

J’arrive à l’extrémité de la petite route poussiéreuse qui rejoint la nationale et décide de piquer sur San Antonio. J’ai déjà mis mes clignotants, lorsque j’avise un barrage de police. Ils sont une demi-douzaine de poulardins, avec des motos et une chignole pourvue d’un feu giratoire qui éclaire tout l’horizon jusqu’au Nouveau-Mexique. Une chaîne hérissée de piquants acérés est tendue en travers de la chaussée.

Docile, je freine. Un chef en manches de chemise bleue, coiffé d’une casquette plate, s’approche. Il est blond, à frime carrée, avec un regard qui te filerait des coliques néphrétiques.

— Papiers !

Je porte la main à ma poche et pâlis. A la suite de ma baignade chez France, j’ai mis mes fafs à sécher dans le sous-main de l’écritoire de ma chambre et ils s’y trouvent encore.

— Je les ai oubliés à mon hôtel, réponds-je.

P. J. France se penche afin de se montrer au flic.

— Vous me reconnaissez, sergent ?

— Oh ! parfaitement, monsieur France, dit le flic.

— Je me porte garant de cet homme, c’est un ami.

— Je prends bonne note, monsieur France. Malgré tout, il est indispensable que je fasse le nécessaire et qu’il vienne jusqu’au poste volant, c’est à quinze cents mètres…

— Je vous trouve plutôt intraitable, sergent, déclare France avec humeur.

— Depuis l’élection du nouveau gouverneur, nous avons des ordres, répond l’autre, sans joie.

Et à moi :

— Deux de mes hommes vont vous escorter au poste, vous roulez derrière eux, compris ?

— O.K., soupiré-je, fataliste.

Pas tellement fâché dans le fond que France ait été vu en ma compagnie, ce soir. Peut-être que cet incident m’épargnera des désagréments plus cruels, par la suite, va-t’en savoir. Je crois dur comme Defferre aux bons agencements du hasard.

Le grand blond va jacter avec deux de ses guerriers, ceux-ci enfourchent leurs trottinettes et, poum ! on y va.

Au bout de cinq cent cinquante-six mètres virgule vingt, on oblique à droite dans une voie montante. Les motards m’ont pris en sandwich. Celui qui passe devant a éclairé une espèce de phare de recul dont la clarté m’éblouit, m’obligeant à conduire à trente à l’heure, les yeux plissés comme ceux d’une chouette qui voudrait faire de la télé.

— Quelle idée de sortir sans papiers ! grommelle P. J. France, maussade.

— Si vous ne m’aviez pas propulsé dans votre damnée piscaille l’autre jour, je les aurais sur moi, mais malgré mon séjour dans vos néons spéciaux, ils étaient encore humides lorsque je suis parvenu à mon hôtel.

Le barbu se tasse contre sa portière en souriant.

Alors, bon, que je te revienne à la situasse. Nous roulons quelques minutes encore. Le flic avant m’adresse un signe pour m’intimer de ralentir, lui-même stoppe. Je limite et l’imite.

Le phare de recul continue de me court-circuiter les vasistas. France descend de l’auto ainsi que son julot. Je m’apprête à en faire autant, mais le flic qui me filait se pointe dans l’encadrement.

— Ne bouge pas, petit drôle ! me lance-t-il d’un ton qui remplacerait ton congélateur s’il tombait en rideau.

Le canon de sa mitraillette de cérémonie pointe sur moi.

— Ben quoi ? je demande.

— Ta gueule !

Le sublime Sana pige illico qu’il l’a dans le prosper, enquillé d’une trentaine de centimètres au moins ! La grande feinte bioutifoule. Comment qu’on t’a possédé, bonne pomme de petit Françouze égaré dans la jungle texane. Ça, oui, c’est du beau boulot de professionnel.

Le rire de P. J. France se veut démoniaque. Il a baissé sa vitrine de son côté avant de descendre. Je reçois un seau d’eau dans le portrait de famille.

Horreur ! Il ne s’agit pas de flotte, mais d’essence.

Et alors je comprends que M. l’Antonio de ses belles deux va cramer comme des lettres d’amour après rupture. Une allumette et…

Je déguste un coup de goumi féroce sur le temporal, chaleureusement administré par le faux poulet à la mitraillette. M’estourbir, mettre la tuture en route en la braquant contre un arbre ou quelque précipice, puis, au dernier instant, l’allumette fatale. Mort accidentelle d’un touriste européen. De profundis !

Si j’ai le temps de penser ça, c’est que le coup porté n’a pas eu raison de ma raison, mon tagoniste agissant par l’encadrement d’une portière. Mais je dois faire comme si, absolument. Alors j’exhale un râle escamoté et m’abats sur la banquette.

Comme prévu, la lourde s’ouvre. Un « flic » s’avance, met le contact, puis enclenche le drive . Ensuite il sort de l’auto, referme la portière et use d’une longue branche pour appuyer sur l’accélérateur depuis l’extérieur. La Cadillac se met à avancer par saccades, parcourant deux ou trois mètres à chaque fois. Arbre ou précipice ? De toute manière cela va être pour bientôt, pour tout de suite. Le signal sera l’allumette qui m’embrassera et alors il sera trop tard.

J’attends la seconde pesée de la branche. Dès qu’elle se sera produite, il y aura une seconde de battement pour que le gonzier revienne se placer au niveau de la Cadillac. J’actionne la boîte à gants. Pourvu que sa serrure ne récalcitre pas. Mais non, c’est du pratique et ça fonctionne au quart de poil. Le petit panneau de faux bois s’abat. Ma main glaoupe à l’intérieur et chauffe le feu de la concorde qui y fut déposé par Mr. France en personne, le sympathique barbu des concerts san-antoniens. Mon pouce expert vérifie dans la foulée que le cran de sûreté n’est pas mis.

Mon tourmenteur enquille à nouveau sa branche. Feu au-dessus de l’épaule ! Il bascule recta, ploum ! Pierre lâchée ! Ses potes doivent croire dans l’immédiat qu’il a été déséquilibré par le tressaut de la voiture. Je biche la poignée de la porte, et, voyez caisse ! Un roulé-boulé, façon Azor.

Heureusement qu’il fait schwartz. Chose réjouissante, mes trois autres tagonistes sont en pleine luce, éclairés comme à l’avant-scène d’un théâtre par le phare de recul du premier motard.

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