Fabrice Luchini - Comédie française — Ça a débuté comme ça…

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Comédie française — Ça a débuté comme ça…: краткое содержание, описание и аннотация

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Il nous a fait redécouvrir La Fontaine, Rimbaud et Céline. Il incarne l'esprit et le panache de la langue française.
En prose, en vers et même en verlan, il a donné sa voix à d'immenses auteurs, auxquels il sait faire respirer l'air de notre temps — en racontant la fureur du
à l'ère du téléphone portable, ou la sensualité de
sur l'air d'une publicité pour Dim.
Il a quitté l'école à quatorze ans pour devenir apprenti coiffeur. Il est aujourd'hui l'un de nos plus grands comédiens, célébré pour ses lectures-spectacles, couronné par la Mostra de Venise pour son rôle dans son dernier film, Dans son autobiographie, Fabrice Luchini livre le récit d'une vie placée sous le signe de la littérature, à la recherche de la note parfaite.
Fabrice Luchini est né à Paris en 1951. Comédie française — Ça a débuté comme ça…

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Fabrice Luchini

Comédie française

Ça a débuté comme ça…

À mon père, Adelmo Luchini

À ma mère, Hélène

— Ah ! sollicitude à mon oreille est rude : Il pue étrangement son ancienneté.

— Il est vrai que le mot est bien collet monté.

Molière, Les Femmes savantes , acte II, scène 7.

PRÉFACE

à l’édition québécoise

Dans la vie d’un acteur comme moi, les séjours que j’ai faits à Montréal et à Québec, notamment à l’occasion du spectacle sur La Fontaine et sur Paul Valéry, Le Point sur Robert , ont été, je dirais, quasiment essentiels.

Je n’ai jamais vu nulle part une telle résistance, un si fort génie de vitalité pour la langue. Quand je jouais La Fontaine, des gens venaient dans ma loge et me disaient : « Nous nous sommes battus des centaines d’années pour être capables de venir entendre Baudelaire et La Fontaine. » C’est un compliment qui dépasse ma petite personne, qui dépasse mon ego. Et, comme toutes les grandes choses, elles ne sont véritables que parce qu’elles me dépassent.

Dans ma rencontre avec le public, à Montréal ou à Québec, en un mot, dans ma rencontre avec ces êtres qui ont un rapport essentiel à notre langue, j’ai vu une ferveur absolument unique.

Je ne renonce pas à venir donner mon spectacle Poésie ? au Québec, mais entre-temps je suis heureux de vous présenter ce livre. C’est l’histoire d’un autodidacte qui a un petit point commun avec vous puisqu’il aime par-dessus tout sa langue. Pour citer Céline, « loin du français, je meurs ». J’ai l’impression que cette phrase vous va directement au cœur : loin du français, vous mourez, c’est ce que vous avez incarné et ce que vous incarnez encore.

Je vous embrasse de tout mon cœur.

F. L.

Paris, 1er juin 2015

Il faut trouver ces premières lignes. Pas les trouver d’ailleurs, les fixer. C’est récurrent, tous les deux ans, il y a une petite demande des éditeurs. Alors il faudrait écrire un bouquin. Aucune obligation, même le contraire. « Il y a trop de tout », dirait Valéry. Tout m’empêche. Essayons.

Chapitre premier

Le fâcheux

La scène commence par un déjeuner à l’hôtel Montalembert avec Christophe Ono-dit-Biot, directeur adjoint de la rédaction de l’hebdomadaire Le Point . Un coin caché près de la cheminée. Une table minuscule. Le sujet est la couverture du Point : Jean de La Fontaine. Au départ, je devais débattre avec Marc Fumaroli. L’autodidacte face au Collège de France. Trop compliqué à organiser. Je me retrouve seul avec Christophe. Il est charmant. Tout le monde le salue et il salue tout le monde. On discute de la « cover ». Les journalistes disent « cover ». Il lance ses questions. Je me concentre. D’où vient le miracle chez La Fontaine ?

Je commence sur l’absence de tout geste dans l’écriture. La fluidité lumineuse. Quelle que soit l’heure, j’arrive à témoigner, à essayer de faire sentir. Ça fait partie du métier. J’ajoute des mots aux mots. Je laisse la parole au fabuliste. « Le Meunier, son Fils et l’Âne » :

J’ai lu dans quelque endroit qu’un meunier et son fils,
L’un vieillard, l’autre enfant, non pas des plus petits,
Mais garçon de quinze ans, si j’ai bonne mémoire,
Allaient vendre leur âne, un certain jour de foire.
Afin qu’il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on vous le suspendit ;
Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre.
Pauvres gens, idiots, couple ignorant et rustre.
Le premier qui les vit de rire s’éclata.
Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-là ?
Le plus âne des trois n’est pas celui qu’on pense. [1] Jean de La Fontaine, « Le Meunier, son Fils et l’Âne », Fables , GF, Flammarion, 2007, p. 120.

L’ultra-efficacité de la langue. Et puis arrive une formule. Je la tente. Ce n’est pas mon métier les formules. Mais ça fait quarante ans que je cherche. La Fontaine, dis-je à Ono-dit-Biot, a été confronté au marbre de l’Antiquité. Celui d’Ésope. Il pesait, dit-on, énormément, cet Ésope. De ce marbre, de cette structure lourde, La Fontaine a fait de la dentelle, du bloc de pierre est sortie une fluidité. Un mouvement libéré de toute rhétorique. « Un mouvement libéré de toute rhétorique » : Ono-dit-Biot est content, il trouve la formule très Le Point . Je m’emballe : La Fontaine, serait-ce une pure liberté au milieu de la contrainte ? une pure invention au milieu de la rigueur ? une pure subversion au milieu d’une exquise courtoisie ? une pure anarchie au milieu d’un super ordre ? Non, non, non, La Fontaine, comme disait Céline, c’est fin…, c’est ça… et c’est tout, c’est final. Écoutons « La Laitière et le Pot au lait » :

Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Cotillon simple, et souliers plats.
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait […]. [2] Jean de La Fontaine, « La Laitière et le Pot au lait », Fables, op. cit ., p. 214–215.

« Légère et court vêtue » : on la voit, devant nous, en minijupe, les jambes en mouvement, c’est une pub de Dim ! C’est ça, la beauté : l’agencement. Écoutons encore :

Perrette, sur sa tête ayant un pot au lait
Bien posé sur un coussinet,
Prétendait arriver sans encombre à la ville.
Légère et court vêtue elle allait à grands pas ;
Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Cotillon simple, et souliers plats.
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée
Tout le prix de son lait, en employait l’argent,
Achetait un cent d’œufs, faisait triple couvée ;
La chose allait à bien par son soin diligent.
Il m’est, disait-elle, facile,
D’élever des poulets autour de ma maison :
Le Renard sera bien habile,
S’il ne m’en laisse assez pour avoir un cochon.
Le porc à s’engraisser coûtera peu de son ;
Il était quand je l’eus de grosseur raisonnable :
J’aurai le revendant de l’argent bel et bon.
Et qui m’empêchera de mettre en notre étable,
Vu le prix dont il est, une vache et son veau,
Que je verrai sauter au milieu du troupeau ?
Perrette là-dessus saute aussi, transportée.
Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée ;
La dame de ces biens, quittant d’un œil marri
Sa fortune ainsi répandue,
Va s’excuser à son mari
En grand danger d’être battue.
Le récit en farce en fut fait ;
On l’appela le Pot au lait .

Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ?
Picrochole, Pyrrhus, la laitière, enfin tous,
Autant les sages que les fous ?
Chacun songe en veillant, il n’est rien de plus doux :
Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes :
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes.
Quand je suis seul, je fais au plus brave un défi ;
Je m’écarte, je vais détrôner le Sophi ;
On m’élit roi, mon peuple m’aime ;
Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant :
Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même ;
Je suis gros Jean comme devant. [3] Jean de La Fontaine, « Le Loup et le Chien », Fables, op. cit., p. 77.

Je tiens mon idée : La Fontaine serait-il donc un adaptateur de génie à l’écriture traversée par les sagesses, les morales les plus anciennes, les plus universelles ? Non ! Elles traversent l’œuvre comme par effraction.

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