Poul Anderson - Stella Maris
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- Название:Stella Maris
- Автор:
- Издательство:Bélial'
- Жанр:
- Год:2008
- Город:Saint-Mammès
- ISBN:978-2-84344-086-1
- Рейтинг книги:5 / 5. Голосов: 1
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Poul Anderson
Stella Maris
I
Le jour, Niaerdh folâtrait parmi les phoques, les baleines et les poissons qu’elle avait créés. Du bout de ses doigts jaillissaient des goélands et des embruns qui s’envolaient sur les vents. Ses filles sur le bord du monde dansaient au son de ses chants, qui invoquaient la pluie céleste ou faisaient frissonner les eaux sous la caresse du soleil. Lorsque les ténèbres montaient à l’est, elle regagnait sa couche que ces ténèbres recouvraient. Mais elle se levait tôt le plus souvent, longtemps avant le soleil, pour veiller sur sa mer. Sur son front brillait l’étoile du matin.
Un jour, Frae arriva sur la grève. « Niaerdh, je t’appelle ! » cria-t-il. Seuls les rouleaux lui répondirent. Il porta à ses lèvres son cor Rassembleur et souffla. Les cormorans fuirent les récifs en criaillant. Puis il tira son épée du fourreau et frappa du plat le flanc du taureau Ebranleur sur lequel il était monté. Le beuglement qui suivit poussa l’eau à jaillir des puits et les rois défunts à s’éveiller dans leurs tumulus.
Alors Niaerdh vint à lui. Furieuse, elle vogua sur un iceberg, vêtue de brume et tenant dans sa main le filet dans lequel elle pêche les navires. « Pourquoi oses-tu me déranger ? lui jeta-t-elle, et ses mots étaient comme des grêlons.
— Je veux t’épouser, lui dit-il. J’ai été aveuglé par la lumière de tes seins, entraperçue dans le lointain. J’ai chassé ma sœur. Mon désir est si fort que la terre en est dolente et que toutes les pousses s’étiolent. »
Niaerdh éclata de rire. « Que peux-tu m’offrir que mon frère ne possède point ?
— Une maison au toit haut, déclara-t-il, de riches offrandes, de la viande chaude pour ton tranchoir et du sang bouillant pour ton bol, la seigneurie des semailles et des moissons, de la copulation, de la naissance et de la vieillesse.
— Tous ces biens-là sont précieux, concéda-t-elle, mais si je persistais à me détourner d’eux ?
— Alors toute vie quittera la terre et te maudira en périssant, prévint-il. Mes flèches voleront jusqu’aux chevaux du Soleil et les tueront. Lorsqu’il tombera dans les flots, la mer se mettra à bouillir ; et ensuite, elle gèlera sous une nuit qui ne connaîtra plus l’aurore.
— Non, dit-elle, car auparavant j’aurai englouti ton royaume sous les vagues et je l’aurai noyé. »
Ils observèrent un moment de silence.
« Nous sommes forts tous les deux, dit-elle. Mieux vaut que nous nous abstenions de détruire le monde. Je viendrai à toi au printemps, avec ma dot de pluie, et ensemble nous parcourrons la terre pour la bénir. Toi, tu m’offriras en cadeau le taureau sur lequel tu es monté.
— C’est beaucoup trop, protesta Frae. En lui réside une puissance capable d’enfanter la terre. Il disperse les ennemis, les étripe et les piétine, il dévaste leurs champs. La roche tremble sous ses sabots.
— Tu pourras le garder sur terre et en user comme avant, répondit Niaerdh, sauf lorsque j’en aurai besoin. Mais il sera mien et, le moment venu, je l’appellerai à moi pour toujours. » Au bout d’un temps, elle reprit : « Chaque automne, je te quitterai pour regagner ma mer. Mais je te reviendrai chaque printemps. Ainsi en ira-t-il cette année, puis toutes les années à venir.
— J’espérais bien plus, dit Frae, et si nous scindons nos efforts, je crains que les dieux de la guerre n’en profitent. Mais il était écrit que telle serait ta volonté. Je t’attendrai quand le soleil tournera au nord.
— Je viendrai à toi sur l’arc-en-ciel », promit Niaerdh. Et il en fut ainsi. Et il en est ainsi.
1.
Vue depuis les remparts du Vieux Camp, la nature était terrifiante. En cette année de sécheresse, le ruban étincelant du Rhin à l’est avait rétréci. Les Germains le franchissaient sans peine, alors que les bateaux venus approvisionner les avant-postes sur la rive gauche s’échouaient souvent, risquant de tomber entre les mains de l’ennemi avant qu’on ait pu les dégager. On eût dit que les rivières mêmes, les antiques défenses de l’Empire, désertaient le camp de Rome. Dans les forêts de l’autre rive, dans les bosquets de celle-ci, les feuilles brunies tombaient sur le sol et se flétrissaient. Les champs cultivés, déjà grillés avant la guerre, étaient devenus cendres plutôt que bourbiers, et une fine poussière colorait de gris les ruines calcinées sous un ciel cuivré.
C’était comme si on avait semé des dents de dragons, car la terre donnait aujourd’hui des hordes de Barbares. Des colosses blonds rassemblés autour de leurs emblèmes, évocateurs de clairières sacrées et de rites sanglants, bourdons ou litières, empilements de crânes ou gravures grossières, images d’ours, de sangliers, de bisons, d’aurochs, d’élans, de cerfs, de chats sauvages, de loups. La lueur du couchant accrochait les fers de lance, les ombons, les quelques casques et les rares cuirasses et cottes de mailles, prélevées sur la dépouille d’un légionnaire. La plupart d’entre eux ne portaient qu’une tunique et des braies, quand ils n’allaient pas torse nu, quelques-uns se revêtaient d’une peau de bête. Ils grondaient, aboyaient, criaient, rugissaient, tapaient du pied, produisant une rumeur de tonnerre lointain.
Oui, lointain. En scrutant leur masse par-delà les ombres qui s’étiraient vers lui, Munius Lupercus remarqua de longs cheveux noués sur les tempes ou au sommet du crâne. C’était là le style des tribus suèves du cœur de la Germanie. Sans doute ne s’agissait-il que de petites bandes ayant suivi jusqu’ici des capitaines aventureux, mais cela prouvait que l’influence de Civilis était déjà bien répandue.
La plupart des guerriers portaient des tresses ; certains les teignaient en rouge ou les taillaient en pointe, à la manière des Gaulois. C’étaient des Bataves, des Canninéfates, des Tongres, des Frisons, des Bructères et autres indigènes – redoutables non point à cause de leur nombre, mais parce qu’ils connaissaient les us romains. Oh ! voici un escadron de Tenctères, tels des centaures sur leurs poneys, brandissant lances et bannières, l’arc calé sur le pommeau de la selle, la cavalerie des rebelles !
« Nous allons avoir une nuit agitée, dit Lupercus.
— Comment le sais-tu, sire ? » La voix de l’ordonnance était mal assurée. Ce n’était qu’un gamin, promu en hâte pour remplacer feu Rutilius, un homme d’expérience. Quand cinq mille soldats fuient le champ de bataille pour se réfugier dans la forêt, suivis de dix à quinze mille civils, on prend ce que l’on trouve.
Lupercus haussa les épaules. « J’ai appris à connaître leurs humeurs. »
Ils n’envoyaient pas que des signaux subtils. Par-delà le fleuve, par-delà la masse tumultueuse des mâles, la fumée montait au-dessus des chaudrons et des broches. Les femmes et les enfants des environs étaient venus encourager les hommes au combat. On entendait à nouveau monter leur mélopée. Un son qui gagnait en force et en volume, dont le rythme vous faisait grincer des dents : ha -ba-da, ha -ba, ha -ba-da-da. De plus en plus d’oreilles se tournaient vers lui, et il devenait le centre du chaos.
« Je ne pense pas que Civilis souhaite passer à l’action », déclara Aletus. Lupercus avait relevé le centurion de ce qui subsistait de son commandement, pensant que les conseils de ce vétéran lui seraient précieux. Aletus désigna le glacis au pied de la palissade. « Les deux derniers assauts lui ont coûté beaucoup. »
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