Frédéric Dard - Mesdames, vous aimez « ça » !

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Mesdames, vous aimez « ça » !: краткое содержание, описание и аннотация

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La vérité ?
Rarement je suis passé aussi près de la grande faucheuse que dans ce book.
Un tout petit peu plus, c'était : « bon suaire, m'sieurs-dames » sur l'air des lampions.
Et tout ça, tu veux que je te dise ?
A cause d'une gentille opticienne qui n'avait pas mis de culotte pour faire sa vitrine.
Nous autres tringleurs, on est peu de chose, tu sais !
Pendant que j'y pense : n'en parle pas à maman, elle se ferait du mouron. Tu connais Félicie !…

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Ce qu’il y a d’hallucinant dans ce spectacle, c’est que seules les têtes sortent du sol.

— Peut-on dégager l’une des mains à chacun d’eux ? demandé-je à Shû.

Il traduit. Les coolies s’activent et exhument rapidement une paluche de la femme puis une de l’homme. Alors je saute dans la fosse pour la vérification ultime.

Après avoir nettoyé la pauvre main féminine à l’aide de mon mouchoir, je pose ses doigts à l’intérieur d’une boîte encreuse pour, après, les appliquer sur des feuilles de bristol. Je réédite l’opération sur son compagnon d’infortune. Les autres me regardent agir avec une inhumaine indifférence. Quand j’ai achevé ma triste besogne, Shû me tend la main pour m’aider à sortir du trou.

— Que fait-on des corps ? me demande-t-il.

— Pour l’instant on les laisse sur place, tranché-je.

Lui, il s’en fout.

Avant que je ne remonte dans son bolide, il me sort une brosse à habits de sa boîte à gloves pour m’inviter à nettoyer la terre qui macule mes vêtements ; je suppose qu’il entend ménager ses coussins.

— Vous savez pourquoi on les a assassinés ? je murmure au bout d’un moment.

— Aucune idée.

— Mais vous savez qui les a tués ?

— Ce n’est pas mon affaire.

— Comment avez-vous appris que leurs corps se trouvaient près de cette rizière ?

Il a une mimique impatientée.

— Ça, c’est mon affaire ! répond-il durement. J’ai rempli mon engagement, non ?

— Tout à fait.

— Donc, on va chercher l’autre moitié des dollars ?

— Evidemment.

Il branche la radio. Une musique nasillarde retentit, qui me râpe les nerfs.

* * *

Il est sur la terrasse de son apparte, Chilou, à faire dorer sa calvitie en savourant une vodka-fraise. Recette : tu mets une rasade de sirop de fraise dans un verre, t’ajoutes un peu de jus de citron, deux glaçons, et tu remplis de vodka jusqu’à ce que les glaçons dépassent du verre. Notre déesse est nue, à ses pieds, sur une natte.

Parfois, Achille lui dit :

— Encore !

Alors elle se lève, vient acalifourchonner son seigneur et maître à la hauteur de son visage pour qu’il lui fasse minette tandis qu’elle s’interprète simultanément un délicat vibrato. Quand elle est arrivée à bon port, elle désenfourche le « bain de soleil » de Chilou et le Tondu se cogne une lampée de vokda-fraise pour faire passer le goût de sa chatte. La vie bien comprise. Un jour, j’écrirai un book ainsi intitulé : « La Vie bien comprise ». Dedans y aura tout ce que j’ai retenu de l’existence : la saloperie des autres, leur perfidie, leur mesquinerie, avidité, jalousie, orgueil. Qu’ils sont juste bons à sodomiser, ou à te pomper le nœud parce qu’ils ne deviennent vraiment eux-mêmes que lorsque le désir les mène. Je raconterai bien tout avant de canner, de tirer révérence. Tout, telles que je les ai vues aux prises, ces saletés vivantes. Je dirai aussi leur inconscience, la manière qu’ils passent leur vie à ignorer qu’ils vont crever, et combien, cependant, c’est facile de claquer ! Combien chaque seconde qu’on passe sur cette terre tient du prodige, du miracle. Mais eux, les fanfarons à cocardes, ils roulent des mécaniques. « La Vie bien comprise » ! C’est noté ! Je le commettrai ce bouquin en forme de bras d’honneur.

D’autres, pas beaucoup, en ont écrits avant moi, mais y en aura jamais assez ! Et ils serviront jamais à rien, juste à s’épancher la bile ! A laisser peut-être aussi la trace d’un mécontentement d’homme parmi les pourceaux en folie.

Donc, Achille en grande félicité à l’orée de son vieil âge, déguste le plaisir par tous ses pores : soleil, sexe, alcool, vanité de mâle. Une forme de bonheur terrestre il ressent. Dans les béatitudes, il vagabonde, corps et esprit.

— Je ferai grande provision de ce produit aphrodisiaque avant de repartir, m’assure-t-il. Et quand mon stock sera épuisé, je reviendrai en chercher.

L’enquête est passée loin au-dessus de sa tête de nœud, Chilou. Il ne pense même pas à me demander des nouvelles de l’exhumation.

Il murmure :

— Peut-être devrais-je songer à m’installer en Thaïlande, carrément. Les filles y sont si fabuleuses. Je croyais la première irremplaçable et cette nouvelle la vaut dix fois ! Je sais bien que si nous l’emmenons avec nous, voire, si NOUS l’épousons, un jour prochain le bel oiseau s’envolera pour s’aller percher sur d’autres queues ! Oui, le plus sage est de demeurer. J’arrangerai mon séjour avec les autorités. Et puis je louerai une suite à l’année dans ce royal hôtel. On m’y fera des prix. Et quand on ne m’en ferait pas, au diable l’avarice, Antoine ! Qu’en dites-vous ?

Je me sers une vodka-Coca bourrée de glaçons gros comme la banquise qui a expédié le Titanic par le fond.

— Sur le plan de la sexualité, vous y trouverez certes votre compte, Achille, mais songez à l’aspect intellectuel ! Ce sera le désert !

— Intellectualisme mon cul, San-Antonio ! J’en ai ma claque de penser noble. Je veux retourner à l’état sauvage, redevenir rugueux, et puis mal équarri, arboricole s’il le faut, chasser la femelle de branche en branche ! Manger avec les doigts, boire ma vodka à la bouteille, péter fort quand le vent se lève en moi, déféquer dans les halliers, perdre ma langue au profit de l’onomatopée…

— Tout cela au Mandarin Oriental ? souris-je.

Il rit à son tour.

— Allons, boss. Vous êtes le dernier gentleman de Paris, vous n’allez pas devenir un Tarzan petzouille ! Du cul, il y en a sur toute la planète et aux Champs-Elysées davantage qu’ailleurs.

Là, il se marre. Me tend la main, me malaxe les salsifis avec tendresse.

Puis le sens des réalités lui revient :

— Et alors, l’expédition de ce matin ?

Ouf ! Ça tardait !

— On a déterré un couple qui fut torturé avant d’être abattu, car dans votre paradis thaï, on ne pratique pas que l’amour.

— Et ce sont bien les amants que nous recherchions ?

— Non.

Là, il se désallonge pour s’asseoir en biais sur son bain de soleil.

— Voyez-vous, boss, soupiré-je, j’ai une épouvante dans les tripes. Je crains fort que notre astuce (j’ai la charité de ne pas dire « votre » astuce) n’ait causé l’assassinat de deux personnes. Ces gens cupides, sachant que nous étions prêts à payer une forte prime contre la preuve de ces morts et n’ayant pas ceux que nous cherchions sous la main, n’ont pas hésité à en « fabriquer » deux autres.

— Vous en êtes certain ? balbutie le Bandeur bandant d’une voix blême.

— J’ai approché et touché les cadavres : il était clair que leur mort remontait tout juste à vingt-quatre heures. Mieux ! la preuve absolue : j’ai prélevé leurs empreintes, et celles-ci ne correspondent pas à celles de Mile Déprez, ni de M. Trembleur dont j’avais eu soin de me munir au Service des Cartes d’identité de la préfecture de la Seine.

— Vous avez démontré sa terrible entourloupe au bandit, au lieu de lui verser l’autre moitié de sa « prime » ?

— C’eût été la dernière chose à faire, car il y allait de notre salut. Au contraire, je lui ai remis ce qu’il attendait et nous nous sommes séparés « bons amis » (bonzes amis), du moins je l’espère.

Il est accablé pour de bon, le Dabe. Au point que sa vieille bite lui semble brusquement dérisoire !

— Que faire, Antoine ? Admettre notre impuissance ?

— Jamais, Achille !

— Bravo !

— Je vais tout reprendre de zéro, n’importe les conséquences.

— Vous avez raison !

De longues embarcations étroites, dont l’hélice minuscule se trouve à l’extrémité d’un arbre de transmission de plus de deux mètres, passent en pétaradant sur le fleuve, pilotées par des indigènes en loques. Certaines transportent des voyageurs et d’autres des marchandises à l’arrimage précaire. C’est coloré, pittoresque. Notre palace est une espèce d’île luxueuse dans un océan de misère. Le tohu-bohu de la circulation insensée monte à notre terrasse (les appartements, eux, sont insonorisés).

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