Jean-Claude Carrière - N'espérez pas vous débarrasser des livres

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J.-C.C. : Il faut souligner, et vous le faites ici, combien cette littérature enfantine a eu d'influence sur nos destinées. Les spécialistes de Rimbaud rappellent combien Le Bateau ivre doit à sa lecture de Costal l'Indien de Gabriel Ferry. Mais je constate, Umberto, que vous commencez par des récits d'aventures et des feuilletons, et moi par des livres sacrés. Au moins un. Ce qui explique peut-être quelques divergences dans nos chemins, qui sait ? Ce qui m'a vraiment étonné, lors de mes premiers séjours en Inde, c'est qu'il n'existe pas de livre dans le culte hindou. Il n'y a pas de texte écrit. On ne donne pas aux fidèles quelque chose à lire ou à chanter, puisqu'ils sont pour la plupart analphabètes.

C'est sans doute pour cette raison que nous insistons, en Occident, pour parler des « religions du Livre ». La Bible, le Nouveau Testament et le Coran sont prestigieux. Ils ne sont pas là pour des illettrés, pour les ignorants, pour les basses classes. Ils sont perçus comme, non pas écrits par Dieu mais pratiquement sous sa dictée ou en suivant son inspiration. Le Coran est recueilli sous la dictée d'un ange et le Prophète, auquel il est demandé de « lire » (c'est la toute première injonction), doit admettre qu'il ne sait pas, qu'il n'a pas appris. Le don de lire le monde et de le dire lui est alors accordé. La religion, le contact avec Dieu, nous élève vers la connaissance. Il est essentiel de lire.

Les Evangiles sont constitués à partir des témoignages d'apôtres qui ont mémorisé la parole du fils de Dieu. Pour la Bible, cela dépend des livres. Il n'y a pas une autre religion où le livre joue ce rôle de trait d'union entre le monde divin et le monde des hommes. Certains textes hindouistes sont sacrés, comme la Bhagavad-Gîtâ. Mais, encore une fois, ils ne figurent pas dans les objets de culte proprement dits.

J.-P. de T. : Est-ce que les mondes grec et romain ont vénéré le livre ?

U.E. : Pas comme objet religieux.

J.-C.C. : Peut-être les Romains ont-ils vénéré les livres sibyllins, qui contenaient les oracles des prêtresses grecques et que les chrétiens ont brûlés. Les deux livres « sacrés » des Grecs étaient sans doute Hésiode et Homère. Mais on ne peut pas dire qu'il s'agisse de révélations religieuses.

U.E. : Dans une civilisation polythéiste, il ne peut exister une autorité supérieure aux autres, et donc la notion d'un seul « auteur » de la révélation n'a pas de sens.

J.-C.C. : Le Mahâbhârata est écrit par Vyâsa, un aède, l'Homère indien. Mais nous nous situons dans un temps de pré-écriture. Vyâsa, l'auteur premier, ne sait pas écrire. Il explique qu'il a composé « le grand poème du monde » qui doit nous dire tout ce que nous devons savoir, mais il ne peut pas l'écrire, il ne sait pas. Les hommes – ou les dieux – n'ont pas encore inventé l'écriture. Vyâsa a besoin de quelqu'un pour écrire ce qu'il sait, pour établir la vérité parmi les hommes grâce à l'écriture. Brahmâ lui envoie, à cette occasion, le demi-dieu Ganesha qui apparaît avec son petit ventre rond, sa tête d'éléphant et une écritoire. Au moment d'écrire, il se casse l'une de ses défenses qu'il trempe dans son encrier. C'est pour cette raison que chaque représentation de Ganesha le montre avec la défense droite cassée. Une rivalité stimulante s'instaure d'ailleurs entre Ganesha et Vyâsa tout au long de l'écriture du poème. Le Mahâbhârata est donc contemporain de la naissance de l'écriture. Il est la première œuvre écrite.

U.E. : C'est aussi ce qu'on dit des poèmes homériques.

J.-C.C. : La vénération pour la Bible de Gutenberg, dont nous parlions, se justifie pleinement dans le contexte de nos religions du Livre. L'histoire moderne du livre commence aussi par une Bible.

U.E. : Mais cette vénération concerne surtout le milieu des bibliophiles.

J.-C.C. : Combien en existe-t-il ? Vous le savez ?

U.E. : Les sources ne sont pas unanimes. Nous pouvons calculer que deux cents à trois cents exemplaires ont probablement été imprimés. Quarante-huit survivent aujourd'hui, dont douze en vélin. Peut-être en existe-t-il quelques-uns qui dorment chez des particuliers. Notre vieille dame ignorante évoquée plus tôt et prête à s'en dessaisir.

J.-C.C. : Le fait qu'on ait pu sacraliser ainsi le livre prouve l'importance que le fait d'écrire et de lire a pu acquérir et conserver dans l'histoire successive des civilisations. D'où viendrait, sans cela, le pouvoir des lettrés en Chine ? Celui des scribes dans la civilisation égyptienne ? Le privilège de savoir lire et écrire était réservé à un très petit groupe d'individus qui en retiraient une autorité extraordinaire. Imaginez que nous soyons, vous et moi, les deux seules personnes à savoir écrire et lire dans la région. Nous pourrions nous prévaloir d'échanges mystérieux, de révélations redoutables et d'une correspondance entre nous dont personne ne pourrait questionner la teneur.

J.-P. de T. : A propos de cette vénération des livres, Fernando Baez cite, dans son Histoire de la destruction des livres , Jean Chrysostome évoquant certaines personnes, au IV e siècle, qui portaient autour du cou de vieux manuscrits pour se protéger du pouvoir du mal.

J.-C.C. : Le livre peut être un talisman mais aussi bien un objet de sorcellerie. Les moines espagnols qui brûlèrent les codex au Mexique se défendaient en disant qu'ils étaient maléfiques. Ce qui est absolument contradictoire. S'ils arrivaient eux-mêmes avec la force du vrai Dieu, comment les faux dieux auraient-ils pu exercer encore quelque pouvoir ? On a dit la même chose des livres tibétains, parfois accusés de contenir des enseignements ésotériques redoutables.

U.E. : Connaissez-vous l'étude de Raimondo di Sangro, prince de Sansevero, à propos des quipus ?

J.-C.C. : Vous voulez parler de ces cordes à nœuds qu'utilisait l'administration inca pour pallier le manque d'écriture ?

U.E. : Exactement. Madame de Graffigny écrit les Lettres d'une péruvienne , un roman qui connaît au XVIII e siècle un immense succès. Raimondo di Sangro, prince napolitain alchimiste, se livre alors à une étude du livre de Madame de Graffigny et donne cette étude merveilleuse sur les quipus, avec des dessins en couleurs.

Ce prince de Sansevero est un personnage extraordinaire. Probablement franc-maçon, occultiste, il est connu pour avoir fait réaliser dans sa chapelle, à Naples, des sculptures de corps humains décortiqués avec le système veineux mis à nu, d'un réalisme tel qu'on a toujours imaginé qu'il avait travaillé à partir de corps humains vivants, peut-être d'esclaves à qui il avait inoculé certaines substances pour les pétrifier de cette façon. Si vous visitez Naples, vous devez absolument vous rendre dans la crypte de la Chapelle Sansevero pour les admirer. Ces corps sont des espèces de Vésale en pierre.

J.-C.C. : Soyez sûr que je n'y manquerai pas. A propos de ces écritures nouées qui ont suscité d'étonnants commentaires, je pense à ces figures à grande échelle trouvées au Pérou et dont des esprits aventureux ont raconté qu'elles avaient été tracées pour transmettre des messages à des créatures venues d'ailleurs. Je vous raconte une nouvelle de Tristan Bernard à ce sujet. Un jour les Terriens découvrent que des signaux leur sont adressés depuis une planète lointaine. Ils se concertent pour savoir ce que sont ces signaux qu'ils ne peuvent pas déchiffrer. Ils décident alors de tracer de très grandes lettres de plusieurs dizaines de kilomètres de long, dans le désert du Sahara, pour former le mot le plus court possible. Et ils choisissent : « Plaît-il ? » Ils écrivent en grand « Plaît-il ? » dans le sable, ce qui leur demande des années de labeur. Et ils sont tout étonnés de recevoir, quelque temps plus tard, cette réponse : « Merci, mais ce n'est pas à vous que notre message s'adresse. »

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