Le roi de Bikini, pas contrariant du tout, répond : « Tout est dans les mains de Dieu. »
Le gouverneur américain des îlots du Pacifique rétorque : « Si tout est dans les mains de Dieu, c’est forcément bien. »
On n’oubliera pas d’évacuer les originaires, pas comme à Nagasaki ou à Hiroshima, ne pas confondre ! Là-bas, au Japon, on s’était fait la main, et puis on était en guerre ! Peut-être pas pour la marchande de poisson, la marchande de fruits et légumes, ni le tailleur, ni la coiffeuse, on n’avait prévenu personne de crainte que ça ne marche pas, ça a marché.
Pour les « trainings » dans le Pacifique ce fut plus ludique : la première bombe, sur l’atoll de Bikini, était de couleur jaune, on avait peint sur celle-ci la sublime Rita Hayworth, star mondiale. Gilda son triomphe (ça sera le nom de la bombe, soyons ludiques), La Dame de Shanghai , etc.
Femme d’Orson Welles puis de l’Aga Khan, maîtresse de Pedro Estrada, dictateur et grand-père d’Eugénie, un CV irréprochable, un honneur pour le monde du spectacle.
Mais Rita Hayworth, on n’avait pas jugé bon de la prévenir. Simple pourtant : « Chère madame, vous serez représentée sur la première bombe atomique testée sur l’atoll de Bikini. Vous y apparaîtrez en maillot deux pièces noir, nombril non apparent. Veuillez agréer, etc. » Oui simple. Pourtant elle en prit ombrage pour le moins, n’avait-elle pas dit dans une interview : « Notre espèce est cruelle. » ? Alors…
Elle est morte folle dans un asile d’aliénés, alcoolique oubliée par tous, il est possible que Gilda -la bombe y soit pour quelque chose. Y en a, je vous jure !
Trois atolls disparaîtront du globe pendant les « trainings » qui avaient pour but premier d’impressionner l’Union Soviétique, ils avaient été alliés, et puis ils ne l’étaient plus, mais plus du tout cette fois. Ça arrive. Une guerre, dite froide, à nouveau nous menaçait.
Parallèlement, en France, Louis Réard, gaullien convaincu, n’ayant pas oublié que de Gaulle n’avait pas été convié à la conférence de Yalta où il était bon de se partager le monde, Louis Réard comprend ici qu’il est indispensable que la France participe à ce grand mouvement d’intimidation, fomenté par les États-Unis contre l’Union Soviétique.
Il décide alors courageusement, et sans hésiter pour ce faire, de créer un nouveau maillot deux pièces, slip et soutien-gorge autonomes, nombril apparent, qui sera vendu dans une boîte d’allumettes dites de cuisine, sous le nom opportun de bikini, « la première bombe anatomique ».
Stupéfaction mondiale, Louis Réard le Gaullien, fait savoir ainsi que grâce à son deux pièces nombril apparent, la France, bannie de Yalta, enfin existera !
Dans le monde les querelles vont bon train, de méchantes langues affirment que la France n’y est pour rien et que Louis Réard a pompé son « bikini » sur une fresque découverte dans une villa romaine du Casale connue depuis l’Antiquité.
Mauvaise foi évidente, faisons taire les ragots destructeurs, aimons et honorons notre pays, punissons ceux qui nous salissent.
Car évidemment, et de toute évidence, ces jeunes filles soulevant gracieusement des haltères et jouant au ballon en deux pièces nombril apparent, sont des clientes impatientes de Louis Réard, très certainement parisiennes, passant un week-end à Deauville en 1946, la morphologie de ces jeunes femmes, l’audace des maillots en sont la preuve incontestable.
Comme tout événement d’importance l’invention de Réard le gaullien, déclencha rêves et fureur. Plusieurs nations ridiculement l’interdirent, et même en France des parents réactionnaires firent retentir aux oreilles de leurs adolescentes désespérées le tour de clef de leur chambre, les condamnant à réviser juillet-août, plutôt que de s’exhiber à poil sur les plages.
Ici, introduisons une parenthèse majeure : le gaullien Réard avait parfaitement conscience de venger de Gaulle, exclu de la conférence de Yalta, par son maillot deux pièces nombril apparent, alors que vous, chère Rita, pacifiste engagée, déjà détruite par l’utilisation de votre image à des fins belliqueuses intitulées « pour le bien de l’humanité », vous fûtes ignorante de l’attendue révolution générationnelle qu’engendra votre apparition sur la bombe.
Il y eut donc un troisième facteur Rita Hayworth, qui en France fit florès et qui, si vous aviez été encore parmi nous, vous aurait écarté du désespoir.
À vous, cher et inventif Louis Réard, d’apprendre que notre génération, celle des 15, 20 ans, qui n’avait, avant vous, participé à rien, vit dans l’avènement de la bombe anatomique son étendard, ce mouvement déjà s’amorçait avec l’accord sincère et à la fois, ô combien stimulant des garçons ! Sans le nombril apparent, notre génération aurait perpétué l’enlisement d’avant la guerre ! Pour les filles : la soupière, le ragoût, le droit de vote pour les femmes en France venait juste d’être obtenu, ne l’oublions pas.
Cette nouvelle guerre, ce sont nos copines qui la gagnèrent, les 15, 16, 17, 18 ans, nos amazones guerrières comptaient aussi dans leur troupe des mères lucides et nostalgiques, toutes comprirent qu’elles étaient là devant un enjeu primordial : obtenir par le truchement du deux pièces autonomes, une considération sociale et égale à celle des garçons.
Séduire pour s’imposer, ô la belle guerre ! Le beau combat ! Merci à Louis Réard, gaullien. Merci à Rita, tragique ignorante de notre victoire dont elle fut l’égérie !
Le combat gagné est d’importance, un bonheur possible est à nos portes, bonheur alors ? Rêve réalisé ?
Mais d’autres temps arrivent. Le bikini et le nucléaire, presque jumeaux, prirent place dans notre quotidien, l’un source de vie, l’autre prétendant l’être.
Mygales géantes, huit yeux, emmurées dans des réacteurs, cinquante-huit pour notre douce France, oui, emmurées dans dix-neuf centrales nucléaires, guettent dans leurs prisons de béton l’infiltration, la moindre fêlure pour uriner en abondance, elles sont si grandes les mygales huit yeux. Elles urinent le césium 137, friand de terre, et voilà nos radis, nos endives, nos abricots et nos rhubarbes sous césium 137.
Les fissures ont commencé, au Japon les centres touristiques imposent les bords de mer, en saisir l’erreur viendra plus tard. Il y aura aussi des hurluberlu-s sur les nerfs, propriétaires conséquents de drones, amoureux des mygales à huit yeux, perles des collectionneurs, qui s’empresseront de les libérer à l’aide des bombes classiques, lâchées de 20 000 mètres d’altitude.
Y en a, hein, y en a, j’te jure !
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Des singes d’Éthiopie, triangle nu violacé érotique sur la poitrine, repoussent leurs filles quand celles-ci s’offrent à eux, rejetant violemment l’inceste.
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Avertissement au lecteur : dans le cas de figure présenté, on peut ne pas être d’accord. Entrent en ligne de compte les rapports au père, à la mère, à l’éducation dans son ensemble, aux influences géographiques — un habitant de Gstaad grelottant dehors en hiver ne réagira pas comme un Cannois au mois d’août dans les circonstances évoquées ci-dessous.
Il s’agit de considérer à froid l’importance négative ou positive d’une fellation hétérosexuelle excédant six minutes, dans le dernier tiers d’un film en sélection officielle au festival de Cannes.
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