Frédéric Dard - La fête des paires

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La fête des paires: краткое содержание, описание и аннотация

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Quand j'ai sonné à la porte d'à côté, je ne savais pas que ce serait M. Blanc qui viendrait m'ouvrir. De même, j'ignorais qu'il était sénégalais et qu'il possédait toutes les qualités requises pour devenir mon ami d'enfance.
Et puis voilà…
Il m'a ouvert et on s'est mis à vivre des trucs comme tu peux pas savoir si tu ne lis pas ce vachement beau livre.
Ça été la fiesta de la castagne, espère !
Et celle des paires, donc !
Inutile de me bricoler la prostate, ma poule : je ne dirai pas de quelles paires il s'agit.
Mais tu vois : faut rencontrer les gens pour comprendre qu'ils vous manquaient.

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J’insiste pas. Me résigne à bloc. Juste que je récite un brin de prière dans un coin d’âme pour implorer le Seigneur que mon calvaire s’achève. S’Il consentait seulement à allumer un début d’incendie quelque part, manière qu’on s’évacue dare-dare. J’ai hâte de m’asseoir, de commander une assiette anglaise, de poser mon soulier droit biscotte la jeune connasse fourbue m’a ankylosé les arpions.

En plus faut se déménager les miches rapidos pour permettre les mouvements de caméras, vu que la télé romande retransmet urbi et orbi « l’événement » ! Alors t’as les assistants coiffés d’énormes écouteurs qui, soudain pris de frénésie, te chargent comme des C.R.S. chiliens un soir de manif à Santiago. Au sommet de leurs praticables télescopiques à roulettes, les cadreurs ressemblent à des automates sur leur socle à musique. On reflue, puis on flue. Les hommes, c’est kif-kif les poissons. Tu lances une pierre dans un banc de goujons, ça se disperse. Et immédiatement ça se regroupe. Les poissecailles reviennent voir de quoi il s’agite. Ils veulent savoir. Le nombre d’hommes et de poissons morts de curiosité n’est pas envisageable.

Et bon, on nous présente « Frankie goes to Hollywood », ce qui me redonne espoir vu qu’ils sont écrits en plus gros sur le programme. Or, les vedettes terminent généralement le spectacle. Mais va-t’en savoir avec les nouvelles mœurs.

La fille aux dents écartées est de nouveau à mon côté malgré le malaxage de foule. Une tenace. Sa dextre s’empare de ma braguette. Oh ! bon, après tout, si ça l’amuse, hein ? Qu’elle préfère mon paf à Frankie goes to Hollywood, c’est plutôt flatteur, tu ne trouves pas ?

Elle me dépèce Popaul en deux temps trois mouvements, la gueuse. Une paluche de fée, je conviens. Chaude, vibrante, qui te communique un programme surchoix. Ce qui me défrise, si je puis dire, ce sont ses cheveux en brosse, probablement fixés au goudron, car ils sont raides comme mon zob.

Elle me frime d’une œillée qu’en peut plus de gourmandise exacerbée. Une passionnelle. Un peu détraquée, ça c’est certain, camée peut-être ? Mais je ne suis pas en service commandé. Sa bouche rouge-steack s’entrouvre. Elle me montre une menteuse dans les tons praline qu’elle fait aller et venir entre le collier de nacre de ses ratiches carnassières. Je lui souris complicement. Alors elle se laisse couler dans la formidable pieuvre de la populace, pose ses genoux sur mes pieds, se cramponne à mes mollets qu’elle étreint farouchement. Me biche l’instrument avec le clape et commence par un petit air d’harmonica vertical.

Fameux ! J’en suis tellement émoustillé que le révérend zobinche fait des soubresauts. Force lui est de contenir la bête d’une main ferme. L’alezan ne se calme pas pour autant et continue ses ruades comme un qu’est pas encore débourré. Cette fois, elle m’entonne comme une clarinette.

Sur la scène, ça démène en plein. Dans la salle on avoisine le panard. Lola, à mon coté, pousse des glapissements qui vont me la faire haïr, car j’assimile mal le ridicule et le grotesque me file la gerbe.

Je me penche à nouveau sur elle.

— Tu sais quoi, Lola ?

— Non ? répond-elle sans savoir si c’est à moi qu’elle parle ou bien au comte de Monte-Cristo.

— Y a une fille qui est en train de me tailler une pipe.

Elle réagit pas, se prenant pour l’heure « Frankie goes to Hollywood » par tous les orifices et lui consacrant entièrement son potentiel sensoriel et cérébral.

— Tu as entendu, Lola ?

— Hmmm ?

— Une gonzesse que je ne connais pas me suce au milieu de deux mille personnes.

— Formidable ! qu’elle exulte, ma greluse.

Ah ! merde ! Y a pas de remords а entretenir quand on trimbale une névropathe de ce module ! Un chimpanzé pourrait la sodomiser qu’elle n’en saurait jamais rien, pâmée comme la voilà.

Je lui prends l’épaule, non par tendresse, mais pour lutter contre l’ankylose. Je prévois le fléchissement consécutif au débondage. Je sais pas si t’es comme moi, mais quand je me laisse déburner debout, ça me flanque comme un coup de baston sur les jarrets.

L’ogresse coiffée à la sécotine me pompe à mort. Moi, je te dis que c’est l’ambiance qui la survolte. « Frankie goes to Hollywood », comme effet sur sa sensualité, ça vaut tous les aphrodisiaques de l’Inde mystérieuse. Te me dévergonde le goume en moins de jouge. Un pied de collégien, parole ! Express ! La crampe spontanée ! Je lui laisserais même pas le temps de gonfler une roue de vélo. Dix aller-retour et c’est le terminus ; l’arrivée en fanfare.

Juste comme je virgule mon bonheur, la salle trépigne, hurle, que « Bravo, bravo, braaavooo ! ». La première fois de ma vie bien remplie (et bien vidée aussi) que je jouis sous les vivats. Une éjaculation saluée par deux mille pèlerins frénétiques, ça te dope !

L’ogresse se relève, m’adresse un grand sourire luisant et se fond dans la masse. Je rengaine Coquette dans sa niche. Brève rencontre ! J’appelle ça « les péripéties de l’existence ».

Comme je l’avais espéré, ce numéro est le dernier. La foule, vannée mais heureuse, commence à se retirer en bon ordre, sans bousculade. Chacun rumine déjà la féerie qu’il vient d’emmagasiner.

Dans un restau près du Casino on se cogne l’assiette anglaise de mes rêves : cuisse de poulet blême unijambiste, tranche extra-mince de veau pâlichon, tranche de rosbif nerveuse-mais-bien, tranche de jambon-buvard, cornichons, oignons. Le tout arrosé d’une boutanche de Dôle des Chevaliers.

Lola, ma belle Lola, ne tarit pas d’éloges sur le programme. Franchement, ça valait le voyage. Elle a raffolé le groupe « Propaganda », bien qu’il soit germanique, et puis « Belouis Some », et aussi…

Classe, bon Dieu ! Elle va pas me briser les nouilles avec sa Golden Rose après qu’on se la soit respirée pendant des plombes ! Ce qu’ils sont pognants, les gens à marotte ! Une vraie colique néphrétique ! Faut leur subir toutes les lubies. Entrer dans leur jeu au pas cadencé. Bien faire mine de s’intéresser à leurs délirades, que sinon ils font la gueule, pensant que tu ne les aimes plus !

Je l’écoute célébrer cette équipe de vociféreurs électrifiés. Je dis « Oh ! là, tu penses », « Et comment ! », « Tout à fait d’accord avec toi ! », pour lui baliser le bonheur, asphalter la voie royale de son panard géant.

Les individus, dans le fond, mouillent pour pas grand-chose. C’est vite lubrifié, un slip.

Je torche mon godet jusqu’à l’ultime goutte, en mémoire de papa qui disait chaque fois : « Ça été une graine de raisin et des gens se sont abîmé les reins à la cueillir. »

Et puis on se lève et on gagne à pincebroque notre hôtel. Y a encore plein de jeunots en vadrouillance dans Montreux. Curieuse ville aux relents de Côte d’Azur d’avant-guerre. Tu t’attendrais davantage à des orchestres de palace qu’à des concerts rock. Ça devait y aller de l’archet, jadis, à l’époque frometon, derrière les façades baroques. Fascination plein gaz. Les Millions d’Arlequin. Sirop et resirop.

Une fois dans notre carrée avec vue sur le lac, Lola retrouve ses instincts de femelle. Elle pense à la pointe et à toutes les jolies petites combinazione que je place autour pour faire plus joyce. J’ai droit à ses beaux bras autour de mon cou, à sa menteuse fouineuse qui me recompte les chailles et me contrôle les plombages.

Ensuite, c’est le décarpillage lent et audacieux, toujours enlacés. Pas commode de se déloquer mutuellement quand on a les groins soudés et le bas-ventre qui réclame la lonche en sourd-muet.

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