Avant Ravenne, où nous nous attarderions donc quinze jours, nous verrions rapidement Rome et Florence, puis, laissant Venise et Vérone, brusquerions la fin du voyage pour ne nous arrêter plus qu’à Paris. Je trouvais un plaisir tout neuf à parler d’avenir avec Marceline ; une certaine indécision restait encore au sujet de l’emploi de l’été ; las de voyages l’un et l’autre, nous voulions ne pas repartir ; je souhaitais pour mes études la plus grande tranquillité ; et nous pensâmes à une propriété de rapport entre Lisieux et Pont-L’Évêque, en la plus verte Normandie, — propriété que possédait jadis ma mère, où j’avais avec elle passé quelques étés de mon enfance, mais où, depuis sa mort, je n’étais pas retourné. Mon père en avait confié l’entretien et la surveillance à un garde, âgé maintenant, qui touchait pour lui puis nous envoyait régulièrement les fermages. Une grande et très agréable maison, dans un jardin coupé d’eaux vives, m’avait laissé des souvenirs enchantés ; on l’appelait La Morinière ; il me semblait qu’il ferait bon y demeurer.
L’hiver prochain, je parlais de le passer à Rome — en travailleur, non plus en voyageur cette fois... Mais ce dernier projet fut vite renversé : dans l’important courrier qui, depuis longtemps, nous attendait à Naples, une lettre m’apprenait brusquement que, se trouvant vacante une chaire au Collège de France, mon nom avait été plusieurs fois prononcé ; ce n’était qu’une suppléance, mais qui précisément, pour l’avenir, me laisserait une plus grande liberté ; l’ami qui m’instruisait de ceci m’indiquait, si je voulais bien accepter, quelques faciles démarches à faire, — et me pressait fort d’accepter. J’hésitai, voyant surtout d’abord un esclavage ; puis songeai qu’il pourrait être intéressant d’exposer, en un cours, mes travaux sur Cassiodore... Le plaisir que j’allais faire à Marceline, en fin de compte me décida. Et, sitôt ma décision prise, je n’en vis plus que l’avantage.
Dans le monde savant de Rome et de Florence, mon père entretenait diverses relations avec qui j’étais moi-même entré en correspondance. Elles me donnèrent tous moyens de faire les recherches que je voudrais, à Ravenne et ailleurs ; je ne songeais plus qu’au travail. Marceline s’ingéniait à le favoriser par mille soins charmants et mille prévenances.
Notre bonheur, durant cette fin de voyage, fut si égal, si calme, que je n’en peux rien raconter. Les plus belles œuvres des hommes sont obstinément douloureuses. Que serait le récit du bonheur ? Rien que ce qui le prépare, puis ce qui le détruit, ne se raconte. Et je vous ai dit maintenant tout ce qui l’avait préparé.
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