— Il faut que je la retrouve. Où est-elle ? » Je lève un bras et agrippe Seton. Les baguettes ReGen virevoltent devant moi tandis qu’on m’amène vers la salle de téléportation. Je ne me souviens pas d’être arrivé au terminal de téléportation du Secteur Deux. L’odeur nauséabonde du nox , le sable, la chaleur. La douleur. Tout devient trouble. Douloureusement flou. Je me souviens d’avoir déboulé sous la tente. Du sable gorgé de sang. Le pupitre de commandes …
Il arque les sourcils. « Tu t’es marié ?
— Avec une Terrienne. Elle est à moi. Elle est où ? »
Seton poursuit, voyant mon anxiété. « Tout ce que je sais c’est que tes parents sont rentrés sur Xalia il y a neuf jours. Personne d’autre n’est revenu de l’Avant-poste Deux jusqu’à ce que tu fasses ton apparition il y a quelques minutes de ça, à moitié mort. T’as été téléporté sur l’Avant-poste Neuf.
Je rejette la tête en arrière et ferme les yeux. Dieu soit loué. Je me trouve sur le Continent Nord, sur le territoire du Haut Conseiller Tark.
Seton est présent bien entendu. Je l’ai envoyé chez Tark il y a deux mois pour étudier les itinéraires empruntés par les Drovers avec les caravanes de l’Ouest, Tark et moi y oeuvrons conjointement.
« Putain, je me demande bien comment tu t’en es sorti avec de telles blessures. » Seton me regarde de la tête aux pieds et observe le docteur qui essaie de m’examiner. J’arrête de bouger mais j’y vois rien avec tous ces gens qui m’entourent. Je ne sais pas exactement où je me trouve. Je présume qu’ils m’ont amené au dispensaire.
« Faites venir le chef de la garde, dis-je en aboyant mon ordre. Immédiatement ! »
Le chef de la garde, un commandant, se fraye un chemin parmi les gardes et me salue. Son uniforme et son insigne indiquent qu’il est haut gradé. « Commandant Loris. Ravi de vous savoir en vie, Conseiller. » Il est vraiment heureux de me voir, un peu moins en constatant l’étendue de mes blessures. « Tout indique que vous avez été torturé.
—Mmm, » je murmure, en repensant à ce que les Drovers m’ont fait. C’est rien comparé à ce que je ressens à l’instant présent. Un manque total de contrôle. De la frustration. La douleur régresse grâce à l’intervention des docteurs, mais n’apaise en rien mon envie de remuer la planète toute entière pour rechercher Natalie. « Ils n’ont pas attaqué comme à l’accoutumée.
— Parce qu’ils vous ont laissé la vie sauve ? demande le Commandant Loris.
— Exact. Ce n’est pas dans leurs habitudes. Pourquoi ne pas m’avoir tué comme les autres ? »
Seton se racle la gorge. « On a eu des cas similaires dans le Nord, Conseiller, ils ont capturé des officiers haut placés et des chefs de tribus et ont demandé des rançons.
— J’ai fait l’objet d’une demande de rançon ?
— Non. Il est clair qu’ils ne savaient pas à qui ils avaient à faire lorsqu’ils vous ont capturé. »
Je rejette la tête en arrière et ferme les yeux. « Ils n’auraient jamais relâché un Conseiller.
— Exact. Seton me serre doucement l’épaule. Tu es un ennemi bien trop dangereux. »
Si jamais ils ont touché à Natalie, s’ils lui ont fait du mal, ils n’ont même pas idée de la dangerosité de l’ennemi qu’ils auront à affronter.
« Seton, où est ma femme ?
— J’ai envoyé un groupe de gardes à l’Avant-poste Deux à ta sortie du sas de téléportation. Il détourne le regard un instant. Ça fait une heure, ils font état d’un carnage total. Ils n’ont pas trouvé de survivants pour le moment.
— Ma femme était là-bas. »
Il perd de sa superbe, et écarquille les yeux. Sa mâchoire se contracte. « A quoi ressemble-t-elle ?
— Elle est belle. » Je ferme les yeux et me la remémore, comme durant ma captivité. « Blonde aux yeux clairs, comme les tiens, mais bleus. » Des yeux d’un bleu superbe, un sourire adorable, des courbes voluptueuses, des seins lourds ornés de piercings, une chatte toute rose.
« Je la retrouverai. » Seton me tape sur l’épaule tandis que le docteur avance, j’ouvre grand les yeux pour le regarder, juger de la véracité de ses dires. Il est sincère, je hoche la tête. C’est un homme bien. Un vrai ami.
« Désolé de vous interrompre mais on doit vous mettre dans le caisson de RéGénération. Vous faites une hémorragie interne monsieur. »
Putain.
« Vous ne serez d’aucune utilité à votre femme ou à votre peuple si vous mourrez, » insiste le docteur.
Maudits soient les médecins pour clamer l’évidence et en être convaincus.
« Je suis désolé, Conseiller. » Le commandant s’éclaircit la gorge, il porte la main à son oreille, comme s’il écoutait attentivement un message. Il commence à parler, bafouille, comme si les mots restaient bloqués dans sa gorge. « Je … ils ont trouvé une femme morte dans le terminal de téléportation. » Il s’éclaircit à nouveau la gorge mais n’en dit pas plus.
« Comment savoir si c’est bien elle ? »
Le Commandant Loris s’éloigne dans et marmonne quelque chose que je ne peux pas entendre. Je fais signe au docteur qui s’approche de dégager, il comprend immédiatement, vu l’intensité de mon regard que je n’ai pas l’intention d’aller dans le caisson de régénération pour le moment.
Le commandant revient vers nous, son expression est encore plus sombre qu’auparavant. « Conseiller. » Il déglutit péniblement, le mouvement de sa gorge au ralenti et le fait qu’il refuse de me regarder en face m’alarme au plus haut point. « Ils ont trouvé une robe ivoire maculée de sang. »
Mon cœur s’arrête et s’emballe. Natalie. Natalie portait cette robe quand on a quitté Mirana, elle était belle, comblée, en pleine santé, elle rayonnait de bonheur. Non. Mon dieu non.
« Comment est-elle morte ? » Ma voix se brise, mes yeux étincellent de colère. Je vais tous les tuer. Tous les putains de Drovers du Continent Sud. Le commandant me regarde d’un air de pitié, ce qui a le don de m’énerver encore plus. « Comment. Est. Elle. Morte ? »
Il regarde Seton, qui hoche la tête de façon imperceptible.
« Poignardée dans le dos, monsieur. »
Ma vision se trouble, le docteur hurle son inquiétude. « Vite, dans le caisson ! Immédiatement ! Sinon c’est la mort assurée. »
Seton escorte l’équipe médicale tandis qu’on me fait passer de la civière au caisson ReGen. Le commandant nous suit, marque une pause, écoute la voix dans son oreillette. « Les recherches sont terminées sur l’Avant-poste Deux.
— Et ? » Seton se tourne vers lui. Tout le monde stoppe net tandis que le commandant prend une profonde inspiration. Je survole l’équipe médicale du regard, Seton, le docteur et le commandant essaient de trouver les mots pour exprimer le sentiment commun.
« On n’a retrouvé que des cadavres, monsieur. Je suis désolé. Le sable et les mouches empêchent toute identification des victimes sans analyses ADN. Les équipes de recherche disent que ça ne servirait à rien, Conseiller. Je suis désolé. Si votre épouse se trouvait à l’Avant-poste Deux, elle est morte. »
Morte. Ma Natalie. Ma superbe épouse. Son corps rongé par les charognards du désert, ces gros insectes orange capables de nettoyer les os d’un nox en quelques jours à peine.
« Non ! » Je hurle, j’essaie de m’asseoir mais la douleur est trop cuisante. Les alarmes retentissent, le docteur s’emporte.
« Calmez-vous monsieur. Vous saignez abondamment. Votre cœur risque de ne pas tenir le coup. »
Un type de l’équipe médicale, en vert, s’avance. « On est en train de le perdre, Docteur. Son cœur va lâcher.
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