Les fûts noirs des arbres qui grimpent et se perdent dans le ciel ressemblent aux colonnes d’un temple ancien. Il monte du sous-bois une odeur de mousse, d’humidité mêlée de pourriture. Aucun bruit. Tout est immobile, comme l’étang aux eaux rouges sur lequel flotte des ossements, que nous longeons et laissons derrière nous.
Le bruit d’une averse trouble le silence. Les effluves de la forêt minérale sont plus présents. Pesants. Enivrants.
Je fais le dos rond.
Un flamboiement illumine le ciel, suivi d’un lointain grondement.
– On continue ?
– On continue, Omb’r.
Nous reprenons la course et je songe que j’aime être là.

Je vois des silhouettes sombres alentour, des démons qui s’écartent et s’effacent devant nous.
– Comment va Ralk’ ? je demande, saisissant une pensée au passage.
– C’est le meilleur des serviteurs, Jasp’r. Et je te remercie pour tes mots. En échange, voici ma réponse. Tu l’ouvriras plus tard.
– Et la troisième lettre, petite sœur ? je demande en prenant le papier qu’elle me tend et en le glissant dans ma ceinture. Ralk’ te l’a donnée ?
– Notre père était furieux, mais ton chamane a été renvoyé chez lui. En échange de la promesse, signée de son sang, d’abandonner pour toujours la chasse aux démons.
– Otchi a accepté ?
– C’est moi qui le lui ai demandé. Regarde, Jasp’r ! Mon endroit préféré !
Devant nous c’est l’océan infini.
À nos pieds se bousculent les galets d’une vaste plage.
La mer est noire, les pierres ont la couleur des coquelicots écrasés.
Là-haut, des oiseaux dansent dans le ciel laiteux.
– « Nous sommes les titans échoués sur des rivages glacés, aux galets froids, le choc des vagues et puis l’effroi, les vastes flots bruissant de rage… », je déclame à l’oreille de ma sœur ravie.
– Allons nous baigner, Jasp’r.
Elle laisse choir sur les galets le manteau qui la préserve des embruns crachés par l’océan furieux. J’abandonne mon pantalon de cuir et ma chemise de soie rouge. Les boutons en cornaline et la boucle de mon ceinturon touchent le sol avec un bruit sourd. Je retire mes bottes aux semelles de fer. Je suis nu. Omb’r aussi. Elle me lance un cri de défi et se jette dans l’eau aux reflets d’acier gris.
La brise trop chaude qui s’est levée cingle mon dos. Je fais jouer mes muscles, craquer mes cervicales. Je pousse un cri qui se perd dans le ciel chargé d’éclairs. Puis je prends mon élan et plonge à mon tour dans l’océan, qui entre en ébullition.

Je hurle : « Tu es la terre qui se tord, la sirène déchaînée qui appelle les pâles désirs au festin de la mort ! »
La côte s’éloigne. Des ailerons acérés comme les lames d’une faux fendent la mer qui ressemble à une flaque de mercure. Les monstres vont droit sur Omb’r. Au dernier moment, ils l’évitent et s’enfuient. Je ris et je rejoins ma sœur. Nous nous lançons à leur poursuite, dans une nage puissante.
Ce sont des requins noirs plus grands que des voiliers. Nous nous amusons un moment à caresser leur peau, froide et dure comme un blindage, atrocement rugueuse. Leurs yeux, ronds et blancs, s’affolent. Ils ont peur. Peur de nous.
Nous rions à nouveau.
Puis nous nous confions au courant, nous nous laissons porter par la mer, sur le dos.

– Je n’ai jamais été aussi bien de ma vie entière, Omb’r. Est-ce là ce que je dois faire ? Rester avec toi ?
– « Tu es le voyageur sur le port… », me chuchote-t-elle.
Je n’ai aucune idée de ce que signifient ces mots mais ils me bercent. J’aime.
– Tu reviendras, continue-t-elle, et pour cela tu dois partir. À la vie à la mort, petit frère.
– Pour le pire et le meilleur. N’oublie pas : je t’aime, grande sœur.
Post-it
Bout de papier retrouvé sous le fauteuil où je jette mes vêtements avant de me coucher. Comment est-il arrivé là ? Depuis combien de temps traîne-t-il dans la poussière ? Mystère. D’autant qu’il s’agit de l’écriture d’Ombe…

Remerciements
Je veux remercier ici mes principaux Associés :
Pierre, pour ta présence à mes côtés, invisible mais tellement réconfortante, chaque fois que j’ouvrais le dossier « Botteromme » sur mon ordinateur ;
Claudine, Hedwige, Caroline et Thierry, pour votre confiance et votre soutien de tous les instants, votre disponibilité et votre complicité sans faille.
Et puis tous ceux qui ont accompagné ce projet avec un indéfectible enthousiasme, parmi eux Laure, Églantine, Florence, Babette, Céline, Joy, Frédérique, Sélénia.
Sans oublier les lecteurs et les membres du forum, dont les encouragements m’ont plus d’une fois poussé en avant.
À vous tous, merci.
Elen sila lumenna yomenielmo !
Une étoile brille sur l’instant de notre rencontre !
ERIK L’HOMME
Erik L’Homme est né il y a une quarantaine d’années dans les montagnes du Dauphiné. Une enfance drômoise, au contact de la nature et des livres, lui a donné le goût des escapades en tout genre. Parti sur les traces des héros de ses lectures, bourlingueurs et poètes, ses pas l’ont entraîné aux portes de l’Asie centrale, sur la piste de l’homme sauvage, et jusqu’aux Philippines, à la recherche d’un trésor fabuleux. De retour en France, il a entrepris la rédaction d’une thèse de doctorat d’Histoire et civilisation. Il a ensuite travaillé comme journaliste dans le domaine de l’environnement.
Le succès de ses romans pour la jeunesse lui a permis de vivre de sa plume et de partager son temps entre l’écriture, les voyages et les longues marches. C’est en 2008, un soir de décembre, que Pierre Bottero et lui ont imaginé une série fantastique dont ils signeraient alternativement les livres.
A comme Association était né.
Êtes-vous prêt à rejoindre l’Association ?
www.acommeassociation-leslivres.com
ERIK L’HOMME
8. LE REGARD BRÛLANT DES ÉTOILES

PRÉNOM : Jasper
ÂGE : 15 ans
DESCRIPTION : grand, maigre, peau blafarde et yeux charbon
PROFESSION : Agent stagiaire à l’Association et lycéen (à ses heures perdues)
SIGNES PARTICULIERS : pratique la magie et joue de la cornemuse dans un groupe de rock médiéval
AIME : les mauvais jeux de mots, Donjons et Dragons, l’Agent stagiaire Ombe
MISSION : découvrir qui il est vraiment et finir en beauté

Déjà parus
1. LA PÂLE LUMIÈRE DES TÉNÈBRES
ERIK L’HOMME
2. LES LIMITES OBSCURES DE LA MAGIE
PIERRE BOTTERO
3. L’ÉTOFFE FRAGILE DU MONDE
ERIK L’HOMME
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