— Ce machin n’a aucune utilité, se plaignit-il. À quoi diable pourrait-il servir ? Il ne transporte rien. Il n’a pas le moindre capteur ou détecteur visible. Il se contente de se balader.
— La technologie d’une espèce extraterrestre à ce point évoluée s’apparente pour nous à de la magie, le cita-t-elle.
— Ce mille-pattes n’a rien de magique, rétorqua-t-il, irrité par son ironie. Il est seulement stupide !
— Qu’auriez-vous fait, s’il s’était arrêté ?
— Eh bien, je l’aurais étudié. N’est-ce pas évident ?
— J’estime que nous aurions intérêt à ne pas disperser nos efforts. Je doute qu’un biote de ce genre puisse nous aider à quitter cette île.
— Il est évident que nous nous y prenons mal. Nous ne trouverons rien à la surface d’un monde où des biotes font régulièrement le ménage. Nous devrions poursuivre nos recherches au-dessous, par exemple dans l’antre de ces êtres volants. Le radar multi-spectral nous permettra de localiser les endroits où le sol est creux.
Repérer un autre trou leur prit du temps, bien qu’il fût à seulement deux cents mètres du centre de l’esplanade ouest. Tout d’abord, Richard et Nicole n’élargirent pas suffisamment le champ de leurs explorations. Au bout d’une heure, ils comprirent qu’ils ne trouveraient rien sous la place et s’éloignèrent dans les petites rues et impasses du voisinage, au-delà des avenues concentriques. Ils remarquèrent une nouvelle trappe au centre d’une venelle bordée sur trois côtés par de hauts immeubles. Elle était bien visible et avait les mêmes dimensions que celle de l’antre des aviens : dix mètres sur six.
— Pensez-vous qu’on accède au nid de ces drôles d’oiseaux de la même manière ? demanda Nicole.
Une exploration méticuleuse des environs avait permis à Richard de remarquer une étrange plaque sur la façade d’un immeuble. Il avait exercé une forte pression sur elle et déclenché l’ouverture de la trappe.
— C’est probable. Il faudra retourner là-bas pour s’en assurer.
— Alors, on entre là-dedans comme dans un moulin, commenta Nicole.
Ils regagnèrent le centre de la rue et s’agenouillèrent pour regarder à l’intérieur du puits. Un large plan incliné abrupt descendait se perdre dans les ténèbres qui le dissimulaient dix mètres en contrebas.
— On dirait un de ces parkings d’antan, fit remarquer Wakefield. Je parle de l’époque où tous avaient une automobile.
Il s’avança sur la rampe.
— Même le matériau fait penser à du béton, ajouta-t-il.
Nicole le regarda s’enfoncer lentement dans le sous-sol. Sitôt que le sommet de son crâne fut au-dessous du niveau de la rue, il se tourna pour demander :
— Vous ne venez pas ?
Il avait allumé sa torche et dirigeait son faisceau sur une petite plate-forme située quelques mètres plus bas.
— Nous devrions en discuter, Richard. Je ne voudrais pas me retrouver coincée…
— Ah, ah ! s’exclama-t-il.
Il venait d’atteindre le premier palier et la section inférieure du passage s’était illuminée.
— Le plan incliné revient dans l’autre sens, cria-t-il. J’ai l’impression que c’est la même chose jusqu’en bas.
Il disparut du champ de vision de Nicole, qui lui hurla avec irritation :
— Vous ne pourriez pas attendre une minute ? Nous ne devons pas prendre des décisions à la légère.
Il réapparut quelques secondes plus tard, en souriant. Les deux cosmonautes discutèrent des possibilités. Nicole souhaitait rester à l’extérieur même si son compagnon décidait d’explorer le sous-sol. Ainsi, avança-t-elle, ils ne risqueraient pas de se retrouver bloqués ensemble dans ces souterrains.
Pendant qu’elle exposait son point de vue, Richard restait sur le premier palier et regardait de toutes parts. Les parois semblaient faites du même matériau que celles de l’antre des aviens, mais ici le système d’éclairage – d’étroites bandes luminescentes murales – faisait penser aux tubes fluorescents utilisés sur Terre.
— Écartez-vous une seconde, s’il vous plaît, l’interrompit-il.
Surprise, elle s’éloigna de l’entrée de la fosse rectangulaire.
— Encore, ajouta-t-il.
Elle alla s’adosser à la façade d’un des immeubles environnants.
— Ça suffit comme ça ?
Elle n’avait pas terminé sa phrase que la trappe se referma. Nicole se précipita vers le panneau en mouvement pour tenter de le stopper, mais il était bien trop lourd.
— Richard ! hurla-t-elle. Le puits avait disparu.
Elle martela le métal avec ses poings et se rappela sa frustration lorsqu’elle s’était retrouvée prisonnière dans l’abri des créatures volantes. Elle repartit au pas de course vers l’immeuble et exerça une pression sur la commande murale. Rien ne se produisit. Près d’une minute s’était écoulée. Elle s’inquiéta et revint sur ses pas, pour appeler son collègue.
Elle fut profondément soulagée de l’entendre répondre :
— Je suis là, juste sous vos pieds. J’ai trouvé une plaque identique à la première sur la paroi de ce palier et je l’ai pressée. Je crois qu’elle provoque l’ouverture de la trappe et que le mécanisme fonctionne à retardement. Accordez-moi quelques minutes. Ne faites rien, et ne restez pas trop près.
Elle recula et attendit. Richard avait vu juste. Un moment plus tard le sol se rouvrit et il vint la rejoindre en souriant.
— Vous voyez, je vous avais bien dit de ne pas vous tracasser… Alors, qu’y a-t-il au menu, aujourd’hui ?
* * *
Ils descendaient la rampe et Nicole entendait à nouveau des gargouillis. À l’intérieur d’une petite salle située à une vingtaine de mètres au-delà du palier ils découvrirent une canalisation et une citerne, comme dans le nid des aviens. Ils remplirent leur gourde de cette eau fraîche et désaltérante.
Le passage descendant n’était pas intersecté par des tunnels horizontaux et ils n’avaient devant eux qu’une nouvelle rampe. Richard fit courir le faisceau de sa lampe sur les parois sombres.
— Là, dit-il en désignant une différence subtile dans le matériau de construction. Vous voyez, on discerne la voûte d’un boyau qui s’éloignait autrefois dans cette direction.
Elle suivit des yeux la courbe révélée par le cercle de clarté.
— On peut dire qu’il y a eu au moins deux phases à ces travaux d’aménagement du sous-sol.
— Tout juste. Autrefois, on trouvait également des tunnels horizontaux en cet endroit. Ils ont été condamnés par la suite.
Ils reprirent leur descente, sans faire d’autres commentaires. Toutes ces rampes étaient identiques et chaque fois qu’ils atteignaient un nouveau palier le plan incliné suivant s’illuminait.
Ils devaient être à cinquante mètres au-dessous du sol quand ils débouchèrent dans une vaste caverne circulaire au plafond élevé qui devait mesurer vingt-cinq mètres de diamètre. Quatre tunnels obscurs cinq fois moins hauts s’ouvraient sur son pourtour, tous les quatre-vingt-dix degrés.
— Am Stram Gram, Pique et… commença Richard.
— Pique, choisit Nicole.
Elle s’avança vers un des tunnels. Lorsqu’elle arriva à quelques mètres de l’entrée, la section la plus proche s’illumina.
Cette fois, ce fut Richard qui hésita. Il lorgna avec méfiance le passage puis utilisa son ordinateur.
— N’avez-vous pas l’impression qu’il s’incurve légèrement sur la droite ? Regardez, à l’extrémité de la zone éclairée.
Elle hocha la tête et regarda par-dessus l’épaule de l’homme pour découvrir ce qu’il faisait.
— Je trace une carte, lui expliqua-t-il. Thésée disposait d’un fil et le Petit Poucet de miettes de pain. Nous avons mieux. Les ordinateurs ne sont-ils pas merveilleux ?
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