— Seulement dans le living.
— Si jamais je viens à Washington, pourrais-je venir m’y allonger ? Je t’en prie.
— Bien sûr, Patty… il est à toi.
— Je sais, cher Ben, mais c’est si bon de demander. Je m’y allongerai et en sentant l’herbe contre moi je serai Heureuse de me trouver dans le petit nid de mon frère.
— Tu seras toujours la bienvenue, Patty. » Pourvu, pensa-t-il, qu’elle n’amène pas ses serpents. « Quand comptes-tu venir ?
— Je ne sais pas. Lorsque l’attente sera accomplie. Michaël doit le savoir.
— Préviens-moi si possible, pour que je sois là. En tout cas Jill connaît le code de ma porte. Mais Patty… vous ne tenez absolument pas de comptes ?
— Pour quoi faire, Ben ?
— Eh bien… les gens le font, généralement.
— Nous, pas. On prend ce qu’on veut, puis en revenant on remet le reste, si on y pense. Michaël m’a dit de veiller à ce qu’elles soient toujours bien pleines. S’il n’y en a plus assez, je lui en redemande. »
Ben n’insista pas, éberlué par la simplicité de la méthode. Il savait que la société martienne était un communisme ignorant l’usage de l’argent. Ces coupes marquaient donc la transition entre les systèmes économiques martien et terrien. Il se demanda si Patty savait que c’était une illusion, soutenue par la fortune de Mike.
« Combien êtes-vous dans le Nid, Patty ?
— Voyons… pas tout à fait vingt, en comptant les frères novices qui ne pensent pas encore en martien et ne sont pas ordonnés.
— Es-tu ordonnée, Patty ?
— Oh oui. Je donne surtout des cours de martien pour débutants, mais j’aide aussi les novices. Aube et moi – Aube et Jill sont Grandes Prêtresses – sommes des Fostérites très connues, alors nous travaillons ensemble pour montrer aux autres Fostérites que l’Église de Tous les Mondes n’entre pas en conflit avec leur Foi, pas plus que le fait d’être Baptiste ne vous empêche de devenir Franc-Maçon. » Elle lui montra le baiser de Foster, avec explications à l’appui, ainsi que son compagnon miraculeusement placé là par Mike.
« Ils savent ce que signifie le Baiser de Foster, et combien il est difficile de l’obtenir… et ils ont vu quelques-uns des miracles de Mike. La plupart sont prêts à bûcher dur pour accéder au Cercle Supérieur.
— Cela demande un gros effort ?
— Bien sûr, Ben… pour eux. Nous sommes les rares que Mike ait directement accueillis dans la fraternité : toi, moi, Jill, et quelques autres. Les autres doivent d’abord apprendre une discipline ; pas une foi, mais une façon de réaliser la foi dans les actes. Cela signifie qu’ils doivent apprendre le martien, ce qui n’est pas facile. Moi-même je ne le possède pas parfaitement, mais c’est un grand Bonheur de travailler et d’apprendre. Pour en revenir au Nid, il y a Duke, Jill et Michaël… deux Fostérites – Aube et moi… un Juif circoncis, sa femme et ses quatre enfants…
— Des enfants dans le Nid ?
— Il y en a des tas, mais le Nid des Petits est de l’autre côté. On ne pourrait pas méditer avec des gosses qui braillent tout le temps. Tu veux le voir ?
— Non, non, plus tard.
— Un couple catholique avec leur petit garçon – ils ont malheureusement été excommuniés, lorsque leur prêtre a appris qu’ils étaient ici. Cela leur a donné un choc terrible, et tellement inutile… Mike les a heureusement beaucoup aidés. Ils se levaient pourtant tôt tous les dimanches pour aller à la messe… mais les gosses sont si bavards. Une famille de Mormons du nouveau schisme – cela fait trois de plus – et leurs enfants. Les autres sont protestants, plus un athée. Il pensait l’être du moins, jusqu’à ce que Mike lui ouvre les yeux. Il était venu pour se moquer de nous ; il est resté pour apprendre ; bientôt, il sera ordonné prêtre. Cela fait dix-neuf adultes, mais nous ne sommes presque jamais tous ensemble dans le Nid, sauf pour les offices du Temple Intérieur. Le Nid peut en accueillir quatre-vingt-un, « trois-remplis », et Michaël gnoque qu’il faudra accomplir beaucoup d’attentes avant que nous n’ayons besoin d’un nid plus grand. D’ici là, nous en aurons d’ailleurs construit d’autres. Dis, Ben, tu aimerais voir un de nos services extérieurs ? Michaël prêche en ce moment.
— Oui, certainement, si cela ne cause pas trop de dérangement.
— Parfait. Une petite minute, cher Ben, le temps de me rendre décente. »
« Me croirez-vous, Jubal, mais elle revint vêtue d’une robe ressemblant à celle d’Anne, mais avec des manches évasées en forme d’ailes, fermée jusqu’au cou, et portant sur le cœur le sigle de Mike, un soleil entouré de neuf cercles concentriques. Jill et les autres prêtresses sont habillées pareil, sauf que Patty a un col montant pour cacher ses dessins. Elle va jusqu’à porter des chaussettes.
« C’est incroyable ce que cela peut la changer. Digne, faisant plus que son âge, quoique de loin pas celui qu’elle dit avoir. Elle a un teint exquis – c’est une honte de tatouer une pareille peau.
« Je m’étais rhabillé, mais elle me demanda de prendre mes chaussures à la main. Nous retraversâmes le Nid, et remîmes nos chaussures avant de prendre une rampe qui descendait de quelques étages. Nous arrivâmes dans une galerie surplombant le grand auditorium. Mike était sur scène. Il n’y a pas de chaire ; cela ressemble à une grande salle de conférences, avec le symbole de Tous les Mondes peint sur le mur du fond. Il y avait une femme à côté de lui ; de loin, je crus d’abord que c’était Jill, mais c’était l’autre Grande Prêtresse, Aube – Aube Ardente.
— Comment disiez-vous ?
— « Aube Ardente… née Higgins, si vous voulez savoir toute la vérité.
— Je la connais.
— Je sais, monsieur le bouc en retraite. Elle a un faible pour vous. »
Jubal secoua la tête. « L’Aube Ardente dont je parle ne peut pas se souvenir de moi. Nous nous sommes brièvement rencontrés une seule fois, il y a deux ans de cela.
— Oh si, elle se souvient. Elle possède des enregistrements de toutes vos salades commerciales, sous tous les pseudonymes qu’elle parvient à identifier. Elle ne s’endort jamais sans en écouter un. Cela lui fait faire de beaux rêves, dit-elle. Ils vous connaissent d’ailleurs tous, Jubal. Ce grand living-room dont je vous parlais a en tout et pour tout une seule décoration : un gros plan en couleurs, grandeur nature, de votre tête. Vous avez un sourire hideux, et on croirait que vous êtes décapité. C’est une photo que Duke a prise en cachette.
— Le salaud !
— Jill le lui avait demandé.
— Le double salaud !
— Mike lui en avait donné l’idée. Courage, Jubal : vous êtes le saint patron de l’Église de Tous les Mondes. »
Jubal était horrifié. « Ils ne peuvent pas me faire ça !
— C’est déjà fait. Mike dit que tout cela n’existe que grâce à vous, parce que vous lui avez si bien expliqué les choses que cela lui a permis de faire comprendre la théologie martienne aux humains. »
Caxton continua sans prêter garde aux gémissements de Jubal. « De plus, Aube vous trouve beau. Cela mis à part, elle est intelligente… et absolument ravissante. Bon. Ne nous égarons pas. Mike nous aperçut et cria dans notre direction : « Hello, Ben ! À tout à l’heure », puis continua son numéro.
« Il faudra que vous alliez l’entendre, Jubal. Cela ne ressemblait pas à un sermon, et il ne portait pas de soutane. Un simple costume blanc, impeccablement coupé. Il parle comme un représentant de commerce, mais un bon. C’est plein de mots d’esprit et de paraboles. Le fond est une sorte de panthéisme… une de ses paraboles est l’histoire du ver de terre qui rencontre un autre ver de terre et lui dit : « Que vous êtes belle ! Voulez-vous m’épouser ? » et s’entend répondre : « Que tu es stupide ! Je suis ton autre extrémité. » Vous la connaissiez ?
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