Easylow met ses gants coupés, attrape le bord du disque et commence à scratcher. La bagarre est rythmée, mieux que du break-dance.
Sélénia enchaîne les passes, prouvant continuellement son adresse et son agilité. Elle a la grâce et la compétence des vrais chevaliers.
Bétamèche a une arme plus facile et fait un malheur comme au bowling.
Arthur a moins d'expérience mais il est suffisamment vif pour éviter les coups. Il tend son épée pour repousser un assaut mais le séide pulvérise son arme. Max prend son air déçu.
- Oh ?! Pauvre garçon ! Mais qui donc lui a donné une épée d'aussi mauvaise qualité ?! dit-il, avec une fausse compassion. Easylow le regarde et les deux affreux se mettent à ricaner comme des ours.
Arthur court sur la piste, évitant les coups qui pleuvent de partout. Il se réfugie de l'autre côté du saphir. Les séides ne parviennent pas à attraper cette anguille qui s'échappe sans arrêt et se cognent régulièrement sur le saphir qui saute les sillons, scratchant la musique comme dans les meilleurs hip-hop.
- C'est qu'il a le rythme dans le sang, ce petit ?! avoue le patron en connaisseur.
Trois séides se plantent devant Bétamèche, eux aussi munis de sabres-lasers.
- Trois contre un ? Vous n'avez pas honte ? Très bien, je triple la puissance !
Bétamèche appuie sur un bouton qui annule son laser et lui sort un bouquet de fleurs.
- ... Joli, non ? dit-il, embarrassé par son erreur.
Les séides se mettent à hurler et se ruent sur le petit prince qui part en courant. Il se jette sous une table où se trouve déjà Arthur.
- Mon épée ne marche plus ! s'exclame Bétamèche en cherchant le bon bouton.
- La mienne non plus ! lui répond Arthur en exhibant le manche qui lui reste.
Un séide s'approche de la table et la tranche en deux, d'un coup de sabre-laser.
Les deux amis roulent à terre, chacun de leur côté.
- Par contre, la sienne, elle marche bien ! lâche Arthur, très inquiet de cette pression qui monte.
Bétamèche tripote nerveusement son couteau et finit par déclencher une arme. La bulinette. C'est un tuyau minuscule qui fabrique des bulles de savon. Cent à la seconde. Un nuage se forme très rapidement, pas tellement menaçant mais bien pratique pour disparaître.
Les séides perdent la trace des deux fuyards. Ça les rend fous et ils battent l'air à coups d'épée, ne dégommant que de jolies bulles multicolores.
Sélénia élimine un séide puis s'agenouille, épée au-dessus de la tête, afin de bloquer l'assaut d'un autre guerrier. Elle dégaine le couteau d'appoint que le séide porte sur le tibia et lui plante dans le pied. Le séide reste paralysé par la douleur.
- Eh ?! Attention ! Faut pas m'abîmer mon disque, là ! s'exclame le patron, contrarié.
Arthur sort à quatre pattes du nuage de bulles et tombe sur le sac à dos de Bétamèche. Il tombe aussi sur les pieds d'un séide. Le guerrier lève son épée lentement, pour mieux savourer le moment.
Arthur est perdu. Il attrape les quelques boulettes qui dépassent du sac et les jette sur les pieds du séide, au hasard. Ça peut le sauver, comme abréger ses souffrances. Dans les deux cas, il n'a rien à perdre, tout à gagner. Les petites boules de verre se brisent aux pieds du séide qui marque un temps, trop bête pour ne pas être curieux. Un magnifique bouquet de fleurs exotiques apparaît comme par enchantement en moins d'une seconde. Il est plus grand que le séide !
- Oh ! Des fleurs ! Comme c'est gentil ! lance le séide en joignant les mains.
Il passe devant le bouquet et avance sur Arthur qui recule sur ses genoux.
- Je les mettrai sur ta tombe ! lui dit le guerrier en brandissant son épée.
La méchanceté l'aveugle. Il ne voit donc pas, dans son dos, la gigantesque fleur qui ouvre sa bouche Carnivore. La jolie plante claque sa mâchoire sur le séide, puis prend le temps de bien mâcher. L'autre moitié du séide est restée figée et semble attendre le deuxième service.
Arthur regarde, l'air ahuri, cette fleur monstrueuse qui avale sa bouchée et rote un bon coup.
- ... À vos souhaits ! dit Arthur, un peu dégoûté. Bétamèche appuie une nouvelle fois sur un bouton. Il faudrait que ça soit le bon. Il a trois séides autour de lui qui n'ont plus du tout envie de jouer.
Un laser à trois lames sort du couteau. Bétamèche retrouve son sourire et il exhibe fièrement son arme. Les trois séides se regardent, puis chacun d'eux appuie sur son laser qui libère une option. Un sabre-laser à six lames tournantes. Bétamèche est pétrifié.
- C'est un nouveau modèle ? demande-t-il poliment, prenant l'air intéressé par l'article.
Le séide qui lui fait face répond « oui » d'un signe de tête, et lui assène un violent coup de sabre qui envoie voler son arme. Le couteau s'est rétracté et glisse sur le sol avant d'être bloqué par un pied. Une botte de guerrier séide, taille quarante-huit, couverte de sang.
Easylow attrape le disque et l'arrête progressivement. La piste ralentit. Le combat s'interrompt. Le silence vient saluer son maître. Darkos. Prince des Ténèbres. Fils de Maltazard.
Nos trois héros se regroupent. Max a l'air inquiet. Darkos a l'allure d'un séide, mais sa carrure est plus imposante et son armure nettement plus effrayante. Il est mieux armé qu'un avion de guerre et il ne doit pas exister, sur les sept terres, une arme qu'il ne possède pas. Sauf, peut-être, ce petit couteau qu'il bloque toujours sous son pied. Il se penche lentement et récupère l'objet.
- Alors, Max ? On fait des petites fêtes et on ne prévient pas les amis ? lance Darkos comme une plaisanterie, en faisant tourner le couteau entre ses doigts.
- Rien d'officiel ! assure Max, qui sourit pour dissimuler son malaise. C'est une petite partie improvisée, histoire de séduire la nouvelle clientèle !
- Des nouveaux ? s'étonne faussement le séide. Laissez-moi voir ça !
Les guerriers s'écartent de chaque côté de la piste de danse et dévoilent nos trois héros, groupés comme jamais. Au fur et à mesure qu'il avance, Darkos reconnaît la princesse. Il affiche un large sourire de satisfaction :
- Princesse Sélénia ?! Quelle bonne surprise ! lance-t-il avant de venir se planter devant elle. Que fait une personne de votre rang dans un lieu pareil, à une heure aussi tardive ?
- Nous sommes venus danser un peu, répond-elle noblement. Darkos saisit la perche au vol.
- ... Eh bien dansons ! dit-il en claquant dans ses doigts.
Un séide met un grand coup dans le bras de l'électrophone qui vient caler le saphir sur un slow.
Darkos fait une légère révérence et propose ses bras.
- Je préfère mourir que danser avec vous, Darkos, dit Sélénia simplement, comme on appuie sur un bouton pour déclencher une bombe atomique.
Les séides s'inquiètent et s'écartent davantage. Ça fait toujours des dégâts, quand on insulte Darkos, surtout devant tout le monde. Celui-ci remonte lentement de sa révérence et affiche un sourire machiavélique.
- Vos désirs sont des ordres ! dit-il en sortant son immense épée. Tu vas danser pour l'éternité !
Darkos lève son arme, prêt à couper Sélénia en tranches.
- Et ton père ?! s'exclame la princesse.
La bestiole arrête son bras, net. En plein air.
- Que va dire ton père, M. le maudit, quand tu vas lui annoncer que tu as tué la princesse, objet de sa convoitise ?! La seule personne qui puisse lui apporter la puissance ultime dont il rêve tant ?!
Sélénia a frappé au bon endroit. Ça trotte dans la tête du fiston.
- Tu penses qu'il te félicitera ? Ou qu'il te fera brûler à la liqueur de mort, comme il a fait brûler tous ses autres fils ? Ça s'agite dans les rangs, limite panique. Sélénia domine son sujet et Darkos baisse doucement son arme.
Читать дальше