Franck Thilliez - AtomKa

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URSS, 1986. Hommes, terres, bêtes… l’atome a tout ravagé. Mais de Tchernobyl vient de s’échapper un mal plus terrible encore…
Paris, vingt-six ans plus tard. La scène de crime n’est pas banale : un journaliste mort de froid, enfermé dans son congélateur. À quoi travaillait-il ? Franck Sharko et Lucie Henebelle, de la Crim’, remontent la piste… Elle les mènera au cœur de l’enfer, là où, au nom de la science, l’avenir s’écrit en lettres de sang. « De quoi méditer et mourir de trouille, grâce à un auteur en totale et parfaite maîtrise de son art. »
Le Point
« C’est avec une passion et un intérêt quasi hypnotiques que l’on suit le chemin tortueux que Franck Thilliez nous fait suivre. »
20 Minutes
« Glaçant ! »
Le Figaro Madame

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Le flic étouffait. Il découvrit encore, recollés et punaisés sur un tableau en liège, les résultats de ses spermogrammes qu’il avait déchirés et jetés à la poubelle, devant le laboratoire d’analyses médicales.

Violé, jusqu’au plus profond de lui-même.

Il essaya de ne pas sombrer. Que faire ? Appeler Basquez ? Cette fois, il serait viré pour avoir agi seul, à coup sûr. Il n’aurait plus accès à rien et se retrouverait quasiment pieds et poings liés. De ce fait, il chassa cette option de sa tête.

Il se redressa et, aidé de sa lampe, observa.

Il était dans le repaire de l’assassin de Gloria, son antre secret. Là où, peut-être, ce chasseur avait élaboré ses plans, préparé ses crimes. Il l’avait surpris, avait pris de l’avance sur son adversaire et devait à tout prix profiter de cet avantage.

Le commissaire réfléchit et décida de décrocher une à une les photos, en les observant méticuleusement. Il y aurait peut-être un détail, une erreur qui lui donnerait des informations sur son bourreau. Et puis, il y avait assurément quelques empreintes digitales à récupérer sur le papier glacé.

Sur l’une d’elles, il se vit au milieu d’anciens collègues, dans la cour du Quai des Orfèvres. Sourires de l’équipe, mains levées en signe de victoire. Un événement que tous semblaient fêter, lui y compris. Il l’arracha de son support, la main tremblante.

Ce cliché avait plus de trente ans.

Et ne lui appartenait pas.

La gorge serrée, Sharko poursuivit sa tâche, empilant les photos les unes sur les autres. Sur d’autres prises de vue, il se revit au fond d’un bar, avec des vieux de la vieille du 36, alors qu’il n’avait pas trente-cinq ans.

Qui avait pris la photo ?

Qu’est-ce que ça voulait dire ? Que le psychopathe était quelqu’un de la maison ? Quelqu’un qu’il avait fréquenté par le passé ? Un ancien collègue ?

Toute sa vie, là, brossée sur quelques rectangles de papier glacé.

Assurément, le tueur ne s’attendait pas à ce qu’on pénètre ainsi dans son antre. Cette fois, Sharko avait un avantage sur les pièces blanches et le coup maudit du cavalier en g2.

Il allait à présent falloir l’exploiter.

51

2 heures du matin, jeudi 22 décembre.

L’intervention chez Léo Scheffer allait avoir lieu.

Les deux véhicules de police s’étaient rangés dans l’une des rues enneigées du Chesnay, banlieue chic à l’ouest de Paris, derrière le véhicule de Sharko. Le commissaire avait appelé Bellanger, obtenu l’adresse et attendu les équipes seul, assis dans sa Renault 25, à gamberger. Il n’avait laissé aucune trace dans la péniche. Les photos, les CD, les spermogrammes étaient au fond de son coffre, sous une couverture.

Et en attendant ses collègues, il avait ruminé, observant, encore et toujours, la centaine de photos. Ça tambourinait partout dans son crâne.

La BAC [11] Brigade anticriminalité. avait été sollicitée pour l’intervention. À ce moment même, les hommes vêtus de noir s’organisaient autour de la grande maison individuelle, cernée d’un jardin, tandis que Sharko et Bellanger se tenaient plus en retrait, à proximité des voitures. Le jeune chef de groupe était engoncé dans un gros blouson en cuir fourré et son bonnet descendait jusqu’aux sourcils. Sharko essaya de se remettre dans la dynamique de leur enquête :

— Tu as pu contacter Interpol concernant Dassonville ?

— Oui. Il a fallu réveiller du monde, ça n’a pas été simple. Si proche des fêtes de Noël, je te laisse imaginer le cirque. Je crains que tout ça ne se mette en route sérieusement demain matin.

Sharko soupira, puis tourna la tête vers la demeure. Des ombres furtives s’engageaient dans l’allée.

— Qu’est-ce qu’on a sur Scheffer ?

— Pas grand-chose pour le moment. Robillard devrait être arrivé au 36, il va creuser davantage. On sait juste qu’il n’a pas de casier et n’a jamais eu d’ennuis avec la justice.

— Je crois qu’à présent il va en avoir.

Bellanger fixa le visage de son subordonné à la lueur d’un lampadaire. Sharko avait le visage très blanc et les traits tirés sous son bonnet noir, au bord légèrement enroulé.

— On dirait que t’es malade. Tu couves quelque chose ?

— La fatigue… Et puis savoir que Dassonville était là-bas, au Nouveau-Mexique, aux côtés de Lucie, ça me bouffe de l’intérieur. J’espère que tout ça va se terminer très vite.

Il glissa les mains dans ses poches, il n’en pouvait plus. Autour, aucune trace de vie. Les rues étaient vides, les gens dormaient. La couche de neige qui luisait sous les lampes orangées donnait à l’endroit des airs de lieu hors du temps.

Il y eut soudain un gros bruit. Les hommes de la BAC s’engouffraient dans la maison. Sharko et Bellanger se précipitèrent dans le jardin et s’engagèrent dans le vaste hall d’entrée. Des lampes et des flingues braqués s’agitaient dans toutes les directions. Claquements de semelles dans l’escalier. Des portes qui s’ouvrent brutalement, des voix graves qui ordonnent.

Au bout de deux minutes, les flics eurent la certitude qu’il n’y avait personne dans la maison. Le capitaine de la BAC amena Sharko et Bellanger dans la chambre. Il actionna un interrupteur puis désigna les armoires ouvertes, les valises de différentes tailles, les quelques vêtements au sol.

— On dirait qu’il a fichu le camp, et ça s’est fait dans la précipitation. On n’a pas trouvé de véhicule dans le garage.

Sharko n’arrivait pas à faire retomber la tension accumulée en lui. Cette nuit maudite n’en finirait jamais. Après avoir rangé son arme, il alla dans la petite salle de bains attenante. Elle était splendide, de style grec : marbre au sol, faïence ancienne sur les murs, avec une gigantesque frise sur l’un d’eux, représentant un serpent qui se mord la queue. Les gants de toilette, le savon, la brosse à dents étaient en place, confirmant que Scheffer avait fait au plus vite.

Le flic revint vers la chambre, jeta un œil rapide au mobilier de luxe, aux quelques œuvres d’art, au lit parfaitement fait. Scheffer ne s’était même pas couché : Dassonville avait dû l’avertir dès qu’il s’était aperçu de la présence de Lucie.

— Il faut lancer son signalement au plus vite. On doit coincer ce fils de pute avant qu’il nous glisse entre les doigts.

Bellanger soupira brièvement en regardant sa montre.

— On va faire ça, oui. On va faire ça.

Il ne paraissait pas au mieux, lui non plus, avec ce nouvel échec. Et puis le manque de sommeil, les heures qu’il ne comptait plus, le stress. Cette enquête les mettait sur les rotules, les uns après les autres.

Un homme de la BAC apparut dans l’embrasure.

— Vous devriez venir voir à la cave.

Ils sortirent tous de la chambre et descendirent, s’attendant encore une fois au pire. La maison était immense, les perspectives s’ouvraient sur des espaces toujours plus grands.

— Ce type a l’air de sacrément bien gagner sa croûte. Une telle baraque au Chesnay, ça ne doit pas être donné.

Au fil de sa progression, Sharko remarqua l’omniprésence du temps : il y avait des horloges, des carillons partout. Les aiguilles couraient sur les segments, les balanciers allaient et venaient, les petits bruits résonnaient dans toutes les pièces. Un sablier géant reposait au milieu du hall, avec un sable de couleur rouge, accumulé en un gros tas pointu.

Les policiers s’engagèrent dans une autre cage d’escalier qui les mena au sous-sol. L’air était relativement tiède dans ce couloir étroit, aux murs peints en gris. Ils bifurquèrent dans une petite pièce faiblement éclairée, d’où se dégageaient des odeurs d’humidité et de plantes. L’épaisse porte avait été forcée par les officiers de la BAC.

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