Frédéric Dard - Poison d’avril ou la vie sexuelle de Lili Pute

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Poison d’avril ou la vie sexuelle de Lili Pute: краткое содержание, описание и аннотация

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Elle était chinoise et s'appelait Li Pût, ce qui dans l'argot pékinois signifie Poison d'Avril. Ses parents l'avaient ainsi baptisée parce qu'elle était née au mois de janvier et que donc, Dû Cû, le papa de Li Pût, avait fécondé sa mère en avril et par inadvertance, un soir qu'il s'était pété à l'alcool de riz à 90°. Le père de Li Pût, Dû Cû, était docker à Pékin. Comment ? Qu'est-ce que tu dis ? Ah ! Y a pas la mer à Pékin ? Bon, alors il était tresseur de nattes ; ça te va ?
Quand Li Pût naquit, c'était l'année de la Morue. Tout le monde te dira, depuis Saint-André-le-Gaz (38) jusqu'à Nankin, que naître sous le signe de la Morue, hein ? Tu m'as compris ! Et c'est ce qui se passa, dix-sept ans plus tard, montre en main !

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Il se tait un moment et ajoute :

— Quand je m’apprêterai à partir, je vous le dirai.

La communication s’interrompt. Les deux guitaristes se déchaînent sur leurs instruments. Une musique ardente et mélanco leur dégouline des doigts.

Je me suis penché à nouveau sur l’épaule de Marie-Marie. Elle sent bon.

— Je vais te donner les clés de la voiture, lui dis-je. Tu sortiras la première et tu dégageras la bagnole du parking de la place. Ensuite tu m’attendras au volant. Je t’expliquerai plus tard de quoi il retourne. Il se peut que je m’en aille à pied ; en ce cas, fais le tour, puisque le quartier est en sens unique, et va m’attendre devant la gare des bus.

C’est dans des cas de ce genre qu’on se rend exactement compte si une souris est faite ou non pour vous. N’importe quelle pécore, tu lui balances ces vannes, elle veut tout savoir et c’est le feu roulant des questions. Ma gisquette, chapeau ! Elle joue « la ferme » à guichet (et bouche) fermé (e). La voilà qui cramponne les clés de la tire en loucedé. Poliment, elle attend la fin du morcif. Quand la salle éclate en bravos, elle se casse.

Je gamberge à la situasse insolite. Je ne me suis pas retourné une seule fois. La troupe andalouse se paie un temps mort. La patronne en profite pour écluser un scotch bien tassé. Autour de moi, ça jactouille dans les langues européennes les plus usuelles : anglais, allemand, français, espagnol, italien.

Je ressens une vibration dans ma chaise. C’est Jacky Sullivan qui donne de petits coups de pied dedans pour m’avertir qu’il s’apprête à mettre les adjas. Alors je me lève et gagne la sortie sans me presser.

Pour se placarder, une fois dehors, c’est un vrai velours car la placette est saturée de bagnoles disposées à la diable autour des palmiers. Marie-Marie est déjà parée pour la décarrade expresse, en bordure de l’église. Y a encore un petit bar ouvert, face à elle, d’où sortent des jacasseries andaloches. Un gazier aveugle se tient adossé au mur, espérant en la pitié des noctambules déambulatoires. Je me trouve un affût pépère derrière une Rolls immatriculée en Arabie. Pas besoin de me baisser : je m’accoude simplement au coffre et guigne l’entrée du cabaret à travers la vitre arrière et le pare-brise.

Je n’attends pas longtemps. Trois personnes sortent de la boîte pour commencer : une femme et deux mecs. La femme est asiatique. Probablement, s’agit-il de la gonzesse dont m’a parlé Sullivan, car plus belle qu’elle, tes bourses explosent comme une bonbonne de Butane dans une cheminée. Jamais vu une créature pareille ! Elle te coupe le souffle ! Elle porte un ensemble blanc pantalon bouffant et blouse à larges manches, souliers blancs, collier de chien en diamants. Mais ça, je te le cite pour mémoire. La manière de se toquer n’a aucune importance quand on est aussi fabuleusement terriblement admirablement sauvagement totalement superbe ! Elle se vêtirait d’un sac de pommes de terre percé de trois trous, y aurait pas grand-chose de changé. Deux types l’accompagnent. Un grand blond, mince, genre pédale de luxe, tout de blanc vêtu lui aussi, et un homme grassouillet, un peu chinois sur les bords, loqué d’un costume léger à rayures grises et noires.

A peine ce trio est-il sorti qu’un quatrième mec apparaît à son tour. Un grand rouquinant, avec une chemise de ville bleue et un pantalon de ville beigeâtre, plus de grosses tartines triple semelle et des chaussettes basses mais qui parviennent à tirebouchonner : Sullivan ! Y a qu’un Rosbif pour traîner ses os ainsi fagoté dans Marbella.

Alors, donc, que je t’explique bien le topo : la Chinoise et ses compagnons se dirigent vers la Fonda , ils sont venus laguche sans voiture et descendent à pincebroque la petite rue bordée de maisons anciennes dont les balcons de fer forgé sont autant de chefs-d’œuvre, dirait un écrivain homologué.

Ils vont d’un bon pas en marchant sur la chaussée car la circulance est pratiquement nulle à cette heure avancée. Sullivan les suit à distance.

Je les laisse prendre du champ, à tous, après quoi j’adresse un geste à Marie-Marie pour lui indiquer qu’elle devra aller m’attendre dans le centre-ville, et je me mets à filocher mon joli monde. A vrai dire, je pige mal les angoisses du chef inspecteur. La Chinetoque et ses deux compagnons ne s’occupent pas plus de lui que je ne m’occupe, moi, de la prostate du président de la République. Ils dévalent la rue en pente, devisant et riant, sans se retourner.

Rien d’inquiétant là-dedans. Je file de fréquents coups de sabords derrière moi pour m’assurer que personne ne s’est joint au cortège que nous formons ; mais non. Çà et là, des groupes de jeunes Espanches devisent et chahutent sur le pas d’une porte. Des estaminets minuscules balancent des flots de musique ibérique. On voit des dames accoudées à des comptoirs, des gens qui bouffent de l’huileux avec les doigts ; des gosses qu’on a oublié de coucher jouent entre les jambes des adultes comme dans un boqueteau.

Le chef inspecteur va, de sa pesante démarche de flic. Quand je l’ai connu, à Scotland Yard, il était cravaté, guindé. Ici, sans veston ni cravtouze, il fait week-end dans son pavillon de banlieue. On s’étonne qu’il n’ait pas quelque tournevis à la main.

La Chinoise et ses deux aminches s’effacent pour laisser le passage à une moto qui remonte la rue en grondant. Ses pétarades ébranlent tout le quartier. C’est un gros bolide rouge, avec deux mecs dessus, en tee-shirt, mais casqués. Le fauve d’acier s’emporte rageusement vers les hauteurs.

C’est au tour de Sullivan de planquer sa couenne. Il s’appuie des jambes contre les arceaux de fer bordant la rue et qui empêchent les automobilistes de se garer sur les trottoirs.

L’engin poursuit son rush. Je m’écarte aussi. A cet instant, j’aperçois Sullivan qui s’affale sur la chaussée. Sa chemise bleue est ensanglantée. Un éclair ! Je pige ! Le passager de la moto enquille déjà son pétard par le col de son tee-shirt. Le pilote met de la sauce, le bolide me passe. J’agis sans le vouloir. Toujours, mézigue, dans les cas extrêmes. L’acte précède la pensée !

Je balance un coup de talon féroce, au jugé, priant Dieu de ne pas me filer la pattoune dans les rayons. Mais non, c’est le porte-bagages que j’atteins. La moto embarde sous l’impact. Son conducteur tente de redresser, mais comme mon chtard s’est produit au moment où il rajoutait du gaz, il ne peut contrôler à cent pour cent sa bécane, laquelle donne du cul contre un arceau de fer. La jambe droite du passager en prend un sérieux coup et vole en éclats, ou presque ! Fracture ouverte, t’as l’os qui troue le jean et qui te fait coucou. Le mec, un turbin pareil, il peut pas supporter et défaille. Pendant ce temps, son pote a redressé la situasse et bombe plein tube sans se soucier de lui. Le tueur de l’arrière, désarçonné, choit lourdement sur le paveton. Sa nuque porte contre la bordure du trottoir et il reste out .

Je ne m’occupe pas de lui. Vite à Sullivan ! Mon confrère britannouille est couché de tout son long dans la rue, sa frite exprime la plus folle des souffrances. Je m’agenouille. Il respire toujours et du sang bouillonnant met comme un hortensia rouge à ses lèvres. Et puis l’hortensia claque et un autre se reconstitue.

Des tas de mecs se rabattent sur les allongés en pérorant bien haut. De Chinoise et consorts, point ! Envolés, ils sont !

J’examine les blessures de Sullivan : il a morflé deux bastos dans la poitrine, mais pas dans la région du cœur. Je pressentimente que s’il n’en meurt pas, il s’en tirera, comme le ferait remarquer Alexandre-Benoît Bérurier, avec sa pertinence coutumière.

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