Durant toute la campagne, les S.S. et les Chevaliers s’étaient parfaitement acquittés de leur tâche. Les interpellateurs qui harcelaient tous les orateurs des meetings du Svastika avaient à peine ouvert la bouche que leurs crânes éclataient sous les massues S.S. ; les Chevaliers patrouillaient partout, à tel point qu’aucun Universaliste ou orateur bourgeois ne pouvait émettre un son devant quelques auditeurs sans devenir aussitôt l’infortunée cible de leurs poings d’acier. Trois fois les Universalistes avaient tenté de tenir des meetings géants, trois fois les troupes motorisées avaient dispersé cette vermine.
Aujourd’hui, cependant, il fallait s’attendre que les Universalistes et les Doms fissent de leur mieux. Alors que sa voiture suivait le vapeur blindé le long de l’avenue Torm, fosse septique flanquée de part et d’autre de bidonvilles puants, Feric saisit fermement la poignée de la Grande Massue, impatient de passer à l’action.
« Commandeur, regardez ! » s’écria soudain Best, désignant du canon de son pistolet-mitrailleur le haut de l’avenue. Une grossière barricade de poutres, de caisses et de toutes sortes de débris et d’immondices avait été dressée en travers de la rue pour barrer le passage aux motards. Derrière la barricade se tenait une horde stupide de pauvres hères répugnants contrôlés par les Doms, armés de bâtons, de couperets, de couteaux et de tout ce qui leur était tombé sous la main ; ces malheureux aux yeux fous envahissaient la rue aussi loin que portait le regard.
Flottant au-dessus de cette masse fétide, des loques bleues et graisseuses étaient frappées de l’étoile jaune cerclée : oriflamme des Universalistes, contrôlés par les Doms.
« N’ayez crainte, Best, dit Feric, nous allons rapidement nous débarrasser de cette vermine ! » En effet, le vapeur avait été aménagé précisément pour parer à ce genre d’éventualité.
À vingt mètres de la barricade, les mitrailleurs ouvrirent le feu. De la populace qui ricanait derrière le barrage s’élevèrent soudain des cris de douleur et d’épouvante, ses rangs immédiatement ensanglantés ayant été décimés par la grêle de balles. Des dizaines de créatures, perdant leur sang par d’innombrables blessures, s’écroulèrent. Leurs camarades piétinèrent morts et blessés, se bousculant, s’agrippant les uns aux autres dans une tentative frénétique et futile pour échapper aux troupes du Svastika ; mais, la rue étant bouchée sur toute sa longueur, cette manœuvre apparut aussi impossible que lâche.
Le soc du vapeur pénétra dans la grossière barricade à quarante kilomètres/heure, la réduisant en miettes et repoussant les débris sur le côté. Les mitrailleurs S.S. tirèrent des volées de balles dans les maisons immondes qui bordaient la rue, augmentant la panique.
« En avant ! » s’époumona Feric, agitant très haut la Grande Massue de Held. Lorsque les armes du vapeur se furent tues, la voiture de commandement, entourée de sa garde d’honneur de motards S.S., entraîna l’immense formation de fantassins et le vapeur droit sur la vermine universaliste.
Les massues des Chevaliers se levaient et s’abattaient comme des marteaux-pilons, écrasant au sol les créatures hurlantes ; des chaînes tournoyaient dans l’air comme des ailes de moulin à vent, ouvrant les crânes universalistes comme des coquilles d’œufs. Tout à coup, une douzaine d’hommes gigantesques portant de longs couteaux plongèrent à travers l’écran des motards vers la voiture de commandement, leurs yeux luisants de la frénésie stupide des esclaves des Doms, la bave écumant à leurs lèvres.
« Commandeur ! » hurla Best, réduisant en pièces deux de ces infortunés avec sa mitraillette. Feric perçut la puissance illimitée du Commandeur d’Acier dans ses veines ; avec un sauvage cri de guerre, il brandit sans effort la massue. Elle frappa les deux premiers assaillants à la poitrine et pénétra dans leur chair comme si elle eût été de quelque matière crémeuse et les coupant en deux dans un jaillissement d’organes et de sang. Dans son élan, Feric brisa encore trois crânes, tandis que Remler et Best s’occupaient des autres adversaires avec leurs mitraillettes.
Comme un troupeau de bœufs paniqués ou de porcs fous de terreur, les pauvres bougres reculèrent frénétiquement, écrasant des dizaines des leurs dans leur lâche désir d’échapper à la colère irrésistible des forces du Svastika. Tandis que la colonne remontait l’avenue Torn, des escadrons de Chevaliers et de S.S. pénétrèrent dans les taudis sordides et en sortirent de louches individus qui s’étaient tenus à l’écart de la mêlée, certainement des Doms ; aussi furent-ils exécutés sur-le-champ. Puis, une fois les habitations débarrassées de leur vermine, on y mit le feu pour faire bonne mesure.
Tandis que la colonne avançait de plus en plus vite vers le Parc des Chênes, la voiture de Feric traversa un couloir de feu et de fumée : les habitations et les taudis malodorants de Borburg se consumaient dans les flammes purificatrices. La rue était jonchée, en plus des ordures habituelles, des corps brisés des Dominateurs et de leurs laquais universalistes. Une silhouette furtive jaillie de l’embrasure d’un immeuble en flammes fut coupée en deux par une rafale de Best.
Tout à coup, l’un des corps qui allait passer sous les roues du véhicule de Feric se dressa d’un bond, s’agrippa à la carrosserie et, pointant une longue dague souillée de sang vers la gorge de Feric, hurla : « Meurs, ordure humaine ! » Incapable de mettre en œuvre le Commandeur d’Acier, Feric empoigna de sa main gauche la gorge du Dom hurlant et serra jusqu’à ce que les yeux de la créature lui sortent de la tête ; puis il renvoya le corps d’où il était venu.
La colonne eut tôt fait d’atteindre la rue Lormer, en bordure du Parc des Chênes. C’était une vaste étendue d’herbe en friche couverte d’un monceau d’immondices. Les miasmes putrides caractéristiques du Borburg régnaient également sur cet espace libre, et le socle de béton du récepteur de télévision publique avait été barbouillé de graffiti obscènes et d’ignobles slogans politiques. Le parc disparaissait sous une multitude composée de la pire racaille ; dix mille crapules pour le moins, armées de bâtons, de couteaux, de massues et d’armes à feu, assoiffées de sang par leurs maîtres invisibles.
Feric agita par trois fois le Commandeur d’Acier au-dessus de sa tête, et à ce signal s’exécuta une manœuvre compliquée, avec une précision et un allant magnifiques. Les S.S. jaillirent de la cabine du vapeur, fers de lance des deux grandes phalanges de Chevaliers, qui avancèrent dans la rue Lormer, chacune dans une direction opposée, poussant la populace devant elles et débarrassant la route de l’ennemi. D’autres Chevaliers remontèrent l’avenue Torm vers la rue Lormer pour faire leur jonction avec les phalanges. Toute la longueur de la rue face au parc se trouva bientôt entièrement occupée par une formation serrée de Chevaliers.
Un bref silence s’appesantit sur la scène, brisé seulement par les crépitements du feu et le vrombissement des moteurs, quand la lâche canaille peuplant le parc se découvrit soudainement confrontée à un véritable mur de héros vêtus de cuir brun. Leur terreur s’exprima dans un énorme gémissement collectif. Puis, à un second signal de Feric, le centre de la formation s’ébranla, et les motards S.S., noir et chrome, avancèrent en tête de la ligne des tirailleurs, formant devant les fantassins un bouclier résolu de motos d’acier. Puis la voiture de Feric émergea pour prendre position au centre de cette ligne de héros. Les Chevaliers motorisés et les autres fantassins, sous les ordres de Stag Stopa, firent un large crochet à travers les rues en flammes de Borburg pour atteindre l’autre côté du Parc des Chênes et couper toute retraite.
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