Gilles Legardinier - Ça peut pas rater !

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Ça peut pas rater !: краткое содержание, описание и аннотация

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— J'en ai ras le bol des mecs. Vous me gonflez ! J'en ai plus qu'assez de vos sales coups ! C'est votre tour de souffrir !
Ma voix résonne dans tout le quartier. Et là, trempée, titubante, épuisée, je prends une décision sur laquelle je jure de ne jamais revenir : je ne vais plus rien leur passer. On remet les compteurs à zéro. On renverse la vapeur. Je vais faire payer ce fumier. Chaque joueur doit vous donner mille baffes. Je vais me venger de tout. Puisque aucun bonheur ne descendra d'un ciel illusoire, je suis prête à aller chercher le peu qui me revient jusqu'au fond des enfers.
La gentille Marie est morte, noyée de chagrin. À présent, c'est la méchante Marie qui est aux commandes. À partir de maintenant, je renvoie les ascenseurs et je rends la monnaie de toutes les pièces. Les chiens de ma chienne sont nés et il y en aura pour tout le monde. La vengeance est un plat qui se mange froid et je suis surgelée. La rage m'étouffe, la haine me consume.
En quelques livres seulement, Gilles Legardinier s’est imposé comme un auteur majeur, à part, capable de nous faire éclater de rire avec des sujets graves ou de faire surgir l’extraordinaire d’un quotidien que son imagination débordante fait pétiller. Son succès phénoménal s’explique sans doute par son aptitude à parler intimement à chacun. Alliant l’humour et le sentiment comme personne, il nous livre cette fois le portrait d’une femme qui, parce qu’elle ne croit plus en rien, va tout découvrir. Un cocktail aussi vivifiant qu’explosif !

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Émilie tient des propos incohérents en ayant parfois des gestes brusques et désordonnés, telle une possédée. Parfois, elle regarde droit devant elle comme si elle avait vu un ovni et, l’instant d’après, sa tête retombe comme si elle faisait une micro-sieste. Je n’ai jamais vu personne réagir ainsi, à part une fois, une fille dans un film d’horreur. C’était l’histoire d’une bande de jeunes à grosses poitrines et à beaux abdos qui campaient dans la forêt et la fille en question, en minishort et débardeur trop petit, avait creusé un trou pour préparer un feu. Pas de bol, en deux coups de pelle, elle avait mis au jour une tombe avec la mort qui attendait au fond depuis au moins trois siècles. Comme si on pouvait enterrer la mort… Après, la fille en short n’avait fait que des trucs bizarres qui agitaient son débardeur. Émilie fait exactement pareil, elle a même émis un long bruit qui ressemblait à un râle de bison. J’ai peur. D’un autre côté, si sa tête se met à tourner et qu’elle vomit partout, je m’en fiche, c’est sa voiture. Je pourrai toujours me protéger avec le parapluie qu’elle garde dans sa portière. Tout à l’heure, elle va jouer du piano comme Chopin alors qu’elle n’a jamais approché un clavier. Elle va finir avec Valérie, aspergée d’eau bénite, enfermée dans une pièce dont la porte aura été soudée et sur laquelle un infirmier pragmatique aura accroché un panneau : « Danger — Sorcières — Ne pas ouvrir sauf pour les brûler ».

Émilie dit qu’elle ne veut pas mourir. Émilie dit qu’elle plaidera le crime passionnel et que ce n’est pas sa faute si elle est tombée amoureuse d’un crapaud libidineux. Elle promet qu’avec son plan d’épargne logement, elle peut lui racheter une tête qui sera de toute façon moins moche que celle d’avant. C’est horrible mais quand elle a dit ça, j’ai étouffé un fou rire.

On est arrivées devant l’adresse de son professeur d’art dramatique. Je ne sais pas comment m’y prendre. Est-ce que je laisse Émilie dans la voiture — sans aucune garantie qu’elle se tiendra tranquille — ou est-ce que je la traîne avec moi sur le lieu du crime, quitte à devoir gérer la crise d’hystérie devant le cadavre ? Choix cornélien : ou elle reste dans le véhicule et elle risque de manger les sièges ou de mordre un passant si elle s’enfuit par la vitre que je vais laisser entrouverte pour ne pas qu’elle étouffe ; ou elle monte avec moi et j’ai droit à la grande scène de Hamlet qui saisit le crâne du mort et déclame : « Prendre perpète ou ne pas prendre perpète, telle est la question. »

Ne me voyant pas l’attacher comme une pauvre bête abandonnée, je prends le risque de l’emmener avec moi.

Elle a beaucoup de mal à se souvenir de l’étage et, avec ses lunettes de soleil, elle manque de s’étaler trois fois en montant l’escalier. Elle me désigne soudain la porte d’une main aussi tremblante que sa voix, comme si c’était l’entrée des enfers. J’essaye de la rassurer :

— Regarde, c’est bon signe, il n’y a pas de scellés. Soit la police n’a pas trouvé le corps, soit les flics sont encore à l’intérieur…

— Non, ne sonne pas tout de suite, je ne suis pas encore prête…

Elle fait deux tours sur elle-même en tirant sur son manteau. Je ne sais pas pourquoi elle fait ça mais on ne va pas y jouer toute la matinée. Je sonne.

Pas de réaction. J’insiste en frappant. Je suis bien consciente que si c’est la police qui ouvre, ma visite aura simplement servi à livrer ma seule véritable amie à ses geôliers.

J’entends des pas. On ouvre. Mon Dieu ! Elle l’a bien tué et c’est son spectre qui se tient devant moi. Un petit bonhomme d’une soixantaine d’années, aussi haut que large, avec un épais bandage autour de la tête. J’ignore pourquoi mais, à sa vue, un souvenir d’enfance me revient brutalement. Je n’y avais pas pensé depuis au moins une décennie ! Caro et moi étions à une fête foraine, dans un train fantôme, et tout à coup un monstre a surgi devant notre wagonnet. Il avait une hache plantée dans sa tête couverte de bandelettes et tendait les bras pour nous attraper. J’ai eu tellement peur que par réflexe je lui ai donné un grand coup de poing, et son cri est devenu très aigu. Si ça se trouve, le pauvre homme, dégoûté, a ensuite quitté sa famille, ses squelettes, ses wagonnets et ses grosses araignées en plastique pour refaire sa vie, et le hasard le replace sur ma route aujourd’hui.

Le prof de théâtre a vraiment une allure bizarre. Il sourit. En général, lorsqu’un spécimen de notre espèce sourit, cela facilite le contact et l’envie de communiquer. Mais dans ce cas précis, l’effet est différent. Comment vous dire ? Deux choses m’effraient : la tronche de ce type et l’idée qu’Émilie ait pu seulement envisager d’avoir un quelconque rapport physique avec lui. Faut-il qu’elle soit vraiment perdue… À leur mariage, j’aurais forcément été son témoin. Je crois que j’aurais exigé d’être floutée sur toutes les photos pour ne pas avoir à assumer.

Good morning, ladies…

Quel accent pathétique… Quelle attitude ! En comparaison, Hugues avait presque de l’allure. Émilie est prostrée à l’angle du palier. J’essaie de garder une contenance.

— Bonjour monsieur. On passait dans le quartier et on voulait vérifier que vous alliez bien…

Il m’évalue de la tête aux pieds, comme un paysan devant une vache à la foire aux bestiaux, puis s’adresse directement à Émilie avec un sourire de psychopathe :

— Tu as du caractère ! J’aime ça. Petite coquine, tu es revenue avec une amie aussi ravissante que toi. On va bien s’amuser… Entrez, j’ai du champagne au frais.

Émilie enfouit sa tête dans ses mains et commence à gémir comme un kangourou dont l’accouchement se passe mal. J’essaie de conserver le contrôle de la situation.

— Non merci, monsieur, ne sortez rien. Vous semblez en pleine forme, on va vous laisser.

— Mais vous n’y pensez pas !

Il m’agrippe la main. Un frisson de dégoût dévale ma colonne vertébrale.

— Vous avez la peau douce…

J’ai envie de lui dire qu’il devrait se méfier, j’ai déjà tapé un clodo. Mais je dois contrôler mes pulsions de violence. Si Émilie l’embrasse, il se transformera peut-être en prince charmant ? J’essaie de me dégager, mais il resserre son emprise. J’aperçois derrière lui quelques-unes des « œuvres » dont Émilie m’a parlé. C’est vraiment de l’art dramatique, mais au premier sens du terme. Qui peut trouver cela joli sans avoir subi un lavage de cerveau ? On ne doit pas être le bon public… En attendant, il faut que je réussisse à me libérer.

— S’il vous plaît, monsieur, soyez raisonnable.

— La vie est courte, profitons-en. Entrez dans mon modeste royaume, je vais vous faire découvrir l’arc-en-ciel aux mille couleurs…

Émilie a eu raison, la seule façon de se dépêtrer d’un type pareil, c’est de viser la tête. Mais je n’ai rien pour le frapper et il m’attire à l’intérieur. Mes semelles couinent sur son parquet comme des pneus qui redoutent le précipice dans un virage de haute montagne. En désespoir de cause, je lui donne une bonne tape sur son bandage. L’effet est immédiat. Il me lâche et se met à hurler de douleur. Un peu comme le type du train fantôme. Que dois-je faire, prise entre lui qui braille et Émilie qui couine ?

— Désolée monsieur… Heureuse de vous voir sur pied. Et si vous me permettez un conseil, ne tentez jamais de séduire une femme sans avoir pris une douche !

J’attrape Émilie par le bras pour l’entraîner hors de l’immeuble. Je pense qu’elle va arrêter le club de théâtre et que je vais être obligée de m’occuper moi-même de ses rencontres…

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