Isaac Asimov - Cailloux dans le ciel

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Cailloux dans le ciel: краткое содержание, описание и аннотация

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Pour Joseph Schwartz, la chose arriva à l’instant où il avait un pied en l’air. Il se trouvait dans la ban­lieue de Chicago et s’apprêtait à enjamber une poupée de chiffon. Lorsqu’il reposa le pied, après avoir éprouvé une fugitive impression de vertige, sa chaussure s’enfonça dans l’herbe. Il était alors dans une forêt.
Ce qu’ignorait Joseph Schwartz, c’est qu’il ne s’était pas déplacé dans l’espace, mais qu’il avait effec­tué un immense bond dans le temps. Désormais, la Terre n’était plus qu’une petite planète d’intérêt stratégique secondaire dans l’im­mense empire galactique dirigé de­puis Trantor.
La présence d’un homme venu du passé ne va-t-elle pas modifier les rapports de force existant entre les Terriens et la garnison de soldats impériaux ?

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— Oui, s’écria Schwartz d’une voix vibrante de défi. Et je regrette de ne pas avoir une queue à vous montrer. Je suis venu du passé. J’ai franchi le temps. Mais je ne sais ni comment ni pourquoi. Maintenant, laissez-moi en paix. (Mais il ajouta subitement :) Ils vont bientôt venir nous chercher. Cette attente est simplement destinée à nous briser.

— Comment le savez-vous ? s’enquit Arvardan. Qui vous l’a dit ?

Comme Schwartz demeurait muet, il insista :

— Le secrétaire ? Un individu trapu au nez camard ?

Schwartz ne pouvait connaître l’aspect physique de ceux qu’il ne touchait que par le truchement de son esprit mais ce titre de secrétaire… Il avait eu un contact fugace mais intense avec un homme puissant, et il avait bien l’impression qu’il exerçait les fonctions de secrétaire.

— Balkis ? demanda-t-il avec curiosité.

— Quoi ?

Mais Shekt interrompit Arvardan :

— C’est le nom du secrétaire.

— Ah ! Que vous a-t-il dit ?

— Il ne m’a rien dit, laissa tomber Schwartz. Je sais. Nous mourrons tous et il n’y a pas moyen d’y échapper.

— Il est fou, vous ne croyez pas ? fit l’archéologue en baissant la voix.

— Je me le demande… Ses sutures crâniennes étaient primitives… très primitives.

Arvardan était interloqué.

— Vous voulez dire… Mais voyons, c’est impossible !

— Je l’avais toujours supposé.

L’intonation de Shekt était plus proche de la normale, comme si l’existence d’un problème scientifique faisait reprendre à sa pensée l’ornière du détachement objectif étranger aux questions d’ordre personnel.

— On a calculé la quantité d’énergie qui serait nécessaire pour déplacer la matière le long de l’axe temps et la valeur que l’on a obtenue était supérieure à l’infini et l’on a toujours considéré que c’était un projet utopique. Mais des chercheurs ont émis l’hypothèse de la présence éventuelle de « failles temporelles » analogues aux failles géologiques. D’abord, il y a des vaisseaux qui se sont volatilisés presque sous les yeux de témoins. Il y a eu, à une époque ancienne, le cas célèbre de Hor Devallow qui, un jour, est rentré dans sa maison et n’en est jamais ressorti. Il n’était pas non plus à l’intérieur… Il y a aussi cette planète répertoriée dans les manuels galactographiques du siècle dernier, que trois expéditions ont explorée et décrite par le menu… et que l’on n’a plus jamais revue.

« Par ailleurs, certaines directions prises par la chimie nucléaire semblent démentir la loi de la conservation du rapport énergie-masse. On a tenté d’expliquer cette anomalie en postulant une certaine déperdition de la masse sur l’axe temps. Par exemple, sous l’influence d’un léger rayonnement gamma, les noyaux d’uranium combinés en proportions infimes, mais non négligeables, au cuivre et au baryum édifient un système de résonance…

— Je t’en prie, père ! Cela ne sert à rien…, supplia Pola. Mais Arvardan coupa de façon péremptoire la parole à la jeune fille :

— Attendez ! Laissez-moi réfléchir. C’est moi qui suis le plus qualifié pour voir clair dans cette histoire. Je voudrais vous poser quelques questions, Schwartz.

Schwartz le regarda.

— Il n’y avait pas d’autres mondes que le vôtre dans la galaxie ?

— Non, confirma le tailleur, maussade.

— Mais vous n’en aviez pas la preuve. Je veux dire que vous ne pouviez pas le vérifier puisque la navigation spatiale n’était pas inventée. Peut-être y avait-il d’autres planètes habitées.

— Comment voulez-vous que je le sache ?

— Evidemment. Quel dommage ! Et l’énergie atomique ?

— Nous avions une bombe atomique. A l’uranium. Et au plutonium. J’imagine que c’est cela qui a rendu ce monde radio-actif. Après tout, il y a probablement eu une nouvelle guerre… après mon départ. Des bombardements atomiques.

Schwartz était à nouveau à Chicago dans son univers d’autrefois, le monde d’avant les bombes. Et il avait de la peine. Pas pour lui mais pour ce monde merveilleux…

— Naturellement, vous aviez une langue ? reprit Arvardan.

— Nous en avions même beaucoup.

— Laquelle parliez-vous, vous ?

— L’anglais. Mais j’étais déjà adulte quand je l’ai appris.

Dites-moi quelque chose en anglais.

Schwartz n’avait pas prononcé un mot d’anglais depuis deux mois et ce fut amoureusement qu’il dit :

— Je veux retourner chez moi et retrouver mes contemporains.

Est-ce cet idiome qu’il employait quand vous l’avez traité, docteur Shekt ? Je suis incapable de vous l’affirmer, répondit le physicien, interloqué. Les sonorités étaient tout aussi bizarres. Mais comment voulez-vous que je sache si ce sont les mêmes ?

— Cela ne fait rien. Comment dit-on « mère » dans votre langue, Schwartz ?

Schwartz le lui dit.

— Humm. Et « père »… « frère »… « un » — le chiffre numéral, n’est-ce pas … « deux » « trois »… « maison »… « homme »… « femme »…

Cela dura un bon moment ainsi et quand, enfin, Arvardan s’interrompit pour reprendre son souffle, il affichait une expression d’intense stupéfaction.

— Docteur Shekt, ou cet homme est un génie ou je suis victime du cauchemar le plus affolant qu’on puisse concevoir. La langue qu’il parle est pratiquement équivalente à celle des inscriptions que l’on a découvertes dans les strates vieilles de cinquante mille ans dans les secteurs de Sirius, d’Arcturus, d’Alpha du Centaure et de dizaines d’autres. Il la parle ! Son déchiffrement ne date que d’une génération et, en dehors de moi, il n’y a pas dix hommes dans toute la galaxie qui la comprennent.

— Vous en êtes sûr ?

— Dame ! Je suis archéologue. C’est mon métier de le savoir.

L’espace d’un instant, la cuirasse de morgue dont Schwartz se protégeait craqua. Pour la première fois, il retrouvait sa personnalité perdue. Son secret était éventé : il était un homme du passé et les autres l’admettaient. Cela prouvait qu’il était sain d’esprit, cela portait un coup fatal au doute qui le rongeait et il en était heureux. Néanmoins, il ne se départit pas de sa réserve.

Il me le faut, enchaîna Arvardan, repris par le feu sacré. Vous n’avez pas idée de ce que cela signifie pour un archéologue, Shekt. Un homme venu du passé ! Par l’espace ! Ecoutez… il va être possible de conclure un marché. Il est la preuve vivante de la thèse que la Terre soutient. Les Terriens, grâce à lui, pourront… Schwartz l’interrompit pour laisser tomber sur un ton sardonique :

— Je sais ce que vous pensez. Que la Terre démontrera grâce à moi qu’elle est le berceau de la civilisation et qu’elle vous en sera reconnaissante. Eh bien, laissez-moi vous détromper ! Cette idée m’est venue, à moi aussi, et j’étais tout prêt à faire le même marché pour avoir la vie sauve. Mais ils ne me croiront pas – et vous pas davantage.

— Il y a une preuve formelle.

— Ils n’écouteront pas. Pourquoi ? Parce qu’ils se font du passé un certain nombre d’idées immuables. Tout changement que l’on y apporterait serait à leurs yeux un blasphème, même si c’est la vérité. Ce n’est pas la vérité qu’ils veulent mais le maintien de leurs traditions.

— Je crois qu’il a raison, Bel, dit Pola.

Arvardan grinça des dents.

— On peut toujours essayer.

— Nous ne réussirons pas, insista Schwartz.

— Qu’est-ce que vous en savez ?

— Je le sais !

Il s’était exprimé avec une force telle qu’Arvardan en fut réduit au silence. C’était maintenant Shekt qui le dévisageait avec une lueur étrange dans son regard las.

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