Frank Herbert - Les yeux d'Heisenberg

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Les yeux d'Heisenberg: краткое содержание, описание и аннотация

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Les optimhommes. Hautains, inapprochables, sans bouger de leur sphère ils dirigent le monde. Avec l’insouciance que leur donne l’immortalité. Dans l’ombre, les mystérieux Cyborgs, mi-hommes, mi-robots, guettent l’instant favorable à la prise du pouvoir. Les « Ordinaires », enfin, ne sont guère que des esclaves soutenus par leur rêve permanent : triompher de la stérilité.

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— Regardez ce que vous avez fait, s’exclama Harvey.

Avec un soupir, Igan lui tendit une pilule.

— Donnez-lui cela.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Un simple sédatif.

— Je ne veux pas de… sédatif ! hoqueta Lizbeth.

— C’est pour votre bien, ma chère, fit remarquer Igan. Une telle crise pourrait décrocher l’embryon. Vous devriez rester calme ; l’opération est encore récente.

— Elle n’en veut pas, répéta Harvey, les yeux étincelants de colère.

— Il faut qu’elle la prenne, insista Igan.

— Si elle veut.

Igan s’efforça de conserver un ton pondéré.

— Durant, je ne fais qu’essayer de sauver nos vies. Vous êtes en colère et vous…

— Bon Dieu, oui, je suis en colère. J’en ai plus qu’assez qu’on me donne des ordres.

— Si je vous ai vexé, je vous en demande pardon, répondit le chirurgien. Mais je dois vous prévenir que votre réaction est conditionnée par votre modelage génétique : vous avez un surplus d’instinct de protection. Rassurez-vous, votre femme ira bien, ce sédatif est complètement inoffensif. Elle, de son côté, est victime d’un trop-plein d’instinct maternel. Votre modelage est défectueux, mais si vous conservez votre sang-froid, vous vous en tirerez bien tous les deux.

— Qui a dit que notre modelage génétique était défectueux ? demanda Harvey. Je parie que vous n’êtes qu’un Stéri qui n’a jamais…

— Durant, ça suffit, interrompit Boumour d’une voix basse et caverneuse.

Harvey regarda le second chirurgien et fut frappé par le contraste entre la petite tête de lutin et le gros corps. L’homme lui parut d’une force inquiétante ; à ses yeux, son visage n’avait plus rien d’humain.

— Nous ne pouvons pas passer notre temps à nous quereller, gronda Boumour. Nous devons approcher du poste de contrôle, ils auront à coup sûr des appareils d’écoute.

— Nous ne sommes pas ratés, grommela Harvey.

— Peut-être pas, répondit Igan. Mais une chose est certaine, vous êtes tous les deux en train de diminuer nos chances de fuite. Si l’un de vous craque à ce contrôle, nous sommes perdus. Il tendit la pilule à Lizbeth. Je vous en prie, madame, prenez-la. Elle ne contient qu’un tranquillisant, sans danger aucun, je m’en porte garant.

Lizbeth prit la capsule avec hésitation. Elle lui parut froide, gélatineuse – répugnante. Elle aurait bien aimé la jeter à la figure du médecin, mais Harvey lui caressa la joue.

— Tu ferais peut-être mieux de la prendre. À cause du bébé.

Elle porta la main à sa bouche, projeta la pilule dans sa gorge. Si Harvey était d’accord… Cependant, elle n’aimait pas la vexation qu’elle lisait dans son regard.

— Détendez-vous maintenant, dit Igan. Ça agit vite ; dans trois ou quatre minutes, vous vous sentirez parfaitement bien. Il s’adossa à son siège et jeta un coup d’œil à Svengaard. Le paquet entortillé semblait encore plongé dans l’inconscience ; la poitrine se soulevait et s’abaissait à un rythme régulier.

Depuis un long moment, à ce qu’il lui semblait, une faim grandissante tenaillait Svengaard. Il avait aussi conscience des mouvements et des virages qui envoyaient son corps cogner contre une surface dure. Les mouvements créaient une sensation de vitesse ; une odeur de transpiration humaine lui chatouillait les narines. Le rugissement des turbines qui lui parvenait commençait à l’indisposer. Une lumière faible et papillotante tentait de se frayer un chemin entre ses paupières lourdes. Il sentit qu’un bâillon lui bordait les lèvres et que des liens emprisonnaient ses pieds et ses mains. Il ouvrit les yeux. D’abord il eut du mal à accommoder son regard ; peu à peu, il parvint cependant à distinguer un plafond bas au-dessus de lui et, dans un coin, un tube lumineux surmonté par le grillage d’un haut-parleur et flanqué d’un avertisseur rouge sombre. Le tube lumineux produisait un éclat jaunâtre qui dissipait mal les ténèbres environnantes. Le plafond lui parut trop proche de lui. Il perçut une ombre qui s’étirait à sa droite : une jambe lancée au-dessus de son corps. À ce moment, l’avertisseur se mit à clignoter ; des éclairs rouges intermittents.

— Le contrôle ! souffla Igan. Silence, tout le monde !

Les cinq passagers sentirent le camion ralentir. La suspension aéropneumatique se fit de plus en plus douce ; les turbines gémirent avec la décélération, et s’arrêtèrent en un soupir. Le véhicule s’immobilisa.

Le regard de Svengaard explora le compartiment, au-dessus de lui, sur la droite ; un banc rudimentaire… deux silhouettes assises. Une pointe métallique dépassait des montants de la banquette et frôlait sa joue. Svengaard rapprocha la tête avec des mouvements lents et précautionneux et il sentit bientôt le métal effleurer sa chair à travers le bâillon. Il poussa légèrement la tête. Le bâillon descendit un peu. Une nouvelle poussée et le bâillon glissa encore d’un dixième de millimètre. Il tourna les yeux pour surveiller les environs et vit, au-dessus de lui à gauche, Lizbeth, les yeux clos, les mains devant la bouche. Une impression d’angoisse intense se dégageait de toute sa personne.

Le chirurgien bougea de nouveau la tête.

On entendait des voix dans le lointain : des questions impératives, un murmure de réponses.

Les mains de Lizbeth s’abaissèrent, dégageant sa bouche ; elle bougea les lèvres sans émettre un son.

À l’extérieur, le bruit des voix avait cessé. Le camion se remit lentement en marche.

Svengaard tourna la tête. Le nœud du bâillon lâcha à ce moment-là ; il le cracha et se mit à hurler : « Au secours ! Au secours ! Je suis prisonnier ! »

Igan et Boumour sursautèrent. Lizbeth hurla :

« Non, oh non ! »

D’un seul élan, Harvey bondit sur ses pieds, écrasa son poing sur la mâchoire de Svengaard et s’abattit sur lui, une main plaquée contre la bouche du chirurgien. Tandis que le camion continuait à prendre de la vitesse, tous les cinq restèrent immobiles, l’oreille tendue, aux aguets.

Igan reprit péniblement son souffle et plongea les yeux dans les yeux écarquillés de Lizbeth.

— Que se passe-t-il ? (La voix du chauffeur leur parvint à travers le grillage du haut-parleur.) Vous ne pouvez donc pas respecter les précautions les plus élémentaires ?

Le ton froid et accusateur pétrifia Harvey sur place et l’amena à s’interroger sur le chauffeur. Pourquoi cet être avait-il employé ce ton au lieu de leur indiquer s’ils avaient été repérés ? Il aperçut à ce moment Svengaard gisant à ses pieds, inconscient. Mu par une impulsion violente, il eut envie de l’étrangler sur-le-champ, il sentait déjà ses mains se nouer autour de la gorge.

— Nous ont-ils entendus ? chuchota Igan.

— Apparemment, non, grinça le conducteur. Aucun signe de filature. Je suppose que vous ne vous permettrez plus un écart de ce genre. Expliquez-moi ce qui est arrivé, je vous prie.

— Svengaard s’est réveillé plus tôt que prévu.

— Mais il était bâillonné.

— Il… a réussi, on ne sait comment, à se débarrasser de son bâillon.

— Vous devriez peut-être le tuer. Il est évident qu’il ne supportera pas un reconditionnement.

Harvey s’écarta brusquement de Svengaard. La suggestion du Cyborg avait annihilé en lui tout désir de meurtre. Mais qui donc conduisait le camion ? Les Cyborgs se ressemblaient tous : autant de personnalité qu’un ordinateur défiant toute concurrence humaine. Celui-ci semblait encore plus distant que les autres.

— Bien, nous… allons voir ce que nous allons faire, dit Igan.

— Svengaard est-il hors d’état de nuire ?

— On s’est occupé de lui.

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