Frédéric Dard - Tout le plaisir est pour moi

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Tout le plaisir est pour moi: краткое содержание, описание и аннотация

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J'ai rencontré à travers le vaste monde et le long de ma vie bien des femmes exigeantes.
Des qui me demandaient de remplacer leur mari au pied levé ; des qui réclamaient ceci et d'autres qui sollicitaient cela et toujours je me suis évertué à les satisfaire.
Mais la frangine, ce coup-là, attend vraiment l'impossible de votre San-A.chéri…
Un impossible réellement… impossible…
Mais moi, vous me connaissez ; rien ne peut m'arrêter !
Alors, poliment, je me penche sur le décolleté de la poupée et je susurre :
« Mais voyons, chère amie, tout le plaisir est pour moi ! »

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— Tu peux dire que ton falzar a eu une belle mort, dis-je en hochant la tête. C’est bien celui que tu avais acheté d’occasion en 1928 au Carreau du Temple ?

— Je veux pas le savoir ! tonne le Gros. Faudra me carrer ça sur une note de frais, commissaire de mes choses ! C’est pas assez de laisser sa viande dans ce métier, faut aussi sacrifier ses fringues ! Qu’est-ce qu’elle va dire, ma Berthe, en me voyant rappliquer comme ça ! Hein ? Sans compter que je me suis fait un mal de chien et que je vais avoir le valseur consterné d’esquimaux demain. Suppose que je me fasse un levage, tu me vois déballer ma viande avariée ?

— T’auras qu’à fermer les rideaux et ôter l’ampoule électrique avant de te dessaper, mec. Et puis dis-toi bien que ce que tu as de plus décourageant, c’est pas ton dix de der, mais ta figure. La nana assez hardie pour tenter l’épreuve se moque de ton armoire à deux portes, même si elle est becquetée des mites, espère !

Tout en échangeant ces menus propos, nous avons atteint la porte de la maisonnette. Vous le savez, depuis le temps qu’on se connaît et que je vous en parle, j’ai toujours in my pocket mon sésame, délicat instrument qu’un ancien truand m’a offert un jour que j’avais eu des indulgences pour lui. Ce chef-d’œuvre de la serrurerie moderne permet de délourder les serrures les plus récalcitrantes. Il m’est même arrivé de convaincre un coffre-fort avec cet appareil, et il n’était pas en fromage mou, je vous le jure sur la tête de loup de votre femme de ménage ! Aussi le verrou dit de sécurité de la maison constitue-t-il un amuse-gueule en l’occurrence.

— T’as quand même des drôles de manières, fait le Gros en pénétrant dans l’auberge à ma suite. T’es là, t’entres chez les gens comme dans un moulin transformé en bistrot ! Enfin quoi, c’est pas à Messonier, cette crèche, mais à un artiss renommé. Si jamais il apprend qu’on l’a violée, il portera le pet, ne serait-ce que pour se faire de la publicité ! Et alors !

— Ta bouche, B.B. (abréviation de Benoît Bérurier).

La maison est très « artiss » en effet, comme son proprio. Il y a une espèce d’atelier avec un pan de mur entièrement vitré donnant sur la vallée ; et puis une chambre et une cuisine.

— Tu cherches quoi z’au juste ? s’informe Béru, loquace depuis qu’il a une prise d’air au derche.

— Je renifle !

— Et tu comptes renifler quoi ? Ça fait dix-huit mois que Messonier habite plus cette cabane et que des flopées de dégourdis y ont fait des javas monstres ! T’espères des indices ?

— La seule chose que j’espère intensément, Gros, c’est que tu te colles de la cire à cacheter sur la menteuse !

— Bon, bon !

J’ajoute, farceur et plein d’esprit comme à l’accoutumée :

— Glaçons, caramels !

Le mahousse s’abat dans un fauteuil. Il se relève presque aussitôt car il vient d’apercevoir une bouteille de quelque chose sur un meuble et, d’instinct il est pour. Bérurier subit la fascination de l’élément liquide. P’t’être qu’il a été poisson autrefois ?

Avec lui on ne peut pas dire. Son mariage avec une baleine, c’était déjà du cygne !

Manque de pot, c’est du vernis à parquet. Il enrage :

— Tu te rends compte ! Les gens de cinéma, ça doit écluser pourtant, faut pas me faire croire que Vermi-Fugelune va acheter du pinard à la tirée au charbon du coin !

Je ne lui réponds pas. Je renifle en effet. J’aime m’imprégner de l’atmosphère. Donc Messonier a eu la jouissance de cette maison. Le jour des meurtres il y est bel et bien venu. Du moins sa voiture s’est trouvée ici, pour tenir compagnie à celle de Geneviève Coras. Car le cabriolet rouge était le sien… Elle m’a bel et bien menti en me disant qu’elle avait menti. Vous suivez le topo ? Conclusion, si elle était en compagnie de Messonier, il n’a pu tuer les Coras. Pourquoi cette grenouille n’a-t-elle pas voulu que je vinsse ici ? Voilà la clé of the problème. Voilà le point à élucider.

Le Gros a cherché la lourde de la cave et l’a trouvée. Il disparaît. Moi je fais le tour de l’atelier, celui de la chambre et de la cuisine (le plus rapide car elle mesure quatre mètres carrés).

Rien ! C’est apparemment une petite maison sans histoire. Je sors dans le jardin (in english the garden). La nuit est étoilée, les pelouses mal tondues, et les massifs un peu exubérants. Un jardin de rentier en voyage !

Pourquoi ai-je cette stupide idée dans le mou ? Pourquoi me figuré-je que c’est pour éviter de venir dans ce coin paisible que Geneviève m’a fait son cinéma ?

— T’admires la voie lactée ou bien tu cherches un spoutnik ? demande le Gros.

Il est d’excellente humeur car il vient de dégauchir une bouteille de champ’à la cave. Il la promène comme le Saint Sacrement en retardant le moment de la déboucher.

— Tu vas me goûter ce nectar, San-A. ! Du Dom Pérignon, j’en ai bu une fois quand on a été invité à la partie de chasse de Jean Névudotre, tu te rappelles, le fabricant de jarretelles que je lui avais démasqué son voleur de faisans !

— Reporte cette bouteille où tu l’as prise, obèse malodorant.

— Quoi !

— Écoute, Béru, je veux que nous nous introduisions nuictamment et par effraction dans la demeure d’un honnête acteur, mais de là à lui licher son Brut, il y a un pas que je ne peux me résoudre à franchir.

Joignant le geste à l’éloquence, je cramponne la bouteille. Il est ulcéré, le pauvre lapin.

— T’aurais bien fait à la Gestapo, toi, assure-t-il, pour les tortures morales, tu ne crains personne. Bon ! eh ben, puisque tu joues les objectifs de conscience, va la reporter toi-même moi je m’en sens pas le courage.

J’hésite à lui abandonner la bouteille, mais je me dis qu’il n’y a aucune raison pour que nous buvions le champagne de Vermi-Fugelune. À ce compte-là, grâce à mon sésame et fort de ma qualité de matuche, je n’aurais qu’à effractionner les villas inoccupées lorsque j’ai soif.

Je descends donc à la cave pour remettre la boutanche en place. Bien m’en prend, car la réserve de liquide du propriétaire est modeste. Les acteurs préfèrent s’acheter du voyant plutôt que d’approvisionner leur cave. Il y a une caisse de Dom Pérignon et une autre de Juliénas.

Si nous avions éclusé ce flacon, son absence se serait fait sentir et Vermi-Fugelune, à moins d’être un farfelu, aurait constaté son décès, ce qui n’aurait pas laissé que de le surprendre (ainsi s’exprimait-on boulevard Saint-Germain avant l’invasion des rats de caves).

Vous ne voyez pas qu’il dépose plainte et qu’une enquête menée par la gendarmerie découvre que…

Je grelotte de trouille à cette pensée. Le chemin de la gloire et de l’honneur est celui que j’ai toujours adopté. Ça m’a valu du reste bien des emmouscaillements !

Ayant déposé parmi ses sœurs la bouteille kidnappée, je m’apprête à regrimper à l’air libre lorsque mon attention vigilante est attirée par quelque chose d’assez surprenant.

Il s’agit d’une série d’écaillures blanchâtres dans le mur gris de la cavouze. Pour qui a de l’œil (et même pour qui ne l’a pas) ces marques sont significatives : il s’agit de traces de balles. Les murs de Paris meurtris par les batailles de la Libération nous ont habitués à ces sortes de trucs.

Je compte les stigmates. Il y en a six, soit un chargeur complet.

Assez bien groupées à mon avis, il est vrai que dans ce local exigu, un tueur à gages manchot ne manquerait pas un fils de famille ! Certaines marques sont moins prononcées que les autres, ce qui m’amène à penser qu’avant d’écailler la pierre gaufrée de salpêtre elles ont peut-être bien traversé la bidoche d’un mec.

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