▶ Dernière minute : évacuation de populations en France
Le ministère de l’Intérieur français confirme le début de l’évacuation de populations dans un rayon de cinq kilomètres autour de la centrale nucléaire de Saint-Laurent, dans le département du Loir-et-Cher. La ville de Blois, et ses châteaux mondialement connus, ainsi que la périphérie d’Orléans sont touchés, entre autres. De plus amples mesures d’évacuation ne sont pas à exclure.
Mon Dieu, soupira Bollard. Nanteuil se trouvait entre Blois et Saint-Laurent. De nouveau, il prit le téléphone.
▶ Retrait de liquidités limité à 100 euros par jour
À la suite de l’assaut de la veille sur les banques dans la plupart des pays européens, la Banque centrale européenne appelle au calme. « Le retrait de liquidités est assuré », a indiqué son président, Jacques Tampère. Jusqu’à nouvel ordre, ces retraits seront limités à cent euros par jour et par personne. Tampère a confirmé que la Banque centrale mettait à disposition un milliard d’euros pour soutenir les marchés.
▶ Nuage radioactif en direction de Paris ?
Les informations de ce matin provoquent l’inquiétude ; un nuage chargé de particules radioactives serait poussé par le vent depuis Saint-Laurent en direction de Paris. Selon EDF, de la vapeur faiblement radioactive aurait été libérée de la centrale afin de réduire la pression au sein du réacteur. D’après les données communiquées par EDF, les quantités ne seraient pas nocives pour la santé.
On frappa à la porte.
« Entrez. »
Manzano apparut.
« Avez-vous un peu de temps ? »
Bollard raccrocha et l’invita à s’asseoir à la petite table de réunion.
« Vous avez l’air blême, fit remarquer Manzano.
— Trop peu de sommeil ces derniers jours.
— Qui pourrait prétendre le contraire ? soupira l’Italien. Il posa son portable devant le Français.
— Vous vous souvenez des données que je vous avais demandées, celles des fournisseurs de logiciels pour les centrales ?
— Oui.
— Je crois que j’ai découvert d’où pourraient provenir les mystérieux problèmes techniques apparus dans les centrales. Leurs logiciels sont à la fois très spécifiques et très complexes, si complexes qu’une attaque d’ampleur contre autant de centrales serait très onéreuse. Où pourrait se planquer un tel assaillant ? Je me suis demandé où j’irais si j’avais assez de temps et d’argent pour une telle action. En tant que criminel, j’ai besoin d’une porte d’entrée qui me permette de faire le plus de victimes potentielles possibles. C’est-à-dire quelque chose de commun à tous les systèmes de contrôles de centrales, aussi différents soient-ils. Si l’on pense ainsi, on en arrive rapidement à la conclusion qu’il s’agit des systèmes SCADA, les logiciels utilisés par les centrales. Parce que peu de fournisseurs en équipent le monde entier. Bien entendu, ils développent des solutions spécifiques à chaque centrale. Mais certaines parties du logiciel sont identiques pour beaucoup d’entre elles. S’il est possible de manipuler certaines de ces parties, j’ai gagné.
— Mais les systèmes SCADA sont extrêmement sûrs en raison de leur structure, objecta Bollard. Il fronça les sourcils. Ce serait alors…
— … un travail effectué au sein même d’un producteur de systèmes SCADA, compléta Manzano. J’ai de bonnes raisons de croire que ce pourrait être précisément le cas. “Pourrait” — je le dis avec une grande prudence. Les développeurs avaient utilisé pour chacun des systèmes SCADA de la première génération leurs propres protocoles et leurs propres architectures. Les systèmes SCADA modernes ont de plus en plus recours à des solutions standard pouvant être utilisées sur chaque ordinateur et en passant par Internet. Ça rend leur utilisation plus simple, mais augmente drastiquement les risques liés à la sécurité, expliqua Manzano. Cependant, je dois bien reconnaître que mes soupçons ne reposent que sur une seule statistique. »
Il afficha à l’écran une carte de l’Europe avec de nombreux points bleus.
« Voici les centrales touchées, en l’état actuel de la situation. J’ai simplement comparé avec les fournisseurs de logiciels. Le résultat est bluffant. »
Il appuya sur une touche. La plupart des points devinrent rouges. « Toutes ces centrales ont été équipées par un seul fournisseur de systèmes SCADA. »
Il laissa ses mots en suspens.
« Pour plus de sécurité, j’ai aussi fait le test inverse. Le quart restant a été équipé par d’autres grands producteurs de systèmes SCADA. En résumé : une large majorité des centrales hors service sont équipées de systèmes provenant du même fournisseur : Talaefer. »
Central opérations
L’Italien se faisait de plus en plus encombrant.
Bien sûr, ils avaient compté sur le fait que, parmi les milliers d’enquêteurs européens, tôt ou tard, il y en aurait bien un qui trouverait une piste. Quoi qu’il en soit, ils avaient pensé que ça arriverait plus tard, pas si rapidement. Et, de nouveau, l’Italien en était responsable. D’abord les compteurs en Italie et en Suède, puis ça. Il était temps d’entreprendre quelque chose contre ce type. Ils allaient jouer un peu avec lui. Ils pouvaient s’infiltrer dans son ordinateur. Il tapa quelques lignes de code au clavier. Une liste de noms apparut à l’écran, dont Manzano suivi de « offline ». La prochaine fois que l’Italien allumerait son ordinateur et serait en ligne, il lui concocterait une petite surprise. Il l’aurait presque regretté. Manzano était si proche d’eux. Ensemble, ils avaient manifesté contre les flics, ils avaient encaissé des coups de matraque. Comme eux, il s’était aventuré dans des zones interdites lorsque, hacker, il avait survolé les dimensions infinies du Net, franchi et fait tomber des barrières. Jusqu’au moment où, à l’instar de tant d’autres, il avait suivi la mauvaise voie. S’ils ne pouvaient pas le ramener sur le droit chemin, ils devaient l’écarter du leur.
La Haye
« Qu’en pensez-vous ? »
Le front plissé, Bollard regardait la caméra de son ordinateur. Dans la petite fenêtre, en haut à droite, apparaissait le visage du directeur d’Europol. Il était de nouveau en déplacement, cette fois à Bruxelles, afin de s’entretenir avec différents responsables à la tête d’autres organisations de l’Union.
« Une trace que nous devons suivre, fit le directeur. Nous devons creuser chaque piste. Le temps passe. »
C’est ce qu’avait escompté Bollard. La coopération de Manzano avec la journaliste américaine avait confirmé ses pires craintes. Même si Manzano, tout bien considéré, n’avait pas fait d’entorse à son devoir de réserve, il lui faisait encore moins confiance. Il voulait que ce criminel, ce pseudo-révolutionnaire, reste extérieur à la maison.
« Qu’est-ce que vous diriez, demanda-t-il à Ruiz, si nous l’envoyions chez Talaefer, afin de les aider ? »
Ainsi, les Allemands s’en débrouilleraient.
« Si vous n’en avez pas besoin…
— Nous avons besoin de chaque homme, mais s’il y a un soupçon de vrai dans ce qu’il dit, ils se réjouiront probablement, chez Talaefer, de l’avoir parmi eux.
— Proposez-le lui. »
Enfin ! pensa Bollard. Ciao, Piero Manzano.
Ratingen
« Qu’est-ce qu’ils veulent ? demanda Wickley.
— Accéder aux softwares », répéta le directeur technique. Il utilisait un téléphone satellite pour communiquer avec Bangalore, où étaient localisés les centres d’appel et d’assistance à distance de l’entreprise ainsi qu’une partie de la production. « Nous ne pouvons rétablir le contact que maintenant. Ça ne fonctionne que trois à quatre fois par jour.
Читать дальше