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Frédéric Dard: Viens avec ton cierge

Здесь есть возможность читать онлайн «Frédéric Dard: Viens avec ton cierge» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию). В некоторых случаях присутствует краткое содержание. Город: Paris, год выпуска: 1978, ISBN: 2-265-00855-9, издательство: Éditions Fleuve Noir, категория: Иронический детектив / Шпионский детектив / Полицейский детектив / на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале. Библиотека «Либ Кат» — LibCat.ru создана для любителей полистать хорошую книжку и предлагает широкий выбор жанров:

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Frédéric Dard Viens avec ton cierge

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Tu ne connais pas le San Bravo ? Cherche sur une carte d'Amérique centrale. Il n'est pas grand, mais il s'en passe des choses. A cause du régime, qui n'est pas de bananes, crois-moi ! Faut être fou pour aller là-bas. Ça tombe bien : je le suis. J'ai emmené, en guise d'équipe de choc, quatre gonzesses dont la mère Bérurier, y a pas de quoi pavoiser, hein ? Dans le patelin en question, la vie y est tellement précaire qu'au bout de quarante-huit heures t'as l'impression d'être clamsé. C'est pourquoi, l'ami, s'il te prend l'idée saugrenue de venir me rejoindre, viens avec ton cierge ! Si tu ne sais pas où le foutre, je t'expliquerai !

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San-Antonio

Viens avec ton cierge

A Mohamed Bouamoud, en témoignage de vive amitié.

S.-A.

Quand j’entends ce que j’entends et quand je vois ce que je vois, je suis content de penser ce que je pense.

Formule Vaudoise

CHAPITRE PREMIER

DANS LEQUEL

IL EST FORTEMENT QUESTION DE LA SANTÉ DE QUELQU’UN

Ils étaient quatre.

Des pas marrants. Des soucieux. Des qui coltinaient une partie de l’univers sur leurs épaules avant d’aller chercher le reste. Des mecs qui vivaient à part de tout parce que tout dépendait d’eux. On les devinait intemporels, à peine organiques. Ils avaient des yeux qui ne voyaient que l’avenir. Des gueules belles comme des coliques de plomb. Ils étaient fringués anonymes, et tous, dans les teintes anthracite. Les quatre portaient une chemise blanche et une cravate sans la moindre note vive. Je tairai leurs nationalités. A toi de les supposer. Et puis à quoi bon ? C’étaient des géants, du point de vue du rôle international qu’ils jouaient. Chose étrange, on ne se posait pas la question, en les regardant, de savoir s’ils étaient ou non intelligents. Ils se situaient hors critères. Peut-être n’avaient-ils jamais baisé ni mangé de foie gras arrosé de Château-d’Yquem, ni contemplé un coucher de soleil dans la montagne, ni respiré une fleur sans la cueillir. Il s’agissait de gens inexpugnables, venus au monde pour le faire.

Quand nous sommes entrés dans la salle des conférences, le Vieux et moi, après qu’un secrétaire blafard et un brin bossu nous eut annoncés, j’ai eu l’impression de comparaître devant une Haute Cour. Ces gens suaient l’indifférence mélancolique des tout-puissants. Ils n’étaient pas exactement graves, mais plutôt barbares, doucement barbares.

Je m’attendais à des poignées de main, il n’y en eut pas. Leurs mains, à ces quatre-là, servaient à tout autre chose qu’à accueillir. Elles se réservaient pour des gestes que nous ne pouvions connaître.

Le Vieux se montra obséquieux, papelard, comme le bon de Funès quand il joue les mielleux ronronneurs. Il me présenta après s’être présenté, mais les quatre fumiers s’abstinrent de me considérer, ne faisant pas plus de cas de moi que si j’étais un trou dans un morceau de gruyère.

Il n’y eut pas de silence, parce que le temps est une denrée trop précieuse dont la moindre seconde constitue une valeur chiffrable. L’un des quatre prit la parole en anglais, comme s’il allait de soi que nous pratiquions cette langue de merde.

Il s’adressa au Dabe, d’un ton précipité.

— L’on nous a assuré que votre homme était efficace, dit-il en me désignant d’un hochement de menton.

— Très efficace, renchérit le dirlo.

— Il s’agit d’une mission, non seulement périlleuse, mais qui nécessite beaucoup de psychologie.

— San-Antonio possède davantage de psychologie qu’un psychiatre, garantit mon Vénérable.

— Je l’espère, fit l’autre, et je ne sus si sa réflexion était ou non péjorative à l’endroit du corps médical, car il ne nuançait pas ses paroles. Elles tombaient, écrites, de ses lèvres.

— Il faudra surtout que votre homme fasse preuve d’un grand esprit d’initiative.

Le Vieux sourit et dit :

— Faites-lui confiance.

« Son homme » commençait à en avoir plein ses culottes de ces quatre pas beaux, de leur suffisance et de leur mépris.

J’ai jamais eu la vocation pour chiquer les bêtes de somme. Je me suis avancé vers le mochetar, la gueule grande ouverte et les lèvres retroussées comme la bête du Gévaudan quand elle apercevait un mouton en baguenaude. Je lui ai désigné ma mâchoire qui aurait conquis Samson. Il a regardé, sans piger, une lueur de surprise et, partant de là, d’intérêt, s’est allumée dans ses yeux fourbis à l’eau de Javel.

— Quoi donc ? il a murmuré.

— Je possède mes trente-deux dents, lui ai-je dit. A l’exception d’une prémolaire écornée par un noyau de banane, elles sont made in Maman . Les hommes, c’est comme les chevaux : quand la denture est bonne, l’animal est en état. Au lieu de poser cent six mille questions quant à mes capacités, expliquez plutôt ce que vous attendez de moi et c’est moi qui dirai si ce que vous voulez entre dans mes cordes ou non.

Le mec a froncé les sourcils, puis il a filé un coup de périscope à ses petits camarades. Les trois autres gardaient leurs sales gueules de raies, aussi hermétiques qu’un morlingue écossais. Quant au Vieux, il paraissait plus malheureux que le gars qui vient d’emboutir sa première voiture.

Mon terlocuteur s’est offert un léger temps mort qu’il a employé à tousser dans sa main en cornet. Il devait détester les dégourdis et tout ce qu’il pouvait admettre d’un subordonné de mon espèce, c’était qu’il lui réponde « Yes, sir » avec le menton pointé et les petits doigts sur la couture du grimpant. Mais il a fait taire sa réprobation et s’est dirigé vers un écran de verre posé sur une console. D’un geste rapide, il a pressé un bouton. L’écran s’est éclairé et dessus il y avait une carte de giographie (comme dit Béru).

— Vous connaissez ce pays ? m’a-t-il demandé.

Il me prenait pour qui, ce Nestor écouillé ? Pour un petit plouk passant son certificat d’études primaires ?

— Ça ressemble tellement à la République de San Bravo que ça doit être elle, j’ai répondu. Capitale Bravissimo.

Au lieu d’approbationner, l’examinateur a de nouveau pressé sur le bitougnard. A la place de la carte, s’est inscrite la photo d’un mec à gueule de forban, vêtu d’un uniforme blanc riche en décorations.

— Vous connaissez cet homme ?

— Si ça n’est pas Tiago Chiraco, le dictateur de San Bravo, c’est son frère jumeau.

Il a approuvé.

Tous les autres mataient le portrait de l’homme qui faisait trembler quatre millions de San Braviens. Une très vilaine frime en vérité. Du coup, les quatre gusmen m’ont paru beaux comme des anges sur des vitraux du XV e siècle. C’est marrant comme les hommes qui n’ont pas toujours l’âge de leurs artères possèdent immanquablement la gueule de leur saloperie.

Rappelle-toi un peu la bouille de Tiago Chiraco, mon frère. Surtout quand tu souffres d’un hoquet tenace.

Te souviens-tu de cette face anguleuse, de ce nez acéré comme la lame d’un poignard, de cette chevelure d’ébène, descendant bas, très bas, pour ne s’arrêter qu’à quatre centimètres des sourcils ; de ces lèvres minces, placées entre les parenthèses de deux rides cruelles ? Te souviens-tu, toi que voilà, connant sans cesse, de sa voix tonnante mais sèche dont il nous parvenait des bribes au gré des journaux télévisés ? Te rappelles-tu sa haute stature ? Ses grandes mains d’égorgeur qui virevoltaient autour de sa personne comme deux corbeaux autour d’une charogne ? Il avait la peau bistre, le visage glabre et un regard terriblement fixe que, de temps à autre, il affublait de lunettes à monture d’écaille, plus pour se donner une contenance, en les ôtant et les remettant, que pour corriger sa vue de faucon. C’était l’enfant terrible du Tiers monde. Un tyran extravagant, dont les renversements d’alliance déroutaient le monde diplomatique. On assurait qu’il allait parfois, de nuit, liquider de son propre revolver quelques détenus politiques dont on prétendait, le lendemain, qu’ils avaient tenté de s’évader. Il raffolait des femmes et en consommait beaucoup. Ses étreintes finissaient souvent mal car il était sadique, le bougre, et il lui arrivait de perdre tout contrôle lorsque ses bas instincts l’emparaient.

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