GAVALDA Anna - Billie
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- Название:Billie
- Автор:
- Издательство:le dilettante
- Жанр:
- Год:2013
- ISBN:9782842637910
- Рейтинг книги:3 / 5. Голосов: 1
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Ça lui fait des amis.
Des genres d’amis…
Des garçons qui sont plus chaleureux avec elle que les deux qu’elle nourrit tous les soirs et qui ne lèvent jamais le nez de leurs bouquins…
Qui lui font oublier la tronche de Franck Muller qui s’était remis en mode caisson tellement il n’aimait pas ce qu’il étudiait pour obéir à un père qu’il aimait encore moins.
Qui la distrayaient d’être toujours la moins intelligente à table…
Et puis ça la fait se rhabiller plus court.
Beaucoup plus court.
Et plus voyant.
Bref,
Ça nous la remettait en pute…
Un après-midi que je sortais voir mes nouveaux amis, j’ai croisé Franck dans les escaliers.
Merde, j’avais dû mal comprendre son nouvel emploi du temps…
J’avais une jupe au ras de la moule, des bottes chourées de deux pointures différentes (la faute aux antivols) et mon faux sac Vuitton que j’ai hissé direct comme une sorte de bouclier entre nous deux.
Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. Il n’a rien dit de méchant pourtant… Au contraire.
– Et alors, la petite Bill ! Il fait froid dehors, tu sais ? Tu ne devrais pas sortir comme ça, tu vas attraper la mort !
Je lui ai répondu un truc idiot pour me dépatouiller de sa gentillesse qui tombait si mal, mais quelques heures plus tard, alors que j’étais enfermée avec un vigile en pause dans un local à poubelles à me faire limer debout contre des rouleaux d’essuie-tout, la douceur de sa voix a résonné avec le reste et j’ai mangé ma misère.
Le mec, il était gentil, on s’amusait, le problème n’était pas là, c’était juste que je ne pouvais pas repartir dans l’autre sens.
Je ne pouvais pas. Je savais trop bien où ça menait… Surtout vers la fin.
C’est dans ces cas-là qu’une maman ça doit être bien… Une maman méchante qui te fait les gros yeux ou une gentille qui t’aide à ramasser les rouleaux d’essuie-tout et les balais avant de te pousser vers la sortie.
C’était ce que j’étais en train de penser sur le chemin du retour. Qu’il fallait que je sois ma propre mère. Au moins pour une journée dans toute ma vie. Que je fasse pour moi ce que j’aurais fait si j’avais été ma fille. Même chiante. Même pleureuse. Même si Michael m’avait lâchée entre-temps.
Allez, je pouvais bien essayer quand même…
J’avais fait des trucs tellement plus durs…
Je marchais tête baissée, je scritchais les trottoirs avec mes talons pointus, je me faisais la mère et la fille à tour de rôle en m’énervant toute seule.
J’étais soûlée. J’étais mauvaise. J’étais grossière en interne.
J’avais pas l’habitude de l’autorité. Et putain, qu’est-ce qu’elle venait me faire la morale maintenant, celle-ci ? Après tout ce qu’elle m’avait imposé comme souffrances ? Tous ces chatons en miettes que j’avais dû enterrer en secret, tous ces cadeaux des fêtes des mères que j’avais été obligée de rater tellement ça m’aurait détruite d’offrir quelque chose de joli à ma belle-mère, toutes ces maîtresses qui avaient cru pendant des années que j’avais deux mains gauches et qui m’avaient regardée comme une demeurée. Toutes ces connes qui avaient confondu ma tendresse et ma pauvreté…
Tous ces chagrins… Tous ces petits chagrins à la queue leu leu.
Merde, c’était trop facile de venir m’expliquer la vie aujourd’hui…
Dégage, souillon.
Dégage.
Ça, tu sais faire.
Je fronçais les sourcils et je me jetais des regards de vipère dans les vitrines.
Je me disais non, non, non et si, si, si.
Non.
Si.
Non.
Si je ruais ainsi dans mes brancards, ce n’était pas pour faire mon ado rebelle, c’était parce que ce que je me demandais là, c’était trop dur pour moi. Beaucoup beaucoup trop dur… Je voulais bien tout le reste, mais pas ça.
Pas ça.
J’avais prouvé que j’étais capable de prendre le risque d’aller en taule pour Franck, mais ce que ma Dame Pluche exigeait encore de moi aujourd’hui, c’était pire que la prison comme danger.
C’était pire que tout.
Parce que je n’avais et je n’aurais jamais que ça au monde entre le quart monde et moi.
C’était mon seul rempart. Ma seule sécurité. Je ne voulais pas y toucher. Jamais. Je voulais le conserver intact jusqu’à ma mort pour être sûre et certaine de ne jamais repiquer aux humiliations des cheveux qui grattent et des plis de peau qui commencent à sentir le hamster mort.
Toi, l’étoile, tu ne peux pas comprendre. Tu dois penser que j’invente des phrases à grandes emmanchures pour faire genre comme dans un livre.
Que je me la joue Camille. Toute seule et dépecée face au monde entier.
Personne ne peut comprendre. Personne. Y a que moi qui peux. La Billie de son cimetière à petits chats…
Donc je t’emmerde.
Je vous emmerde tous.
C’est niet.
Jamais je ne toucherai à mon assurance vie.
Je suis rentrée, j’ai encore évité le regard de Franck qui révisait dans notre chambre et je me suis changée.
J’étais en train de regarder une émission débile quand ce crétin d’Aymeric de La Porte du Garage à Saint-Pierre est rentré de son école de commerce avec sa raquette de tennis dans le dos.
Genre pour faire trop cordial, il a lancé comme ça :
– Et alors ? Qu’est-ce qu’on mange de bon, ce soir ?
– Rien, j’ai dit en continuant de me revernir les ongles avec une couleur un peu plus classe que la précédente, ce soir, j’invite mon ami Franck au restaurant.
– Aaaah ouiiii ? il a fait en continuant de galocher le calot brûlant qu’il avait toujours sous la glotte, et que lui vaut cet honneur ?
– On a un truc à fêter.
– Aaaah bon ? Et peut-on savoir quoââ si ce n’est pas trop indiscret ?
– La perspective de ne plus jamais voir ta sale gueule d’hypocrite, petit trou du cul.
– Oooh ! Mais quelle chaaance !
(Ben oui, parce que je m’étais dégonflée. J’avais dit : « C’est une surprise » à la place.)
Merde… le ciel devient de plus en plus clair… Il faut vraiment que je me dépêche au lieu de te faire ricaner bêtement avec l’autre crétin.
Allez, boucle ta ceinture, ma titine with diamonds in the sky parce que je vais mettre le turbo, là…
J’ai plus le temps de fignoler alors je te fais la fin de la saison 3 en a- ziiiiiit -vance ra -ziiiiiiit -pide.
J’ai donc invité Franck dans une pizzeria tenue par des Chinois et, tandis qu’il crevait la croûte de sa calzone, j’ai pris nos vies en main pour la deuxième fois de nos vies.
Je lui ai raconté la promesse secrète que je m’étais faite quand on était encore tout minots sur la passerelle du pont des Arts.
Comment j’avais pas osé la lui dire à voix haute, mais qu’elle existait toujours dans ma tête et que le moment était venu pour moi de la tenir…
Je lui ai dit qu’on allait se casser d’ici. Que c’était trop moche, que son cousin était trop con et qu’on n’avait pas fait tout ce chemin pour revoir de la laideur et se fader un nouveau genre d’abruti. Mieux habillé, je ne dis pas, mais aussi débile que les mecs des Prévert.
Je lui ai dit qu’il devait nous trouver un endroit où vivre, mais à l’intérieur de Paris. Même un truc tout petit. Qu’on y arriverait. Que notre chambre ici était petite aussi et qu’on s’était déjà prouvé qu’on se respectait. Que moi, j’avais toujours vécu dans des caravanes et que ça me faisait pas peur de rapprocher encore les murs. Que ça, c’était dans mes cordes. Qu’en matière de logement, j’étais à toute épreuve.
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