Il se leva, signifiant la fin de l’entretien.
Marie-Marie pressa avec ferveur la main qu’il lui présentait.
* * *
Elle parle du nez, la Violette de Parme. Le rhume du siècle ! Du cercle ! Polaire !
Elle murmure :
— Vous havez, monhieur le directeur, hen ai ma claque !
Elle s’explique :
— Deux nuits à filocher Natacha à travers le bois of Boulogne, à la regarder pomper des nœuds à travers des pare-brise.
Même que ce morninge, sur le coup de trois plombes, un monsieur a pénétré d’autor dans sa tire à elle pendant qu’elle jouait l’angèle gardienne, l’ayant prise pour une autre pute. Il avait le paf à l’air, sous son pardingue. Un chibre d’au moins trente centimètres dont elle arrivait même pas à faire le tour avec ses doigts. Afin de ne pas l’intriguer par une pruderie de mauvais aloi, elle l’a écrémé vite fait sur le gaz ! Le noctambule était ravi et lui a attriqué un bif de cinq cents pions.
— Tu vois, gouaillé-je, tu as une carrière de remplacement en perspective, ma loute. Je te parie qu’avec ta rotation de menteuse et ton coup de glotte, tu serais cap’ d’affurer une brique par nuit !
— Je vous remercie, dit-elle, pincée. Alors quoi, dois-je continuer ?
— Inutile. Si le « Baron » avait voulu scrafer Natacha, il l’aurait déjà fait. Peut-être ne s’intéresse-t-il pas aux médias, à moins qu’il n’ait éventé notre ruse ?
Mon biniou intérieur grésille tandis que son voyant vert appelle au secours. Je décroche.
— Le principal Pinaud demande à être reçu, monsieur le directeur, déclare le planton d’un ton rigolard.
— Qu’il entre !
— Je dois me retirer ? demande Violette avec la voix d’une qui souhaite m’entendre répondre par la négative.
Magnanime, je lui dis de rester.
Le Vétuste montre son nez en échine de chèvre. Puis le retire pour dire :
— Entrez donc, ma chère amie, n’ayez pas peur !
Surgit alors la mère Larmiche, beurrée comme une coquille d’escarguinche à la parisienne, au point qu’elle titube.
En y regardant d’un tout petit peu plus près, César Pinaud se trouve dans un état similaire. Ils décrivent des « 8 » pour gagner mon bureau et s’affalent dans les deux fauteuils me faisant face. La mère repousse le sien avec son gros cul immonde et choit comme une poire blette sur le parquet. Violette l’aide à se redresser d’abord, puis à s’asseoir. Mémère a toujours son infâme cigare planté dans la bouche tel un thermomètre de vétérinaire dans le fion d’une vache. La cendre dudit pleut sur son corsage.
J’attends, ferme sur mes positions, les explications du Richissime. Ce dernier me sourit assez niaisement pour un homme possédant un tel Q.I.
Il bafouille :
— J’espère que nous ne te nous dérangeons pas, An… toine ?
— Au contraire, réponds-je, c’est l’heure de mes attractions.
Il rit comme brait un âne.
— J’étais allé, pardon : j’étais été procéder à une fenouille, pardon : à une fouille chez… heug, madame. Pour faire la grève, pardon, la trêve des con… fiseurs, je l’ai emmenée déjejeuner chez Lasserre …
— La moindre des choses !
— Repas délicat…
— Vins capiteux, si j’en juge à la façon dont vous êtes maquillés de l’intérieur, comme dit le grand Patrick.
Il hoche la tête, ne disposant plus de suffisamment de clairvoyance pour ergoter.
— Mon idée, enchaîne-t-il avec effort, c’était que…
Puis, tout de go, il s’endort sur lui-même.
— Apporte une serviette mouillée ! enjoins-je à Violette.
Nous ranimons le Dinosaure en bassinant sa vieille face plissée soleil. Il rouvre ses vasistas et ses paupières grincent comme deux poulies rouillées.
— C’est à quel sujet ? demande-t-il.
Ce qu’ils tiennent, les deux ! Mémère en écrase à mort, tassée entre les bras de son fauteuil ; son cigare grésille au creux pubien de sa jupe.
— On devrait les laisser cuver, déclare Violette.
Ça me paraît judicieux comme suggestion. Tant mal que bien, on traîne le couple jusqu’à mon nid d’amour après avoir étalé des linges de bain sur le plumard pour le cas où il se produirait des incidents de parcours. Ils gisent en un attendrissement pêle-mêle, foudroyés par l’alcool. Un miracle qu’ils aient pu arriver jusqu’ici. Je comprends pourquoi la voix du préposé avait des accents ironiques pour m’annoncer pépère.
— Qu’ils reposent en paix ! soupiré-je en me retirant.
* * *
L’homme pénétra dans la chambre de « Friandise » avec une grâce de danseur. Il portait des gants de caoutchouc jaune. D’un regard, il comprit que la pièce venait d’être dûment fouillée, du moins dans sa partie gauche (par rapport à la porte). C’était un technicien trop averti de ces choses pour que les détails consécutifs à une perquisition ne lui sautent point aux yeux.
Il s’immobilisa, perplexe, vaguement déçu. Son désappointement venait de ce que la chambre n’avait pas été « complétement » fouillée. La conclusion s’imposait : celui qui venait de l’explorer avait trouvé ce qu’il cherchait, puisqu’il avait abandonné « le chantier ». Parce qu’il était scrupuleux, il se mit tout de même au travail dans la partie droite ; mais le cœur n’y était pas et, effectivement, il ne découvrit rien qui l’intéressât.
Puisqu’il se trouvait « en place », il étendit ses investigations aux autres pièces du modeste logement, toujours sans succès.
Alors il arracha ses gants couleur de soufre, les roula en boule avant de les glisser dans la poche de son imperméable de soie noire doublé de fourrure.
Il était glacé et furieux en songeant que ces deux petits enculés l’avaient joué.
* * *
Je passe par le Bois en rentrant à Saint-Cloud, opérant un détour pour essayer d’apercevoir la belle Natacha aux longues gambettes.
Elle est à son poste.
De loin, tu sais qu’elle fait illusion, la mère ? Ses longues bottes, sa toque de fourrure, sa jupe rudement fendue pour pouvoir laisser admirer sa culotte de dentelle quand elle arpente le ruban contribuent à lui donner de l’allure. Enfin, une « certaine » allure, faut pas pousser !
Je stoppe à sa hauteur et la voilà qui m’aborde la bouche en love , la voix Marlène :
— T’as envie de vivre une passion avec moi, Chouchou ?
— Je ne pense qu’à ça, réponds-je en me penchant vers elle.
Elle me reconnaît et se fait furax.
— Ah ! vous, bravo pour la protection rapprochée ! Elle est où votre policière de mes fesses, ce soir ? Si votre tueur m’embarque, je fais quoi ?
— Pas de panique, ma grande ! On ne peut pas conserver toujours le même dispositif, non ? Ce serait le meilleur moyen d’attirer l’attention. Te bile pas : la Rousse te protège.
Faut savoir mentir quand il s’agit de réconforter son prochain.
Pour lors, la voilà rassérénée.
— Ah ! bon. Ceci dit, j’ai rien remarqué d’anormal. Par contre, un qui fait un schprountz pas possible, c’est le gars Ali ! Je savais les melons vindicatifs, mais lui, il bat les records. Il a juré d’avoir la peau de l’assassin, et si ses efforts aboutissent, il l’aura.
— Qu’est-ce qu’il maquille ?
— Il a mobilisé toute une armée de troncs pour faire votre boulot.
Là, mes poils sous les bras se défrisent un tantisoit.
— Qu’appelles-tu « faire notre boulot », Fleur des Neiges ?
— Ils interrogent toutes les tapineuses du Bois, tous les travelos, tous les mateurs, les branleurs. Une vraie chasse à courre, parole !
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