« Il est assez gros pour être aperçu de l’espace, dit Luke, et facilement reconnaissable avec cette coque argentée.
— Oui. Eh bien, il est sous la poussière ! Il faudra beaucoup d’astronefs avec des radars de profondeur pour le trouver, et encore sans garantie. » Nick promena ses mains sur son crâne dégarni. « Nous pourrions repartir maintenant. Votre gouvernement de Terriens s’est finalement décidé à nous envoyer quelques vaisseaux. J’ai eu l’impression qu’ils n’étaient pas tellement contents de nous voir participer à leurs investigations. » Il s’était exprimé d’une voix neutre, diplomatique.
« J’aimerais bien continuer. Quel est votre sentiment ?
— J’en suis ! La chasse aux choses bizarres est le sport que je pratique en vacances.
— Par où commenceriez-vous vos recherches ?
— Je ne sais pas. La poussière la plus épaisse sur la planète est dans le Tractus Albus.
— De sa part, ç’aurait été idiot de choisir la plus épaisse. Il serait allé là par hasard.
— Vous avez d’autres idées ?
— Solis Lacus, par exemple.
— Oh ! L’ancienne base des Terriens ? Bien raisonné. Il pourrait avoir besoin d’un système de survie pour Brennan.
— Je n’avais même pas pensé à cela. S’il a besoin de quoi que ce soit là-bas – technologie humaine, eau, n’importe quoi – c’est le seul coin où il peut aller sur la planète. S’il n’y est pas, nous pourrons au moins remplir quelques récipients de poussière martienne…
— Bœuf Bleu appelle U Thant . Ici Bœuf Bleu. Bœuf Bleu appelle U Thant par Death Valley Port. »
Ce message contiendrait un signal de cap. Nick régla le pilote automatique pour diriger son propre com-laser. « Cela prendra quelques minutes », dit-il. Puis : « Je me demande ce qui se passe pour Brennan.
— Pourrons-nous sortir de ce fatras le radar de profondeur ?
— Espérons que oui. Je ne vois pas quel autre instrument nous pourrions utiliser comme chercheur.
— Un détecteur de métal. Il doit y en avoir un à bord. »
« Ici Nicholas Brewster Sohl à bord d’ U Thant . J’appelle Bœuf Bleu . Quelles nouvelles ? Je répète. Ici Nicholas… »
Einar passa sur l’émetteur. « Einar Nilsson, commandant du Bœuf Bleu . Nous avons rattrapé l’astronef de l’intrus. Tina Jordan se prépare à l’aborder. Je vous branche sur Tina. » Ce qu’il fit.
Et il se rejeta en arrière sur son siège pour attendre.
Il aimait bien Tina. Il était à moitié certain qu’elle trouverait le moyen de se faire tuer. Nate avait protesté avec véhémence, mais les arguments d’Einar étaient sans réplique. Il regarda attentivement le film transmis par la caméra du casque de Tina.
L’astronef de l’intrus avait l’air déserté, avec son attitude oblique et ses câbles mous de remorque qui commençaient à faire des boucles. Tina ne distingua aucun mouvement dans la lentille de la grosse pupille de l’œil. Elle s’arrêta à quelques mètres du hublot, et elle remarqua avec satisfaction que ses mains ne tremblaient pas sur les commandes d’allumage des jets.
« Ici Tina. Je suis à l’extérieur de ce qui ressemble à un module de commande. J’aperçois par la vitre – si c’est du verre – un siège d’accélération et des commandes tout autour. L’Intrus doit être hominien.
« Le module de service est trop radioactif pour que je m’en approche. Le module de commande est une sphère lisse avec un grand hublot et des câbles qui traînent dans les deux sens. Vous devriez voir tout cela, U Thant . »
Elle tourna lentement autour de la grosse pupille. Elle prenait son temps. Les Zoniers ne se hâtaient qu’en cas de nécessité absolue. « Je ne trouve aucune trace d’un sas. Il faudra que je me fraie un passage au pistolet thermique. »
« Passez par le hublot. Inutile de mettre le feu à un explosif quelconque », lui dit derrière son oreille la voix d’Einar.
La matière transparente avait un point de fusion de deux mille degrés Kelvin, et un laser était évidemment hors de question. Tina se servit d’un pistolet thermique pour tracer et retracer un cercle. Petit à petit, elle réussit à couper la matière transparente. « Je reçois du brouillard par les fentes, raconta-t-elle. Ah ! Je vais pouvoir passer ! »
Un disque transparent d’un mètre fut éjecté par le reste de l’air ; une sorte de brume blanche l’accompagnait. Tina se saisit du disque et l’envoya vers le Bœuf en vue d’une récupération ultérieure.
La voix d’Einar grésilla : « N’essayez pas encore d’entrer !
— Bien sûr. » Elle attendit que les bords du trou se refroidissent. Un quart d’heure, pendant lequel il ne se passa rien. Elle pensa qu’on devait commencer à s’agiter à bord de l’ U Thant . Toujours aucun signe de mouvement à l’intérieur du module. Ils n’avaient rien décelé quand ils l’avaient sondé avec le radar de profondeur ; mais les parois étaient épaisses, et il était possible que quelque chose d’aussi peu dense que de l’eau, par exemple, eût échappé à l’examen.
Assez de temps perdu. Elle plongea à travers le trou.
« Je me trouve dans une petite cabine de commande », dit-elle en tournant le buste pour que la caméra montre l’ensemble. Des vrilles de brouillard glacé dérivaient vers le trou du hublot. « Très petite. Le tableau de bord est d’une telle complexité que j’incline à penser que l’intrus n’avait pas d’autopilote. Aucun homme ne pourrait se débrouiller avec toutes ces commandes et ces réglages. Je ne vois qu’un seul siège, et il n’y a pas d’autres extra-terrestres que moi.
« Un coffre est rempli de patates douces, dirait-on, tout à côté du siège du pilote. C’est le seul indice de possibilités culinaires dans ce compartiment. Je vais continuer mon inspection. » Elle essaya d’ouvrir la porte du fond de la salle de commande. La pression la maintint fermée. Elle utilisa son pistolet thermique. La porte se découpa beaucoup plus facilement que la matière du hublot. Elle attendit pendant que la salle se remplissait d’un brouillard dense, puis elle entra. Le brouillard était encore plus épais.
« Cette pièce est à peu près aussi grande que la salle de commande. Désolée pour la vue. On dirait un gymnase pour chute libre. » Elle promena la caméra tout autour d’elle, puis se dirigea vers l’une des machines et essaya de la mettre en marche. Cette machine semblait inviter quelqu’un à se tenir debout à l’intérieur contre la force de ressorts puissants. Tina ne réussit pas à la faire bouger.
Elle démonta la caméra et la fixa à une paroi en direction de la machine d’exercices. Elle fit une nouvelle tentative. « Ou bien je me débrouille mal, dit-elle à ses auditeurs, ou bien l’intrus ne ferait de moi qu’une bouchée. Voyons ce qu’il y a d’autre. » Elle regarda autour d’elle. « C’est drôle », murmura-t-elle peu après.
Il n’y avait rien d’autre. Rien que la porte donnant sur la salle de commande.
Une investigation de deux heures par Tina et Nate La Pan confirma ses dires. Le système de survie se composait :
D’une salle de commande dont les dimensions avoisinaient celles de la salle de commande d’un monoplace.
D’un gymnase pour chute libre, de dimensions équivalentes.
D’un coffre rempli de racines.
D’un énorme réservoir d’air. Il n’y avait pas de dispositifs de sécurité pour arrêter une fuite en cas de crevaison. Le réservoir était vide. Il avait dû être presque vide lorsque l’astronef avait atteint le système solaire.
D’un mécanisme très complexe de filtrage de l’air, sans doute destiné à éliminer la moindre trace de déchets biochimiques. Il avait été réparé de nombreuses fois.
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