Ce que je dois t’ajouter, c’est que la boîte de Coc’ valdingue jusque dans un landau découvert, tiré par un cheval arabe guidé par un cocher juif, lequel promène deux touristes bataves. Elle choit sur les pinceaux de l’homme. Furax, celui-ci s’en saisit et la balance dans notre direction. La boîte rerentre dans le car. Sympa, non ? J’avais vu un truc de ce genre dans « Les Marx’ brothers à Beyrouth », mais, franchement, c’était moins bien réglé. Comme cette boîte a été déguisée en bombe, et que cette bombe en a marre d’attendre, que veux-tu que je te dise : elle explose.
Les armes ou assimilé, faut toujours s’en gaffer comme de la chtouille car elles finissent toujours par te niquer vilain.
Alors là, c’est la toute belle gerbe. Le bus ressemble à un éléphant qui veut faire le beau malgré sa crise de rhumatismes articulaires aigus. Il se soulève de l’avant, puis retombe pesamment. Tout le bloc moteur est séparé du reste. L’onde de choc nous a fissuré les tympans. Ça pue une sale odeur.
Des débris n’en finissent pas de pleuvoir. On vit tout ce bigntz au ralenti. Les passagers se mettent à bieurler comme des foutus. Et pourtant y a pas de morts. Juste un bras endommagé, un œil crevé, une tête fêlée, un nez sectionné, plus des broutilles, comme par exemple le stimulateur cardiaque de mistress Brindzing qui s’est arrêté : elle est obligée de cardiovasculer branchée sur son propre secteur, mais pour quelques heures, elle s’arrangera.
Des soldats israéliens, alertés, se radinent en trombe, en troupe.
On arrête le touriste du landau, que des témoins ont vu jeter la bombe. Il a beau protester, M. Van Moulinha, il se chope des coups de bottine dans les tibias et de crosse dans les gencives. C’est con, car il se trouvait en voyage de noces et le genou militaire qu’il dérouille dans les roustons lui transforme les boules en pommes d’escalier.
Les secours s’organisent. Nous évacuons le car. On ambulance nos blessés. Le Flamand rose est devenu rouge parce qu’il pisse le sang à plein bord. La tronche fendue c’est lui. Tout le son qui la lui emplissait se barre par la plaie. Qu’ensuite, faudra, je suppose, le moderniser en lui emplissant le caberlot de polyester, rembourrage nettement plus confortable.
La gentille Vera est lit vide.
Elle tremble comme une feuille de.
S’accroche à mon bras. Elle porte une égratignure au front. Comme un petit coquelicot, mon âme, un tout petit coquelicot.
— Tu as été formidable, me dit-elle, je t’aime, ne me quitte plus jamais, jamais, jamais !
Je l’enserre de mon bras puissant, sinon séculier. Et alors, un miroitement sollicite mon regard de lynx. Je vois passer une Rolls bleue, Royce à ne plus en pouvoir.
A l’arrière, je crois distinguer un visage déjà vu : celui d’El Babha Alakrem, mon « patron » ou du moins son chargé d’affaires bizarres.
Ciel d’azur, odeur d’épices, brouhaha.
Dans ce bureau de poste d’Alexandrie, j’obstine à obtenir le Néfertiti Palace du Caire. Ça carbure mal. Les fils du biniou ont dû s’emmêler. Mais la ténacité est toujours récompensée. La voix lointaine d’une préposée finit par m’affirmer qu’elle est le Néfertiti (ou qu’elle va faire pipi, je distingue mal). Je réclame à tout hasard mister Bérurier, chambre 707. Et comme je n’ai pas épuisé mon contingent de miracles, le ciel m’en débloque un en me fourrant dans les trompes d’Eustache l’organe du Mastar.
— Ah ! t’v’là enfin, éructe l’homme. T’étais passé où est-ce, mec ? J’commençais à m’ poser des questions.
— J’arrive, Gros. Ça boume avec ta Libanaise ?
— Elle est r’partie, mais je m’ai l’vé la femme du dirlo de c’ boui-boui, une créature d’ rêve. Angliche d’originalité. Pas lulure de nichemars, mais salope d’ formule I. Ça passe l’ temps. J’Ia carambole deux fois par jour, plus deux fois par nuit quand t’est-ce qu’ son vieux est de quart. Hier, é l’a voulu m’emmener au Sphinx. J’ai cru qu’ c’était un boxif, bédame le nom ! J’ pensais que médème comptait s’ payer un p’tit estra, style la scène du viol par toute la troupe ; mais j’en fiche ! Tu veux qu’ j’ vais t’ dire, Grand ? Son Sphinx, à elle, c’tait juste un gros matou d’ pierre qui r’ssemb’ à Raymond Barre. Av’c un mahomed qui cognait d’sus comme un sourdingue. J’ai pas plutôt descendu de voiture qu’une monstre pépie m’empoignait l’ gosier. Comment qu’on a rabattu à l’hôtel, mon pote ! Ici, au moins, y a l’air à condition et du champ’ frappé sur mesure !
Il se tait.
Je mets à profit :
— Va falloir boulonner, Gros.
— En quoi ça consiste-t-il ?
— Dans deux ou trois plombes, je vais me pointer à l’hôtel. Je serai en compagnie d’une jolie blonde qui m’a été « commandée ». Je veux que tu surveilles la chambre située exactement au-dessus de la mienne.
— Biscotte ?
— Si on me demande d’amener la môme à l’hôtel pour la calcer c’est qu’elle manigance un truc. A mon avis, on tourne une superproduc en chibre color sur écran large. J’aimerais que tu files le train des techniciens ; ils ne peuvent se placarder qu’au-dessus de ma turne.
— Compte sur moi. Tu veux griffer des droits de reproduction ?
— De ce côté-là, ils me servent des à-valoir convenables, mais je pressens autre chose qu’une simple affaire de films-cul.
— A cause ?
— Parce que les partenaires me sont imposées et on me les envoie séduire à dache. S’ils voulaient seulement des séances érotiques, ils me feraient tourner avec n’importe quelle jolie fille, une belle pétasse ferait l’affaire ; d’autre part, les conditions de tournage seraient meilleures. Tout prendre en plongée, c’est vite fastidieux, tu perds du spectacle. Alors sors des miches de ton Anglaise et attaque, Alexandre-Benoît, j’ai décidé de donner l’assaut.
On se raconte encore deux trois trucs sans importance avant de raccrocher, et puis je vais rejoindre Selma, laquelle m’attend sagement sur une banquette poisseuse du bureau de poste.
Rappelle-toi que ça n’a pas été de la sucrette ! Pour larguer Vera, y a fallu que je ruse-de-sioux. Elle me quittait plus d’un cil, la jolie Chichilienne. Elle a remis la gomme au rayon passion éternelle, grand amour frénétique, à toi pour la vie !
J’ l’ai espliqué que j’ résidais au Caire, me fallait descendre. J’ai des rendez-vous avec le conservateur du musée, avec l’administrateur des pyramides, le gérant du Sphinx et d’autres personnalités very importantes. Mon livre est attendu par mon nez dites heure. L’événement de la rentrée. Le cadeau-roi pour les fêtes de fin d’année. Les merveilles d’Egypte : pharaons, Ramsès, Néfertiti, Titicaca (non, c’est au Pérou, excuse) Toutankhamon, Nasser, Sadate (vrraoum dans les badigoinsses !). Relié pleine peau de couilles, papier vélin supérieur, numéroté ! The cadeau, te dis-je. Mais qu’elle me laisse son adresse à Santiago, je lui écrirai, j’irai la voir, on se raimera. J’écrirai la vie d’Allende, ou bien de Pinochet, et pourquoi pas des deux ? La façon dont ils ont conquis et perdu le pouvoir tous les deux. Dis, c’est que le Chili c’est un sacré couloir, on peut pas marcher à deux de front, mais ça fait un bout de promenade. Du Pérou au cap Horn, faut pas chialer ses pas. En passant par Valparaiso, good-bye farewell …
Je l’ai étanchée de mon mieux, Ninette. Elle hoquetait. Voulait qu’au moins on se fasse les pyramides ensemble avant de se quitter. Impossible ! Boulot ! Pris. Happé, l’Antoine. Regrette. Je t’adore. A bientôt. For ever , ma Louloute !
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