En ce qui concerne les relations internationales, nous devons beaucoup aux ouvrages publiés, dont nous avons donné une présentation au début de cette introduction. Nous avons toutefois eu recours à nombre d’autres documents. Il y a tout d’abord les publications contemporaines qui concernent particulièrement les conceptions relatives à la neutralité et à la question de la Savoie. Nous avons également travaillé sur divers documents d’archive, publiés ou non, pour compléter ou approfondir certaines questions. Les deux fonds E 2001 et E 2300 des Archives fédérales, ainsi que les Documents diplomatiques suisses 33nous ont fourni la documentation du point de vue suisse. Nous avons plus spécifiquement travaillé sur la correspondance échangée entre les représentations diplomatiques helvétiques à l’étranger et le Département politique.
L’étude des menaces étrangères nous a également conduit à étudier les documents des pays voisins de la Suisse. Concernant l’Allemagne, l’immense collection de documents diplomatiques publiés au lendemain de la Première Guerre mondiale par la Deutsche Verlagsgesellschaft für Politik und Geschichte nous a été des plus utiles, notamment les tomes IV, VI, VII et XVIII. 34Pour l’Italie, les annexes des ouvrages, déjà cités, d’Antonello Biagini/Daniel Reichel 35et d’Alberto Rovighi 36ont mis à notre disposition divers plans, études et analyses des instances militaires de ce pays. Enfin, en ce qui concerne la France, nous avons utilisé trois fonds conservés au Service historique de la Défense, Département Terre à Vincennes: 1 M, 1 N et 7 N, ainsi que divers rapports des attachés militaires français dont nous avons réalisé récemment la publication. 37

CHAP. I: L’organisation et les missions de l’Etat-major général
1.1. L’Etat-major général avant 1874
L’Etat-major général a été créé en 1804, sous le régime de la Médiation. 1C’était un organe non permanent, coexistant avec un corps du génie permanent à la tête duquel se trouvait un quartier-maître, le colonel Finsler. Sa structure et les attributions de chacun de ses membres étaient à la fois compliquées et mal définies. Il connut en outre, à ses débuts, des difficultés d’organisation du fait de l’opposition de Napoléon à la nouvelle institution, celui-ci craignant de voir une force militaire organisée se reconstituer dans une Suisse dont il doutait de la sincérité du gouvernement.
Les différentes mises sur pied de l’armée, en 1805, 1809, 1813 et, surtout, en 1815, montrèrent toutes les insuffisances de l’organisation en vigueur. La répartition des tâches entre le major-général 2et le quartier-maître 3fut un des problèmes les plus importants à résoudre au quotidien. Le service de renseignements se révéla également tout aussi boiteux, tandis que le ravitaillement de l’armée, confié au commissaire des guerres en chef, connut des difficultés particulières, notamment au cours de la désastreuse expédition de 1815 en Franche-Comté.
Le Règlement militaire du 20 juillet 1817 créa un Etat-major fédéral du temps de paix, qui coiffait l’armée fédérale, composée d’une élite et d’une réserve. Nommé en partie par la Diète et en partie par le président de l’assemblée, cet Etat-major se composait de 20 à 24 colonels fédéraux, d’un nombre non précisé de lieutenants-colonels et, ultérieurement, de majors, du médecin en chef, des adjudants, des officiers de l’Etat-major de l’artillerie, du génie, du commissariat et de la justice militaire. Ces officiers constituaient une réserve de cadres dans laquelle on puisait pour désigner, au moment de la mise sur pied, les commandants et les officiers d’état-major des formations supérieures au bataillon, formations qui n’existaient pas en période de paix et que l’on organisait au moment de la mobilisation.
Parmi les officiers de l’Etat-major fédéral se trouvaient les membres, élus par la Diète, de la Commission d’inspection militaire. Celle-ci se composait de trois membres permanents, le colonel quartier-maître, le colonel inspecteur de l’artillerie et le commissaire général des guerres, ainsi que de deux autres colonels fédéraux, élus pour une année et non immédiatement rééligibles, et d’un secrétaire permanent dès 1818. En 1831, la composition de la Commission fut modifiée. Les deux colonels fédéraux virent la durée de leur mandat allongée à trois ans, tandis que deux autres membres temporaires furent ajoutés. Cette institution, héritière des anciens conseils de guerre, assumait les tâches les plus diverses correspondant à celles attribuées ultérieurement au Département militaire fédéral, notamment la Commission de défense nationale et l’Etat-major général.
Le quartier-maître avait des tâches particulières. Il était chef d’arme du génie et dirigeait les travaux trigonométriques et cartographiques. De plus, il assumait les fonctions de chef de l’Etat-major général et, à ce titre, était chargé des questions de mobilisation et des opérations de l’armée. Comme le souligne Georges Rapp, «le cumul de deux activités par le quartier-maître général n’est pas fortuit. Aussi longtemps qu’on ne forma pas des officiers d’état-major général au sens où on l’entendra plus tard, les membres de l’Etat-major du génie, plus instruits par nécessité que leurs collègues et chargés de tâches plus complexes et plus polyvalentes, restèrent les aides du haut commandement les plus compétents, sinon les mieux utilisés.»
En 1835, un projet de réforme des institutions militaires fut repoussé et cette organisation resta en vigueur jusqu’en 1850. En ce qui concerne l’Etat-major de l’armée, organe d’aide au commandement et de conduite du général, une organisation fut prescrite dans un manuel entériné par la Commission d’inspection militaire le 12 mars 1823. Elle fut redéfinie le 10 décembre 1846 dans une Instruction pour l’Etat-major général de l’armée fédérale, dont l’auteur est probablement Guillaume-Henri Dufour.
Au lendemain de la création de l’Etat fédéral en 1848, conjointement avec le développement de la centralisation militaire, un Etat-major fédéral permanent se mit en place. 4L’organisation était définie de manière laconique dans les articles 20 et 21 de la loi sur l’organisation militaire du 8 mai 1850. L’Etat-major fédéral se divisait en six états-majors:
– un Etat-major général;
– un Etat-major du génie;
– un Etat-major de l’artillerie;
– un Etat-major judiciaire;
– un Etat-major du commissariat;
– un Etat-major sanitaire.
L’Etat-major général se composait de 40 colonels, 30 lieutenants-colonels, 30 majors et d’un nombre non-précisé de capitaines et de premiers-lieutenants. Comme précédemment, les fonctions que devaient remplir les officiers d’état-major général en cas de mise sur pied n’étaient pas définies. Ils constituaient toujours une réserve de personnel dans laquelle on puisait, en cas de mobilisation, pour désigner les commandants des formations supérieures à celles du bataillon, les officiers d’état-major et les adjudants.
La loi sur l’organisation militaire de 1850 apporta donc des améliorations, mais pas de réforme fondamentale de l’Etat-major général. Tout au long de la décennie, la presse militaire publia diverses propositions visant à adopter une structure différente. Dès 1852, dans un article de la Schweizerische Militärzeitschrift, des voies s’élevèrent, d’une part, pour séparer les fonctions d’état-major et celles d’adjudance et, d’autre part, pour réunir l’Etat-major général et celui du génie. Cinq ans plus tard, des officiers d’état-major général, dans une pétition adressée au Conseil fédéral, demandèrent une organisation en trois subdivisions, l’une pour le commandement des grandes unités, la deuxième pour le service d’état-major général et la dernière pour l’adjudance. Une autre demande contenue dans la pétition était la création d’un poste de chef du personnel au Département militaire fédéral. Le Conseil fédéral approuva cette idée et créa le poste d’instructeur en chef de l’infanterie, dont l’une des tâches était la gestion du personnel. L’Etat-major général lui fut, dès lors, subordonné.
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