C'étaient les cinq enfants du charpentier qui jouaient, assis en rond, têtes nues, sur un tas de sable: Jean, Yvonnette, Germain, Gustave et Pascal. Elle les connaissait bien; l'aîné même, un gamin de douze ans, était son filleul. Et comme elle aimait les enfants, Thérèse, une minute, observa ceux-là. Ils ne la voyaient pas.
– Je propose de jouer à Adam et Ève, dit l'aîné, en levant sa figure espiègle et rousselée. Moi, je ferai Adam. Toi, Yvonnette, tu seras Ève. L'ange pour les chasser du Paradis, c'est Gustave.
– Non, non, dit Germain, je suis plus fort! C'est moi!
Mais la petite secouait ses boucles blondes.
– Tu ne veux pas, Yvonnette?
– Non.
– Pourquoi donc, mademoiselle?
– Oui, pourquoi, pourquoi?
Tous les frères étaient de l'avis du chef. Mais Yvonnette continuait à secouer la tête. Elle était près de pleurer. Jean devina qu'elle devait avoir une raison grave pour ne pas faire Ève.
– Autre chose, alors, dit-il.
Et, sans plus d'explication, saisissant un rameau encore orné de deux ou trois feuilles, il le posa au-dessus de la tête de Pascal, qui riait déjà d'être regardé par ses frères, et l'y maintint une seconde.
– Deux sous? demanda-t-il.
Et ils se mirent à rire tous ensemble, de si bon cœur que leur gaieté gagna Thérèse; ils riaient, les mains trempées dans le sable qu'ils jetaient en l'air pour mieux marquer l'exubérance de leur joie. Et le rameau passa sur la tête de Gustave, puis sur celle d'Yvonnette, et ce furent de nouvelles demandes d'argent, et des fusées de notes claires qui n'avaient de sens que pour ces petits.
– Que peut-il bien leur vendre? se dit Thérèse.
Elle avança de deux ou trois pas dans le pauvre terrain, tout resserré entre ses palissades noires.
– Que vends-tu là? demanda-t-elle.
Cinq paires d'yeux flambants, effarés, se retournèrent vers elle, et aussitôt se baissèrent ensemble vers le tas de sable qui crépitait sous le soleil. Les cinq petits Malestroit se poussaient le coude, pour s'engager à répondre. Ce fut Jean, naturellement, qui prit la parole, et, encore confus, glissant les yeux jusqu'au bas de la robe de Thérèse, très drôle, dit à demi-voix:
– Je vends de l'ombre!
Puis, il se leva, et, tandis que les quatre autres, décontenancés, privés de leur chef, s'enfuyaient jusqu'à la palissade, il s'approcha de Thérèse, tenant encore son rameau, et penchant sa petite tête ronde, aux cheveux ras, que le soleil dorait par places.
– Tu veux bien me faire une commission, mon filleul? dit Thérèse en se baissant pour l'embrasser.
– Oui, mademoiselle, dit Jean qui tendit un peu le front.
– Tu vas venir à la maison, tout à l'heure.
– Oui, mademoiselle.
– Tu prendras deux grands paniers de roses qu'on te donnera, un dans chaque main. Tu ne les renverseras pas?
– Non, mademoiselle.
– Et tu les apporteras à l'église, dans la chapelle de la sainte Vierge, où tu sers la messe.
– Oui, mademoiselle.
Elle passa la main sur la joue de l'enfant.
– Au revoir, mon Jean!
Lui, la voyant s'en aller, se redressa tout à fait. Et quand Thérèse fut sur le point de disparaître, tout rassuré, l'œil vivant, bien ouvert, se disant qu'après tout cette jeune fille était une amie, il cria, de sa voix claire:
– Bonsoir, mademoiselle!
Thérèse se retourna, et vit qu'il était debout, la main levée, fier de lui, et que, dans le fond, là-bas, quatre petits sarraux bleus faisaient la révérence.
Dix minutes plus tard, la jeune fille ouvrait la porte du logis des Pépinières, et s'élançait vers sa mère qui la guettait, inquiète déjà, au coin de la maison, et Robert qui la suivait, la main droite à demi gantée, retrouvant sa belle humeur pour que madame Maldonne ne pût se douter de rien, refoulant en lui-même ce qui lui restait d'inquiétude et d'ennui, disait:
– Une promenade charmante, Geneviève, charmante!
– Je viens de voir le petit Malestroit, reprit Thérèse en enlevant l'épingle de son chapeau, il avait peur de moi: un amour.
Le déjeuner fut gai, comme de coutume. M. Maldonne était satisfait d'un envoi de corneilles à pattes rouges, qu'il venait de recevoir de Belle-Isle-en-Mer; sa femme s'épanouissait au récit que Thérèse faisait de l'excursion du matin, et Thérèse, en effet, mise en verve, racontait les plus petits incidents de la route, taquinait son oncle qui, pour un vieil Africain, disait-elle, ne s'était pas bravement comporté sous le soleil de juillet, et n'omettait qu'un seul détail: la conversation de cinq minutes, dans le bois, quand elle regardait l'horizon, et que lui cueillait des reines des prés. Robert le remarqua.
Quand il se leva de table, M. Maldonne, par habitude, donna un coup de brosse à son panama, fit le tour du jardin, inspecta ses tombes à melons, entra dans le réduit où, sur des planches torréfiées par la chaleur, des graines séchaient, mêlées à des papillons morts, et perdit, en récréations utiles du même genre, le commencement de l'après-midi. Vers deux heures, il annonça l'intention de retourner au musée.
– Si vous le permettez, dit Thérèse, je vous accompagnerai. J'ai promis d'aller faire des guirlandes pour l'adoration, qui a lieu demain. Vous me laisserez à l'église.
Le père et la fille partirent donc ensemble. Au pas nerveux de Maldonne, la distance fut vite franchie. Thérèse monta les marches du perron de l'église.
– A bientôt, ma chérie! Ne te fatigue pas trop!
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