Jean-Claude Carrière - N'espérez pas vous débarrasser des livres

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N'espérez pas vous débarrasser des livres: краткое содержание, описание и аннотация

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Ce petit détour pour vous demander, Umberto : qu'est-ce qu'un livre ? Est-ce que tout objet comportant des signes lisibles est un livre ? Les volumina romains sont-ils des livres ?

U.E. : Oui, nous les considérons comme faisant partie de l'histoire du livre.

J.-C.C. : La tentation est de dire : un livre est un objet qui se lit. C'est inexact. Un journal se lit, et n'est pas un livre, pas plus qu'une lettre, une stèle funéraire, une banderole dans une manifestation, une étiquette ou mon écran d'ordinateur.

U.E. : Il me semble qu'une manière de caractériser ce qu'est le livre est de considérer la différence qui existe entre une langue et un dialecte. Aucun linguiste ne connaît cette différence. Pourtant nous pourrions l'illustrer en disant qu'un dialecte est une langue sans armée et sans flotte. C'est la raison pour laquelle nous considérons que le vénitien est une langue, par exemple, parce que le vénitien était utilisé dans les actes diplomatiques et commerciaux. Ce qui n'a jamais été le cas, en revanche, du dialecte piémontais.

J.-C.C. : Qui reste donc un dialecte.

U.E. : Exactement. Donc si vous possédez une petite stèle comportant seulement un signe, disons, un nom divin, il ne s'agit pas d'un livre. Mais si vous avez un obélisque sur lequel plusieurs signes racontent l'histoire de l'Egypte, vous détenez quelque chose qui ressemble à un livre. C'est la même différence qui existe entre le texte et la phrase. La phrase s'arrête là où il y a un point, alors que le texte dépasse l'horizon du premier point qui ponctue la première phrase constituant ce texte. « Je suis rentré chez moi. » La phrase est close. « Je suis rentré chez moi. J'ai rencontré ma mère. » Vous êtes déjà dans la textualité.

J.-C.C. : Je voudrais citer un extrait de La Philosophie du livre, un essai de Paul Claudel publié en 1925, d'après une conférence prononcée à Florence. Claudel est un auteur que je n'apprécie guère mais qui a joui de quelques éclairs étonnants. Il commence par une déclaration transcendantale : « Nous savons que le monde est en effet un texte et qu'il nous parle, humblement et joyeusement, de sa propre absence, mais aussi de la présence éternelle de quelqu'un d'autre, à savoir son créateur. »

C'est le chrétien qui parle, évidemment. Il dit un peu plus loin : « J'ai eu l'idée d'étudier la physiologie du livre, le mot, la page et le livre. Le mot n'est qu'une portion mal apaisée de la phrase, un tronçon de chemin vers le sens, un vertige de l'idée qui passe. Le mot chinois, au contraire, reste fixe devant l'œil… L'écriture a ceci de mystérieux qu'elle parle. Le latin ancien et moderne a toujours été fait pour être écrit sur de la pierre. Les premiers livres présentent une beauté architecturale. Puis le mouvement de l'esprit s'accélère, le flux de la matière pensée grossit, les lignes se resserrent, l'écriture s'arrondit et se raccourcit. Bientôt cette nappe humide et frissonnante sur la page sortie du bec exigu de la plume, l'imprimerie vient la saisir et la clicher… Voici l'écriture humaine en quelque sorte stylisée, simplifiée comme un organe mécanique… Le vers est une ligne qui s'arrête non parce qu'elle est arrivée à une frontière matérielle et que l'espace lui manque, mais parce que son chiffre intérieur est accompli et que sa vertu est consommée… Chaque page se présente à nous comme les terrasses successives d'un grand jardin. L'œil jouit délicieusement et par une attaque en quelque sorte latérale d'un adjectif qui se décharge tout à coup dans le neutre avec la violence d'une note grenat ou feu… Une grande bibliothèque me rappelle toujours les stratifications d'une mine de charbon, pleine de fossiles, d'empreintes et de conjonctures. C'est l'herbier des sentiments et des passions, c'est le bocal où l'on conserve les échantillons desséchés de toutes les sociétés humaines. »

U.E. : Là, vous voyez parfaitement ce qui distingue poésie et rhétorique. La poésie vous ferait redécouvrir l'écriture, le livre, la bibliothèque d'une manière absolument neuve. Tandis que Claudel dit exactement ce que nous savons ! Que le vers ne se termine pas parce que la page est finie mais parce qu'il obéit à une règle interne, etc. C'est donc de la rhétorique sublime. Mais il n'ajoute pas une seule idée nouvelle.

J.-C.C. : Alors que Claudel voit dans sa bibliothèque les « stratifications d'une mine de charbon », un de mes amis compare ses livres à une chaude fourrure. Il se sent comme réchauffé, comme abrité par les livres. Protégé contre l'erreur, contre l'incertitude et aussi contre les frimas. Etre entouré par toutes les idées du monde, par tous les sentiments, toute la connaissance et tous les errements possibles, vous offre une sensation de sécurité et de confort. Vous n'aurez jamais froid au sein de votre bibliothèque. Vous voilà protégé, en tout cas, contre les dangers glacés de l'ignorance.

U.E. : L'ambiance qui régnera dans la bibliothèque contribuera aussi à créer ce sentiment de protection. La structure sera de préférence ancienne. Autrement dit en bois. Les lampes seront à l'image de celles qu'on trouvait à la Bibliothèque nationale, de couleur verte. L'association du marron et du vert contribue à créer cette ambiance particulière. La bibliothèque de Toronto, absolument moderne (et dans son genre réussie), ne procure pas cette sensation de protection de la même manière que la Sterling Memorial Library de Yale, salle en style faux gothique, avec les différents étages meublés XIX e siècle. Je me souviens d'avoir eu l'idée du meurtre commis dans la bibliothèque du Nom de la rose en travaillant précisément à la Sterling Library de Yale. J'avais l'impression, en travaillant le soir sur la mezzanine, que tout pouvait m'arriver. Il n'existait pas d'ascenseur pour gagner la mezzanine, de telle sorte qu'une fois installé à votre table de travail, vous aviez l'impression que plus personne ne pouvait vous venir en aide. On aurait pu découvrir votre cadavre, planqué sous une étagère, plusieurs jours après le crime. Il y a ce sens de la préservation qui est aussi celui qui entoure les mémoriaux et les tombeaux.

J.-C.C. : Ce qui m'a toujours fasciné, dans ces grandes bibliothèques publiques, c'est cette petite cloche de lumière verte dessinant un cercle clair au centre duquel se trouve un livre. Vous avez votre livre, et vous êtes entouré par tous les livres du monde. Vous avez à la fois le détail et l'ensemble. C'est précisément ce qui me fait éviter ces bibliothèques modernes, froides, anonymes où on ne voit plus les livres. Nous avons totalement oublié qu'une bibliothèque, cela peut être beau.

U.E. : Lorsque je travaillais à ma thèse, je passais beaucoup de mon temps à la bibliothèque Sainte-Geneviève. Dans ce type de bibliothèques, il était facile de se concentrer sur les livres dont nous étions en effet entourés, afin de prendre des notes. Dès qu'on a commencé à voir débarquer les photocopieuses Rank Xerox, ce fut le début de la fin. Vous pouviez reproduire le livre et l'emporter avec vous. Vous remplissiez votre maison de photocopies. Et le fait de les avoir en votre possession faisait que vous ne les lisiez plus.

Nous sommes dans la même situation avec Internet. Ou bien vous imprimez, et vous vous trouvez à nouveau tout encombré de documents que vous ne lirez pas. Ou bien vous lisez votre texte sur l'écran, mais une fois que vous cliquez pour aller plus loin dans votre recherche, vous perdez le souvenir de ce que vous venez de lire, de ce qui vous avait permis d'arriver à la page qui s'affiche maintenant sur votre écran.

J.-C.C. : Un point que nous n'avons pas abordé : pourquoi décidons-nous de placer un livre à côté d'un autre ? Pourquoi procédons-nous à tel type de rangement plutôt qu'à un autre ? Pourquoi soudain modifier l'ordre de ma bibliothèque ? Est-ce tout simplement afin que les livres côtoient d'autres livres ? Pour renouveler les fréquentations ? Les voisinages ? Je suppose un échange entre eux, je le souhaite, je le favorise. Ceux qui sont en bas, je les remonte pour leur redonner un peu de dignité, pour les mettre au niveau de mon œil et leur faire savoir que je ne les ai pas placés tout en bas à dessein, parce qu'ils étaient inférieurs, et par conséquent méprisables.

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