Paul Colize - L'avocat, le nain et la princesse masquée

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L'avocat, le nain et la princesse masquée: краткое содержание, описание и аннотация

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Hugues Tonnon est un avocat réputé du barreau de Bruxelles, estimé de tous et quelque peu coincé. Sa spécialité  : les divorces, les séparations douloureuses et les couples qui se défont. C'est à ce vieux garçon maniéré que s'adresse tout naturellement Nolwenn Blackwell, l'envoûtant top model belge qui a jeté son dévolu sur Amaury Lapierre, un capitaine d'entreprise de trente ans son aîné qui lui arrive au menton.
Alors qu'un fastueux mariage se profilait, le riche héritier a été
dans les bras d'une strip-teaseuse au bord de la piscine d'une villa tropézienne. Bafouée,
veut obtenir réparation. Hugues Tonnon flaire la belle affaire. Le soir même, il dîne en sa compagnie et la raccompagne chez elle pour terminer la soirée.
Au petit matin, il se réveille chez lui, victime d'un trou noir éthylique, la police à sa porte  : Nolwenn Blackwell a été assassinée. Il est le dernier à l'avoir vue vivante, mais il ne se souvient de rien. Un malheur n'arrivant jamais seul, le policier chargé de l'enquête n'est autre que l'inspecteur Witmeur que l'avocat a ruiné lors de son divorce pour une histoire de faux seins.
Flanqué d'une journaliste un peu psycho et pas trop rigide, Hugues Tonnon va devoir prendre la fuite, ravaler son cynisme et mener l'enquête.
Matchs de football truqués, mœurs dissolues de la jet-set, investigations policières dernier cri  : Paul Colize, connu pour ses intrigues millimétrées dont les rouages s'imbriquent en autant de fausses pistes et de surprises, nous entraîne dans une folle poursuite de Bruxelles au quartier d'affaires de Johannesburg, de berlines luxueuses en taxis miteux, du Rick's Café de Casablanca à Paris en passant par la frontière algérienne à dos de mulet.
Paul Colize a déjà publié à la Manufacture de livres et chez Folio Policier
, prix Saint-Maur en Poche et
, prix Landerneau polar…
Biographie de l'auteur

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Poussé par mon découvert, j’avais pris l’affaire. J’avais jeté mes forces dans la bataille et obtenu gain de cause.

Ce premier succès avait scellé mon destin.

— Qu’attendez-vous de moi, madame Blackwell ?

Elle se releva, se pencha en avant et frappa du plat de la main sur le bureau.

— Que vous lui fassiez regretter ses actes.

Je profitai de la proximité pour sonder la profondeur de son décolleté.

— Qu’entendez-vous par là ?

— Que vous lui fassiez cracher le dernier centime du dernier euro de son dernier million, que vous le ridiculisiez comme il m’a ridiculisée, que vous lui fassiez un procès retentissant et que vous le discréditiez aux yeux de tous.

Le vernis se fendillait.

— Sans vouloir vous servir un lieu commun, la sagesse populaire dit qu’un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès.

Elle haussa le ton.

— Je ne veux ni mauvais ni bon arrangement, je ne veux pas d’arrangement du tout. Je veux ruiner sa réputation, ruiner sa carrière, ruiner sa vie et vous seul êtes capable de m’aider à le faire.

J’actai.

Le secret de ma réussite ne tenait pas à ma bonne connaissance des rouages de la justice belge, mais plutôt à la mise à profit des lacunes du Code civil et des vides juridiques. En outre, je n’hésitais pas à faire appel à certains techniciens pour servir les intérêts de mes clients ; photographes, portiers, serruriers, tenanciers de bar, danseuses légères, séducteurs, éboueurs, ingénieurs du son, faussaires, flics retraités et anciens de la Légion étrangère faisaient partie de mes fournisseurs attitrés.

En règle générale, la hauteur de mes honoraires me permettait de trier ma clientèle sur le volet. Pour témoigner de mon opiniâtreté à vaincre, je me faisais rétribuer au success fee , un pourcentage que je me réservais sur les sommes conquises.

Je n’avais pas que des affaires juteuses à traiter, tant s’en fallait, mais lorsqu’un divorce d’envergure se profilait en Belgique, l’un des conjoints débarquait à coup sûr chez moi.

— L’affaire n’est pas des plus simples, madame. Votre relation avec monsieur Amaury Lapierre est malgré tout assez récente. Étiez-vous domiciliés à la même adresse ?

Elle martela à nouveau le bureau en s’accompagnant du talon, manie qui commençait à m’agacer.

— Non, mais la date du mariage était fixée, les lieux étaient réservés, la liste des invités était prête.

— J’en conviens, madame, mais aux yeux de la justice, vous n’êtes pas mariée.

Elle croisa les bras.

— Ce qui signifie que je n’ai aucun droit ? Nous sommes au vingt et unième siècle, non ? Une femme peut se faire déshonorer dans un pays industrialisé sans qu’elle ait le moindre recours ? C’est ça, la justice ?

J’étais en outre capable d’évaluer en quelques minutes les forces en présence et de soupeser mes chances de réussite.

— Jouons cartes sur table, quelle somme avez-vous en tête ?

La question la désarçonna.

Le droit français en la matière ne m’était pas inconnu. J’avais déjà eu l’occasion de croiser le fer avec mes confrères parisiens. Je connaissais leur propension aux envolées grandiloquentes. À leurs effets de manche, j’opposais une retenue verbale et un pragmatisme de bon aloi.

Une nouvelle croisade dans l’Hexagone n’était pas pour me déplaire.

Elle fit aller sa bouche de gauche à droite.

— Dix millions !

Je tiquai.

— Vous êtes gourmande.

— Huit ?

Atteinte à l’honneur, rupture offensante. L’affaire était délicate, mais jouable.

— Je travaille au pourcentage.

— Je ne descendrai pas en dessous de sept. Vingt pour cent pour vous.

— Trente-cinq.

— Vingt-cinq.

J’esquissai une moue dubitative et laissai le silence accomplir son œuvre.

Il ne fallut pas plus d’une dizaine de secondes pour qu’elle cède.

— Trente, mais j’y perds.

J’inclinai le buste en signe d’acquiescement.

— Bien. Cet aspect étant réglé, penchons-nous sur le dossier.

2

PARFUM DE FEMME

Nous levâmes nos flûtes et les fîmes tinter.

— À votre succès.

— À notre succès.

Elle avala une lampée de champagne et plissa les yeux.

— C’est comment votre petit nom ? Henri, Hector ?

Le serveur remit la bouteille dans le seau à glace et saisit l’occasion pour me lancer une œillade.

— Hugues.

Elle réprima un rire.

— Hugues ? Ce n’est pas un peu vieux jeu ?

— Mes parents sont très snobs.

Le climat s’était réchauffé. La bouteille de Roederer Cristal que nous savourions avait joué une part active dans l’opération. Mon cerveau commençait à s’embrouiller et la diction de Nolwenn devenait pâteuse.

— Pourtant, Tonnon, ce n’est pas très snob.

— Ma mère est née Marie-Thérèse de Bergerhode.

Nous avions d’emblée entamé l’examen du dossier.

Je lui avais posé une série de questions et elle y avait répondu avec précision. Dans ce genre d’affaires, le succès ou l’échec peut dépendre d’un infime détail. Un geste, une parole, une anecdote, une note de restaurant égarée, tout est susceptible d’être exploité.

Durant cette phase exploratoire, j’avais entre autres appris qu’elle s’appelait Gisèle Duplat dans la vraie vie, ce qui, pour tout dire, était moins glamour que Nolwenn Blackwell.

J’avais également pu constater qu’elle était loin de la caricature de ravissante idiote que l’on prête généralement aux représentantes de sa profession. Elle était vive, cultivée et avait le sens de l’humour.

— Hugues de Bergerhode, quelle classe ! En plus, avec vos cheveux noirs et vos yeux bleus, vous êtes plutôt beau gosse.

Je fis une réponse sobre.

— On me le dit quelquefois.

Nous avions travaillé plus de deux heures.

À vingt heures, elle m’avait proposé de faire une pause et d’aller prendre un verre. Comme elle repartait le lendemain pour New York et que mon emploi du temps était fort chargé, je lui avais suggéré de le faire suivre par un dîner léger, ce qui nous permettrait de poursuivre nos échanges et de faire progresser le dossier.

— Vous êtes marié ?

— Je ne l’ai jamais été et ne le serai jamais. Je fais partie des chausseurs bien chaussés.

— Vous êtes contre le mariage ?

— Je suis contre le divorce, ce qui revient au même.

Je l’avais emmenée au Cercle Royal Gaulois dont j’étais un membre assidu.

Enfoui dans le parc de Bruxelles, l’endroit était convivial et discret. Il fallait montrer patte blanche pour y entrer, ce qui était propice à la situation. Je ne tenais pas à apparaître dès le lendemain en couverture d’un quotidien, même si le risque était limité.

À l’inverse des États-Unis, où une banale salle d’audience pouvait revêtir des allures de plateau hollywoodien, la Belgique ne considérait pas la publicité qui entoure les affaires juridiques comme l’expression solennelle de la liberté d’expression. Les choses allaient changer et j’en tirerais certainement profit, mais je n’étais pas encore familiarisé avec les finesses de l’outil.

— Vous êtes gay ?

— Marié ou gay, c’est assez réducteur.

— Ne me dites pas que vous êtes un célibataire endurci.

— Disons que je suis célibataire par conviction.

— C’est ce que disent les vieux garçons maniérés qui vivent dans un milieu aseptisé.

— On peut apprécier l’ordre et la propreté sans être monomaniaque.

Elle prit un air entendu.

— Bien sûr.

Un ange passa, la photo de mon appartement bien rangé glissée entre les ailes.

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