Une œuvre bien composée est nécessairement symbolique; autour de quoi viendraient se grouper les parties? qui guiderait leur ordonnance? sinon l’idée de l’œuvre, qui fait cette ordonnance symbolique.
L’œuvre d’art c’est une idée qu’on exagère .
Le symbole, c’est autour de quoi se compose un livre.
La phpase est une excroissance de l’idée .
Les chosessontperpétuellement en inéquilibre — de là leur écoulement.
L’équilibre, c’est la « santé » parfaite; ce que M. Taine appelle un accident heureux — mais il est irréalisable phy-siquementà cause de ce que nousdisions; réalisable seulement dans l’œuvre d’art. — L’œuvre d’art est un équilibre hors du temps, une santé artificielle.
Je soutiendrai qu’il faut croire ceci, pour un artiste: un monde spécial, dont il ait seul la clef. Il ne faut pas qu’il apporte une chose nouvelle, quoique cela soit énorme déjà; mais bien que toutes choses en lui soient ou semblent nouvelles, transapparues derrière une idio-syncrasie puissamment coloratrice.
Il faut qu’il ait une philosophie, une esthétique, une morale particulières; toute son œuvre ne tend qu a le montrer. Et c’est ce qui fait son style. Il lui aut aussi une plaisanterie particulière — un drôle à lui.
Théorie du livre: — lettre morte? — Le sac des graines.
« Cette île, appelée Sauu, par les naturels, est peu connue. »
Cook.
Si elle ne l’était pas du tout, elle ne porterait pas de nom.
Étrange habitude qu’ont les hommes de baptiser des morceaux de terre — et surtout cette île! Us ne la baptisent que du jour où ils songent à la quitter — et pour les autres .
Inertie de la matière. Lenteur avant que l’idée l’ait traversée.
Elasticité! De toutes les inerties, la pire! hypocrisie de l’irremuable matière; elle semble céder, fait croire à la victoire etque l’effort est achevé, mais revient sitôt qu’on la relâche; ce n’était qu’inertie différée; matière apparemment plastique qui se prête à user nos efforts. Pour prouver quelle stupide mémoire viens-tu lorsque nous t’avions si selon nos grés modelée, reviens-tu te redisposer selon tes lignes primitives, que nous voulions tant oublier — que nous ne pourrons donc jamais oublier. Elasticité! — mémoire brute de la matière, inertie différée, apparente docilité...
L’élasticité nous entoure; ce que dans l’immatériel nous appelons rétroaction n’est que cela — mais avec les complications infinies —jusqu’à ce que la matière en soit toute imprégnée, en soit complè-tementehangée.
Repartie: infinie réception de la matière — porosité.
Question sociale? — certes. Mais la question morale est antécédente.
L’homme est plus intéressant que les hommes; c’est lui et non pas eux que Dieu a fait à son image. Chacun est plus précieux que tous.
La synthèse doit se précéder d’analyse; et l’analyse, besoin de l’esprit, naît du sentiment de la complexité. Le sentiment de complexité peut devenir une stupéfaction passionnée.
Tout ce qui a eu lieu en nous, ne fût-ce qu’une fois, peut reparaître, le temps y aidant, la volonté s’y taisant.
On n’est sûr de ne jamais faire que ce que l’on ne pourra jamais comprendre. L’assurance de la vertu m’irrite, car elle est faite d'incompréhension —je ne parle pas de l'intelligence de la tête, logique uniquement, et qui ne comprend que des rapports de signes —je n’en veux point. — On ne comprend que ce que l’on est capable de faire; ainsi les choses dans la nature ne vibrent à l’approche d’un son que lorsque elles-mêmes, le choc aidant, sont capables de le produire. Et je ne dis pas qu’elles le produiront jamais —mais de là souvent leur indulgence, excuse d’un possible futur.
Nil humanum a me cilienum puto.
« Il n’y a pas de si grands crimes que je ne me sois senti à certains jours capable de commettre, » dit Goethe. Les plus grandes intelligences sont aussi les plus capables des grands crimes, que d’ordinaire elles ne commettent pas, par sagesse, par amour, et parce qu’elles s’y limiteraient.
Doctrine du péché: étant capable de tout le mal n’en rien faire, et voilà le bien; volonté privatrice—je n’aime point cela. J’aime que la cécité pour le mal vienne de l’éblouissement du bien;—sinon vertu est ignorance — pauvreté.
Je ne peux pas plus être reconnaissant à « Dieu » de m'avoir créé — que je ne pourrais lui en vouloir de ne pas être, si je n’étais pas.
Et sic Deus — semel jussit. semper paret.
Dieu — qui est fidèle. — Les miracles sont des désobéissances de Dieu.
Vouloir prouver que Dieu est , c’est aussi absurde que d’affirmer qu’il n’est pas.
Car nos affirmations et nos preuves ne le créeront.....ni ne le supprimeront.
Je préfère dire que: du moment qu’il y a quelque chose, c’est Dieu. L’expliquer m’est inutile; il s'explique lui-môme par toute la Nature; c’est là sa façon d’exister.
La prière est la forme oratoire de l’âme.
Il est fâcheux de croire qu’il faut à l’homme une tradition, une histoire pour comprendre un Dieu éternel. L’histoire de Dieu ne peut être que l’histoire de ce que l’ont cru les hommes.
Jean-Baptiste, c’est la précaution oratoire du Christ.
J’ai trouvé toujours mon bonheur à simplifier par des généralisations toujours plus grandes chaque chose — de façon à rendre ma possession aussi portative en vérité que la coupe où se grise Hafiz.
Ne plus considérer en chaque être que l;i pari unique et différente duul celle matière commune n’était que le trop massif soutien.
Le « paganisme » n’apportera la paix qu'autant que l’on suppose au-dessus de to.is ces dieux rivaux une puissance unique pour les dominer.
C’est dans le sentiment d’un accord, non d’une rivalité qu’est le bonheur, et quand bien même toutes les forces de la nature l’une contre toutes autres, chacune lutterait, il m’est impossible de ne pas concevoir une unitc supérieure, présidant à cette lutte môme, initiale de toute division, où chaque âme peut se réfugier pour son bien-être.
On ne devrait jamais acheter rien qu’avec de l’amour. N’importe qui, n’importe quoi devrait toujours être à celui qui l’aime le mieux. Le pain à qui a le plus faim — la friandise à qui la préfère ou à qui a déjà soupé. L’explication de l’ivrognerie du peuple est telle: ils boivent pour oublier qu’ils n’ont pas ce qu’ils désirent; d’ailleurs l’ivrognerie des hautes classes s’explique de même. L'ivresse n’est jamais qu’une substitution du bonheur. C’est l'acquisition du rêve d’une chose, quand on n’a pas l’argent (pie réclame l’acquisition matérielle de la chose rêvée. La bouteille qui donna l’ivresse vaut la peau de chagrin tant qu’on est ivre. Le terrible c’est qu’on ne peut jamais se griser suffisamment.
... Il songeait: Le monde aurait pu avoir une histoire différente. La surface de la terre aurait pu se couvrir autrement. Si le monde n’eût eu d’autres habitants que des êtres pareils à moi, le monde n’aurait pas eu d’histoire. —Je hais toutes les carrières qui ne doivent d’être qu’à la malignité des hommes.
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