— J’aime vous entendre parler de la sorte, patron ! lui dis-je. Vous êtes redevenu le tonnerre !
— Eh bien le tonnerre va faire pleuvoir du champagne, assure le Tondu qui ne méprise pas les pires boutades lorsque c’est lui qui les sort. On va siffler une bouteille de Dom Pérignon, mon p’tit. En tête-à-tête. Comme deux hommes !
Il dépucelle un flacon vert sombre dont la forme aristocratique laisse bien augurer du contenu. La bouteille éjacule doucement. Le dirlo emplit deux coupes à gestes onctueux. Il m’en tend une et élève l’autre au niveau de sa calvitie.
— Je bois… je bois au sexe, mon garçon ! déclare le Vénérable d’un ton pénétré.
Nos verres se rapprochent et se choquent.
— Au sexe ! répété-je docilement.
Je regarde s’affoler les bulles d’or dans ma coupe, comme on regarde le magique et mouvant imbroglio d’un kaléidoscope. J’y vois des plaines blondes, reculant vers l’infini. Des moissons de phallus s’y lèvent, hardies, superbes. À perte de vue, à perte de vulve ! Féeriques ! L’humanité en érection sort du sol par sa tige la plus vulnérable peut-être, mais aussi la plus ardente. Et après l’horizon, d’autres horizons se pressent, toujours ensemencés de pénis turgescents. La forêt verge, mes amis. La prolifération magnifique de l’humanité. J’ai un vertige. Je ferme les yeux. Le temps n’est-il pas encore venu de me déplanter ? De vous quitter enfin meurtri, brisé de vous tous. Écrasé de vous tous qui, à force d’à force, êtes devenus mon destin ?
Ah, triquerie universelle !
Ah, fornication par laquelle l’homme tente de rejoindre Dieu ou l’animal !
Ah, foutaise… Gloire en forme de sève qu’on espère intarissable.
Mât de cocagne chancelant auquel grimpe votre infernal orgueil pour atteindre quoi ?
Le septième ciel ou le Paradis ?
Les hommes ont de Qui tenir !
FIN
Ça y est : ça commence !
Quel dommage que vous ne compreniez pas l’anglais !
Quel dommage que vous ne parliez pas le belge !
Quel dommage que vous ne parliez pas le suisse !
C’est ce genre de pauvretés stupides qui me fera perdre des voix sous la Coupole. Tant pis pour la Coupole. Quelle s’exsangue donc, la pauvre chérie, puisque tel est son destin. Qu’elle se glace, se biscorne, se bicorne, se recroqueville, s’empétrifie. Tout le monde s’en fout, à part trois paumés qu’en rêvent encore. Un ami me faisait remarquer, dernièrement : en mai 1968 c’est la seule institution qu’a pas été contestée. Personne s’en est soucié. Pour les protestataires d’alors, elle existait déjà plus. Son souvenir même s’était englouti. On pouvait plus rien lui blasphémer, ni passé, ni présent, ni avenir. Même Ionesco ç’aura servi à rien. Qu’ils laissent échapper San-Antonio et ils auront signé leur arrêt de néant.
Z.O.B. : zoological operation for beatitude (appellation choisie par les chefs de police pour qualifier l’étrange brigade qui vient d’être instituée).
Vultueux se dit du visage, mais ne trouvez-vous pas, chères dames (et même demoiselles), que certains pénis ressemblent précisément à des figures humaines, sans doute en vertu du fait que beaucoup de visages ressemblent à des têtes de nœud.
« Je sociologue en appartement », dans la bouche de Béru, signifie qu’il soliloque en aparté. Vous aviez deviné, j’espère ?
Exclamation poussée par moi !
Exclamation poussée par la dame de compagnie.
Exclamation poussée par la marquise.
Exclamation poussée par Béru !
Nota : la lecture de ce passage est facultative. On peut la sauter à pieds joints, sans pour autant perdre le fil de l’histoire.
Croyez surtout pas que je me répète, tout à l’heure y avait pas de point d’exclamation après « bavardons ».
Tiens, c’est poilant, vous ne trouvez pas, le prénom et le nom de la môme ?… Phonétiquement, ça donne modus vivendi. J’avais pas encore remarqué.
(En anglais Grand).
Ce n’est pas mon genre.
Certaines gens croient saisir toutes mes astuces. Les pôvres ! Si un seul parmi vous trouve celle-ci, bien que j’attire votre attention dessus, qu’il m’écrive, je lui enverrai un porte-clé représentant Béru.
C’est pas avec ça que je passerai à la postérité, d’accord, mais c’est le genre de truc qui fait marrer un tas de gens que je ne connais pas.
Je sais, je sais, mais je m’en fous ! S.A.
Si vous voulez, à partir de là, on va laisser tomber le Klamar. Les noms composés sont quéquefois rigolards, mais c’est vite tartant de les écrire en entier.
Il est tout de même bon de rappeler le nom entier, de-ci et même de-là.
Outre-Rhin, le rideau gut-frau est à peu près l’équivalant de notre rideau bonne-femme.
Je parsème de « Nein » et de « Mein Gott » pour vous faire comprendre que je parle aussi couramment l’allemand que le sanscrit (comme ça se prononce).
J’écris grottesque avec deux « t » parce que le bruit émis par M. Krippe évoque ceux qu’on entend dans une grotte, comprenez-vous ?
J’espère que vous avez un petit Larousse deutsch-französish chez vous, sinon ce serait pas la peine que je me casse le dargif à vous coller des « Krippe », des « Blut » et toutim !
Je suis le seul auteur, à votre connaissance, qui se permette de mettre des parenthèses à l’intérieur des parenthèses.
Le verbe « ragrafer » n’existait pas. Buvons un coup pour saluer sa naissance !
Avant, je disais « Colgate », mais ils m’ont rien envoyé. De toute façon je me brosse les ratiches avec un dentifrice inconnu du public, alors qu’est-ce que j’en ficherais de leurs tubes échantillons !
Y a des néologismes que je flanque entre guillemets car vous êtes tellement truffes, vous croiriez à des fautes d’impression.
Ici j’aurais pu écrire collogues, pour faire la réplique à mon néologisme précédent, mais il aurait prêté à confusion, ce mot existant déjà !
De toute beauté, la métaphore. Franchement, je suis content de moi, j’ai bien fait de prendre mes granulés hier soir.
San-A.
Signifie « homoncule » chez le chien. Traduit du San-Antonien par le professeur René Cossu de l’Université de Bouffémont.
Honteux, je sais.
Béru a voulu probablement dire « sketch ».
Soit dit entre nous et le cousin germain du carré de l’hypoténuse, j’affectionne l’expression : « À cet instant précis ». Pour moi, c’est presque un signe typographique. Une sorte de majuscule spéciale qui annonce des choses.
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