Robert Wilson - Les derniers jours du paradis

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Les derniers jours du paradis: краткое содержание, описание и аннотация

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Alors que l’Amérique se prépare à fêter les cent ans de l’Armistice de 1914, un siècle de paix mondiale, d’avancées sociales et de prospérité, Cassie n’arrive pas à dormir. Au milieu de la nuit, elle se lève et va regarder par la fenêtre. Elle remarque alors dans la rue un homme étrange qui l’observe longtemps, traverse la chaussée… et se fait écraser par un chauffard. L’état du cadavre confirme ses craintes : la victime n’est pas un homme mais un des simulacres de l’Hypercolonie, sans doute venu pour les tuer, son petit frère et elle. Encore traumatisée par l’assassinat de ses parents, victimes sept ans plus tôt des simulacres, Cassie n’a pas d’autre solution que de fuir. L’Hypercolonie est repartie en guerre contre tous ceux qui savent que la Terre de 2014 est un paradis truqué.

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Il la regarda du balcon, le visage crispé par la peur et le doute.

« Je t’attraperai si tu tombes. Tu me fais confiance ? »

Le garçon hocha la tête.

« Très bien. Viens… Il faut se dépêcher. »

Il tomba dans ses bras et elle sentit sa cheville se dérober à nouveau. Tous deux s’effondrèrent sur le trottoir crasseux, mais sans mal.

« Tiens-toi à moi », dit-elle en se relevant.

Thomas glissa sa main brûlante de fièvre dans la paume de sa tante. Nerissa s’éloignait en boitillant quand un aide serveur du restaurant situé trois maisons plus loin sortit dans la ruelle : « ¿ Estás bien ? ¿ Necesita ayuda ?

Estamos bien , gracias », cria-t-elle par-dessus son épaule juste avant de tourner au coin.

Ils prirent un bus urbain dans le quartier des affaires d’Antofagasta, en descendirent quand Nerissa repéra un Holiday Inn qui semblait accueillir une clientèle américaine. Ses mains égratignées et son jean déchiré lui valurent des coups d’œil en coin du personnel dans le hall, mais les billets qu’elle déposa sur le comptoir de la réception prévinrent toute question embarrassante.

Une fois dans leur chambre, elle débarbouilla Thomas — qui se laissa faire en la regardant d’un air impassible — et l’incita à s’allonger. Il obtempéra sans une plainte ni un mot.

Elle alluma le téléviseur, baissa le volume et tira une chaise devant l’écran. Elle se méfiait toujours autant de la télévision et de la radio, mais ne disposait d’aucune autre source d’informations. TVN ouvrit son journal local du soir par un reportage sur l’attaque, présentée comme une affaire de meurtre multiple pouvant être liée à la drogue. La police rechignait à divulguer le nombre de victimes, sûrement à cause de la nature problématique des cadavres des sims. Il y avait eu, précisa le bulletin, « trois victimes confirmées, deux hommes et une femme ». Si la femme était Beth Vance, les deux hommes devaient être Eugene Dowd et Leo ou Werner Beck.

Ce qui voulait dire que Cassie s’était enfuie. Nerissa avait enfin un espoir auquel s’accrocher. Même si cela signifiait aussi qu’elle ne reverrait peut-être plus jamais sa nièce. Celle-ci pourrait essayer de rentrer aux États-Unis, où elle retrouverait peut-être le cercle de survivants de Buffalo, mais ce n’était pas certain. Peut-être valait-il mieux qu’elle n’en fasse rien.

Nerissa se releva, mangea et fit manger à Thomas ce qu’elle trouva dans le minibar (chocolat, biscuits salés, jus d’orange), consola le garçon d’une voix douce, finit par le coucher et le border. Elle revint ensuite devant le poste, à l’affût de nouvelles informations. Il n’y en eut aucune. À minuit passé, le journal céda la place à un film hollywoodien doublé sorti plusieurs décennies auparavant.

Les pensées de Nerissa commençaient à ne plus avoir ni queue ni tête. Elle était épuisée mais, davantage que de la fatigue et du désespoir, elle sentait en elle comme un vide croissant. Elle se dit qu’elle ferait mieux d’aller au lit, mais se relever lui semblait au-dessus de ses forces. Elle préféra se recroqueviller davantage encore sur la chaise et laisser ses paupières se fermer. L’étrange espagnol précipité des voix doublées devint bruit. Le silence est profond comme l’Éternité ; la parole superficielle comme le temps. De qui était-ce ? De Samuel Johnson, se dit-elle. Non, de Thomas Carlyle. Elle ne se souvenait pas.

32

L’Atacama

Cassie s’écarta pour laisser son oncle examiner le contenu de la camionnette. Elle s’efforça de ne pas penser aux sims sur le sol autour d’elle, inanimés mais toujours vivants. La tour de lancement se dressait au-dessus d’elle comme une fleur nocturne. Un vent glacé traversait les installations, soulevant des trombes de poussière miniatures dans les rues. Elle frissonna.

Ethan sortit du camion l’appareil à radio-interférences de Werner Beck, appareil qu’il mit de côté en le qualifiant de « réalisation inutile d’un vœu pieux ». Par-dessus son épaule, Cassie vit des piles de ce qui ressemblait à des lingots de plomb dans du papier sulfurisé rouge. « Suffisant pour provoquer des dégâts, dit son oncle. Mais on n’a que trois jeux de minuteurs et de piles.

— C’est grave ?

— On peut placer des charges dans la chambre de reproduction, la zone des génératrices et sous le mécanisme de lancement.

— Ça suffira ?

— J’espère. »

Il remonta dans la camionnette — cette fois au volant et sans paraître se soucier du mélange de sang et de matière verte —, fit signe à Cassie de le rejoindre. Non , pensa-t-elle. Revenir dans cet endroit puant où la chose-Leo s’était vidée de son sang ? Impossible. Ses pieds la firent néanmoins avancer. Une espèce d’instinct stupide qui ne pouvait pas être du courage l’obligea à grimper à bord. Elle se retint de se boucher les oreilles quand l’oncle Ethan démarra. Elle prit soin de ne pas regarder le ciel nocturne disparaître derrière elle.

Ce que l’oncle Ethan appelait « chambre de reproduction » se trouvait au bout d’une longue descente dans un dédale d’autres pentes et couloirs du même genre. À plusieurs reprises, des véhicules immobilisés ou des corps entassés leur bloquèrent le passage. L’oncle Ethan acquit une certaine habileté à faire rouler les premiers à l’écart ; Cassie l’aida deux fois à tirer sur le côté des sims inertes. Surtout des sims humains, mais aussi quelques-uns des autres. Des bizarres. Les membres couverts d’une fourrure dense et humide, ils dégageaient une odeur chimique évoquant la térébenthine. Ceux aux petites mains à six doigts étaient désagréables à regarder, mais moins que ceux qui avaient des pinces comme des ouvre-boîtes.

La chambre de reproduction fit penser Cassie à une immense salle de soins cruellement impersonnelle. Il y avait de longues rangées de lits, souvent encore occupés par des sims femmes visiblement enceintes, le long de files de ce qui devait être des couveuses mécaniques. Leurs parois en verre étaient recouvertes de condensation, mais Cassie distingua à travers des silhouettes déformées de nourrissons. Certains semblaient humains, d’autres non. Tous respiraient. Pire, respiraient à l’unisson .

L’oncle Ethan empila environ un tiers des blocs incendiaires près de la série de couveuses. Il sertit et inséra des amorces, déroula les câbles jusqu’à l’allumeur, mais hésita sur la durée à programmer.

« Le minuteur est relié au détonateur électrique, indiqua Cassie. La chose-Leo m’a dit comment le faire fonctionner. »

L’oncle Ethan lui jeta un coup d’œil incisif. « Ah bon ?

— Il m’a dit que c’était ce qu’il voulait. Qu’il voulait mourir. Enfin, l’hypercolonie . Ou ce qu’il en restait… la part-Leo de l’hypercolonie. »

Elle répéta le peu dont elle se souvenait de ce que Leo voulait lui faire retenir sur les explosifs. « Il disait vouloir qu’on détruise cet endroit parce qu’une espèce de parasite en avait pris le contrôle. C’est vrai ?

— Possible.

— Mais ça signifie que Leo, ou la chose-Leo, faisait partie de l’hypercolonie d’origine.

— Oui.

— Qu’il est ce qui a tué mes parents.

— Oui.

— Pourtant, on fait comme il veut.

— Pour nos raisons à nous, Cassie.

— Il se sert de nous, tout comme l’hypercolonie l’a toujours fait. »

L’oncle Ethan torsada un fil qu’il connecta à une cosse. « Aucune importance. Si on les tue, on les tue tous. Les uns comme les autres. » Il lui montra le minuteur, qui évoquait un assemblage hétéroclite d’articles de quincaillerie. « Soixante minutes. Note l’heure et garde l’œil sur ta montre. Je ferai pareil avec la mienne. »

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