Poul Anderson - Stella Maris

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Stella Maris: краткое содержание, описание и аннотация

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Les Germains s’éloignèrent. Un corbeau vola autour du mort, se percha sur son épaule, tendit le bec et engloutit un bout de chair. Un autre le rejoignit, puis un autre, et un autre encore. Leurs croassements résonnaient dans le vent qui faisait doucement osciller le cadavre.

6.

Everard accorda à Floris deux jours de repos à passer chez elle. Loin d’être une mauviette, c’était néanmoins une personne civilisée et douée de conscience, qui venait d’assister à des atrocités. Par chance, elle ne connaissait aucune des victimes et n’aurait pas à surmonter de sentiment de culpabilité. « Contactez un psychotech si les cauchemars persistent, lui conseilla-t-il. Mais n’oubliez pas que nous devrons réfléchir à la suite des événements à la lumière de nos observations, et aussi élaborer un plan d’action. »

Si endurci fût-il, il n’était pas mécontent de disposer lui aussi d’un bref répit qui lui permettrait d’assimiler ses impressions du Vieux Camp – visuelles, auditives et olfactives. Il passa des heures à se balader dans les rues d’Amsterdam, s’imprégnant de la douce ambiance des Pays-Bas du XXe siècle. Le reste du temps, il s’enfermait dans un bureau de l’antenne de la Patrouille, récupérant des fichiers de données – histoire, anthropologie, géographie physique et politique, bref tout ce qu’il trouvait – et s’en inculquant l’essentiel par imprégnation électronique.

Il ne s’était préparé à cette mission que de façon superficielle. Non qu’il lui soit possible à présent d’acquérir sur le sujet un savoir encyclopédique. Celui-ci n’était pas disponible. La préhistoire germanique n’attirait que de rares chercheurs, dispersés sur quantité de siècles et de kilomètres. Il existait tant de domaines apparemment plus intéressants, voire plus importants. Les données concrètes étaient fort rares. Floris et lui-même exceptés, aucun agent de la Patrouille ne s’était jamais préoccupé de Civilis. La rébellion dont il était responsable, et dont la seule conséquence avait été une légère amélioration du sort de son peuple, ne semblait pas justifier qu’un spécialiste de l’Empire romain y investisse du temps et des moyens.

Et peut-être était-ce la seule conséquence , songea Everard. Peut-être que ces variantes textuelles ont une explication toute simple, que les détectives de la Patrouille n’ont pas vue, et que nous ne chassons que des ombres. En tout cas, rien ne prouve qu’un agent extérieur ait cherché à manipuler les événements. Enfin, quelle que soit la réponse, il faut bien que nous la trouvions .

Le troisième jour, il passa un coup de fil à Floris depuis son hôtel et lui proposa de dîner ensemble, comme le soir de leur première rencontre. « On se contentera de bavarder et de se détendre, sans aborder la mission plus qu’il n’est nécessaire. Il sera temps demain de faire des plans. D’accord ? » Il lui demanda de choisir le restaurant, et ils convinrent de s’y retrouver.

L’Ambrosia proposait de la cuisine antillaise et guyanaise. Sis dans Stadthouderskade, dans un quartier paisible à proximité du Museumplein, il consistait en une salle discrète donnant sur le canal. Le cuisinier noir rejoignit la jeune et jolie serveuse pour commenter le menu dans un anglais parfait. Le vin était idéal pour accompagner leurs choix. Leur plaisir était peut-être accru par la sensation qu’ils avaient de savourer un éphémère instant de paix, de chaleur et de lumière, au sein des ténèbres sans fin de l’histoire.

« Je vais rentrer à pied, déclara Floris au moment du café. Il fait si beau ce soir. » Son appartement était distant de deux ou trois kilomètres.

« Je vous raccompagne, si vous le souhaitez », proposa Everard avec joie.

Elle sourit. Caressés par le crépuscule au-dehors, ses cheveux avaient l’éclat d’un soleil souvenu. « Merci. J’en suis ravie. »

L’air était d’une douceur exceptionnelle. Il embaumait le printemps, car la pluie l’avait lavé un peu plus tôt, et la circulation était quasi inexistante, à peine une rumeur en fond sonore. Un bateau fila sur le canal, laissant derrière lui un sillage argenté. « Merci, répéta-t-elle. C’était charmant. Exactement ce dont j’avais besoin.

— Parfait. » Il attrapa sa blague à tabac et bourra sa pipe. « Mais vous n’auriez pas tardé à vous ressaisir, j’en suis sûr. »

Ils s’éloignèrent du canal pour s’engager entre d’antiques façades. « Oui, j’ai déjà vu mon content d’atrocités. » La belle humeur que tous deux avaient veillé à entretenir pendant le dîner s’estompait déjà, mais Floris conservait une voix égale et une expression paisible. « Pas à cette échelle, non, mais j’ai vu des hommes tués ou blessés au combat, terrassés par la maladie et… et par un destin cruel. »

Everard acquiesça. « Oui, l’époque qui est la nôtre s’est distinguée dans ce registre, mais les autres n’ont pas grand-chose à lui envier. La différence, c’est qu’aujourd’hui on imagine que ça pourrait être mieux. »

Floris soupira. « Au début, vivre dans le passé, c’était romantique, mais…

— Et bien, vous avez choisi un milieu assez hostile. Quoique, à cette époque, c’était à Rome qu’on jouait au Grand-Guignol. »

Elle lui jeta un regard pénétrant. « Ne me dites pas que vous prenez encore les Barbares pour de nobles sauvages. C’est une illusion que j’ai très vite perdue. Ils sont aussi impitoyables que les Romains. Mais ils sont moins efficaces, c’est tout. »

Everard alluma sa pipe. « Pourquoi les avez-vous choisis comme sujet d’étude, si je puis me permettre ? D’accord, il fallait bien que quelqu’un se tape ce boulot, mais, avec votre bagage, vous auriez pu opter pour quantité d’autres sociétés. »

Elle sourit. « On a tenté de m’en convaincre à l’Académie, après que j’ai décroché mon diplôme. Un agent en particulier ne cessait de me vanter son cher duché du Brabant. Il était adorable. Mais moi, j’étais têtue.

— Pourquoi donc ?

— Plus j’y repense, moins mes motivations me semblent claires. Il semble qu’à l’époque… Oui, si ça ne vous dérange pas, j’aimerais vous l’expliquer en détail. »

Il lui tendit son bras. Elle le prit. Tous deux avançaient à la même allure, mais elle avait une foulée nettement plus souple. Il serrait le fourneau de sa pipe dans sa main libre. « Je vous en prie, dit-il. Je n’ai consulté votre dossier que pour apprendre le strict nécessaire, mais je ne peux m’empêcher d’être curieux. De toute façon, ce n’est pas là-dedans que j’aurais découvert grand-chose.

— Cela remonte à mes parents, je crois bien. » Elle avait les yeux tournés vers le lointain, une fine ride verticale lui creusait le front. Sa voix avait des accents presque rêveurs. « Je suis leur unique enfant, née en 1950. » Et sans doute plus âgée, en temps propre, qu’on ne le penserait en regardant le calendrier de cette année , se dit-il. « Mon père a grandi dans ce qu’on appelait alors les Indes orientales hollandaises. Rappelez-vous que ce sont les Hollandais qui ont fondé Djakarta, et que nous l’avions baptisée Batavia. Il était encore jeune lorsque les nazis ont envahi les Pays-Bas, peu avant que les Japonais ne déferlent sur l’Asie du Sud-Est. Il a combattu dans notre flotte, ou plutôt ce qu’il en restait. Ma mère, qui était encore lycéenne, a participé à la Résistance, plus précisément à la presse clandestine.

— Des gens valeureux, murmura Everard.

— Ils se sont connus après la guerre et se sont fixés à Amsterdam une fois mariés. Ils sont encore en vie et savourent leur retraite ; lui travaillait dans les affaires, elle enseignait l’histoire, l’histoire des Pays-Bas. » Oui , songea-t-il, à l’issue de chaque expédition, tu reviens le jour même où tu étais partie, car tu ne veux pas perdre une seule des heures qui te sont comptées avant leur mort, eux qui ignorent tout de tes activités. Je parie qu’ils sont déçus de ne pas avoir de petits-enfants . « Jamais ils ne se sont vantés de leurs faits de guerre. Mais je ne pouvais faire autrement que de vivre dans ce souvenir, de vivre dans le passé de mon pays. Est-ce du patriotisme ? Appelez cela comme il vous plaira. Ce sont les miens. Qu’est-ce qui a fait d’eux ce qu’ils sont ? Quelles sont leurs racines ? Cette question me fascinait et j’ai résolu d’entamer des études universitaires pour devenir archéologue. »

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