Il ramena son regard au niveau du sol. Il manquait quelque chose.
Le Truc…
Il refit à toute allure le chemin qu’ils avaient parcouru.
La petite boîte noire se trouvait à l’endroit où il l’avait laissée. Les antennes étaient rentrées, et aucun voyant ne brillait.
— Truc ? demanda-t-il d’une voix hésitante.
Une lumière rouge s’alluma faiblement. Masklinn eut soudain un frisson, malgré la chaleur qui l’enveloppait.
— Tu vas bien ? demanda-t-il.
La lueur du voyant tremblota.
— Trop vite. Utilisé trop de puiss… , dit-il.
— De puiss ? demanda Masklinn.
Il essaya désespérément de ne pas se demander pourquoi le mot n’avait pas été plus fort qu’un grognement.
La lueur pâlit.
— Truc ? Truc ?
Il tapota doucement le boîtier.
— Ça a marché ? Le Vaisseau ? Il arrive ? Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? Réveille-toi ? Truc ?
La lueur s’éteignit.
Masklinn ramassa le Truc, le tourna et le retourna entre ses mains.
— Truc ?
Angalo et Gurder arrivèrent en toute hâte, Pionn sur leurs talons.
— Ça a marché ? s’enquit Angalo. Je ne vois pas encore le Vaisseau.
Masklinn se tourna vers eux.
— Le Truc s’est arrêté.
— Arrêté ?
— Toutes les lumières se sont éteintes.
— Mais alors, qu’est-ce que ça veut dire ?
Une expression de panique commençait à poindre chez Angalo.
— Je n’en sais rien !
— Il est mort ? demanda Gurder.
— Il ne peut pas mourir ! Il existe depuis des milliers d’années !
Gurder secoua la tête.
— Ça me semble une bonne raison de mourir.
— Mais, c’est… c’est un truc.
Angalo s’assit et serra ses genoux dans ses bras.
— Il a dit s’il avait tout arrangé ? Le Vaisseau arrive quand ?
— Mais écoute donc ! Ça ne te fait rien ? Il a utilisé sa réserve de puiss !
— De puiss ?
— Ça doit être un autre mot pour l’électricité. Il la puise dans les fils électriques et les machins comme ça, plus ou moins. Je crois qu’il est aussi capable de l’emmagasiner un moment. Et maintenant, il a dû arriver au bout de ses réserves.
Ils contemplèrent la boîte noire. Elle était passée de main en main pendant des millénaires, d’un gnome à l’autre, sans jamais prononcer un mot ni allumer un voyant. Elle ne s’était réveillée que lorsqu’on l’avait introduite dans le Grand Magasin, à proximité de l’électricité.
— Ça fiche la trouille de le voir comme ça, immobile sans rien faire, commenta Angalo.
— On ne peut pas trouver d’électricité ? demanda Gurder.
— Par ici ? Mais y en a pas ! rétorqua Angalo. On est au milieu de nulle part !
Masklinn se remit debout et regarda à la ronde. On distinguait tout juste des bâtiments au loin. Il y avait quelques mouvements de véhicules autour d’eux.
— Et le Vaisseau, alors ? Il arrive ou pas ? insista Angalo.
— J’en sais rien !
— Comment il va faire pour nous trouver ?
— J’en sais rien !
— Qui c’est qui le conduit ?
— J’en sais… (Masklinn s’interrompit, horrifié.) Personne ! Je veux dire… qui veux-tu qui le conduise ? Il n’y a eu personne à bord depuis des milliers d’années !
— Mais alors, qui devait l’amener jusqu’ici ?
— J’en sais rien ! Le Truc, peut-être ?
— Tu veux dire qu’il est en route et que personne ne le conduit ?
— Oui ! Non ! J’en sais rien ! !
Angalo regarda le bleu du ciel en plissant des yeux.
— Oh ! mince ! conclut-il sur un ton sinistre.
— Il faut trouver de l’électricité pour le Truc, décida Masklinn. Même s’il a réussi à appeler le Vaisseau, il faut expliquer au Vaisseau où nous nous trouvons.
— S’il a bel et bien appelé le Vaisseau, fit remarquer Gurder. Il a peut-être épuisé sa réserve de puiss avant d’en avoir eu le temps.
— On ne peut être sûr de rien, fit Masklinn. Et puis de toute façon, il faut aider le Truc. J’aime pas le voir dans cet état.
Pionn, qui avait disparu dans la végétation, revint en traînant un lézard derrière lui.
— Ah ! constata Gurder sans le moindre enthousiasme, voilà le repas de midi.
— Si le Truc parlait, on pourrait expliquer à Pionn qu’au bout d’un certain temps, le lézard, on s’en lasse, ajouta Angalo.
— Au bout de deux secondes, environ, précisa Gurder.
— Venez, conclut Masklinn sur un ton las. Allons nous mettre à l’ombre pour dresser un nouveau plan.
— Oh ! un plan, dit Gurder comme si c’était encore pire que du lézard. J’adore les plans.
Ils mangèrent – pas très bien – et se couchèrent en regardant le ciel. Leur bref repos en chemin n’avait pas suffi. Il était facile de céder à la torpeur.
— Je dois avouer que les Floridiens ont la belle vie, remarqua Gurder d’une voix paresseuse. À la maison, il fait froid et, ici, le chauffage central est réglé juste comme il faut.
— Je te répète que ce n’est pas le chauffage central, répliqua Angalo, les yeux concentrés sur le moindre signe d’un Vaisseau en phase de descente. Tout comme le vent n’est pas de la climatisation, non plus. C’est le soleil qui nous réchauffe.
— Je croyais que ça ne servait que pour l’éclairage, objecta Gurder.
— Et c’est de là que vient toute la chaleur, aussi. J’ai lu ça dans un livre. C’est une grosse boule de feu, plus grosse que le monde.
Gurder jeta au soleil un coup d’œil chargé de noirs soupçons.
— Ah bon ? Et qu’est-ce qui la fait tenir en l’air ?
— Rien. Elle est là, c’est tout.
Gurder regarda de nouveau le soleil.
— C’est un fait connu de tout le monde ?
— Je suppose, oui. C’était marqué dans le livre.
— Et tout le monde peut lire ça ? Moi, je trouve ça irresponsable. C’est le genre de chose qui peut vraiment paniquer les gens.
— Il y a des milliers de soleils, là-haut, dit Masklinn.
Gurder renifla.
— Oui, il m’a raconté ça. Ça s’appelle la galaxie, je crois. Pour ma part, je suis contre.
Angalo eut un petit rire.
— Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle, fit Gurder d’une voix glaciale.
— Dis-lui, Masklinn.
— C’est peut-être bien joli pour toi, marmonna Gurder. Tu ne penses qu’à une chose, conduire des engins à toute allure. Mais moi, je veux en connaître le sens. D’accord, il existe peut-être des milliers de soleils, mais pourquoi ?
— Je ne vois pas quelle importance ça peut avoir, répondit Angalo d’une voix nonchalante.
— C’est la seule chose qui compte vraiment. Dis-lui, Masklinn.
Tous deux se tournèrent vers Masklinn.
Du moins, vers l’endroit où Masklinn avait été assis.
Il n’était plus là.
Au-dessus du ciel, se trouvait l’endroit que le Truc avait appelé l’Univers. S’il fallait en croire le Truc, il contenait tout et rien. Et il y avait très peu de tout et bien plus de rien qu’il n’était possible à quiconque de l’imaginer.
Par exemple, on disait souvent que le ciel était rempli d’étoiles. C’était faux. Le ciel était plein de ciel. Il y avait des quantités infinies de ciel et, par comparaison, vraiment très peu d’étoiles.
C’était étonnant, par conséquent, qu’elles fassent une telle impression…
Des milliers d’entre elles contemplaient un objet rond et luisant qui dérivait autour de la Terre.
On avait peint Arnsat-1 sur son flanc, ce qui était vraiment un gaspillage de peinture, parce que les étoiles ne savent pas lire.
Il déploya un plateau argenté.
À ce moment-là, il aurait dû pivoter pour s’orienter vers la planète au-dessous de lui, paré à envoyer de vieux films et des nouvelles neuves.
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